UN TEXTE DANS LE DIALECTE BERBÈRE DES AIT MESSAD Le territoire des Ait Messad —
UN TEXTE DANS LE DIALECTE BERBÈRE DES AIT MESSAD Le territoire des Ait Messad — les Ait Mestaoua d'Ibn Khaldoun — est resté jusqu'ici une des régions les plus mystérieuses du Moyen Atlas. C'est un plateau élevé et pauvre, dominé par la silhouette sévère du Djebel Azourki, couvert de pâturages maigres et de forêts éparses de chênes-verts, habité par plus de 20.000 Berbères de langue tamazi-;t. Les Ait Messad ne constituent pas à proprement parler une tribu, mais plutôt une confédéra- tion dans laquelle rentrent les Ait Outferkal, les Ait Ougoudid, les Ait Mazigh, les Ait Isha et les Ait Maham- med, vivant encore en siba à l'exception, des Ait Outferkal dont la soumission remonte à l'automne 1918. A cette époque, le poste d'AzilaP fut créé chez les Ait Outferkal à la suite d'une expédition^ qui se termina par la mort tragique du jeune et brillant pacha de Demnat, Abd el Malek, fils du fqih Si Madani El Glaoui, seigneur de Telouet. On sait que ce dernier, très affecte par la mort 1. Le mot est berbère et signifie «crête, rocher.» Le poste s'élève près du ssouq elkhemis et les Indigènes le désignent sous ce nom. C'est pour ne pas encombrer la toponymie d'un ssouq de plus, que le parrain du poste, le capitaine Orthieb, s'est servi du mot berbère. Azilal est à 1485 m. d'altitude, à 174 km, de Mar- rakech et à 30 km. d'Ouaouizeght. 2. Les frères Tharaud visitèrent le pays quelque temps après la conquête et consignèrent leurs impressions dans leur ouvrage : Marrakech et les seigneurs de l'Atlas. MKI.Af(i;gS BASSET. — T. H, 20 èOê Ê. LAOUSt • de son fils préféré, mourait bientôt après dans son palais de Marrakech. Le texte qui suit m'a été dicté à Azilal en avril 1921^ par un mokhazni du poste. Il se rapporte au mariage que les Berbères de cette région célèbrent de curieuse façon. L'usage est de marier le même jour tous les jeunes gens au cours de cérémonies collectives auxquelles participe toute la tribu. Les fêtes se déroulent loin du village, dans la campagne, dans le voisinage d'un agourram, d'une source ou d'une forêt de chênes. Le mariage est consommé, npn dans la maison maritale, niais dans la tighremt communale, dans une des dépendances de la zaouïa ou tout simplement en plein air, à la belle étoile. J'ai signalé ailleurs^ des cérémonies identiques observées chez d'antres populations berbères du Moghreb, notam- ment chez les Ait Atta, les Ait Haddidou, les 'Ait Izdeg; j'ai montré l'importance de ces pratiques qui n'ont fait jusqu'ici l'objet d'aucune étude, et émis l'hypothèse que ces sortes de mariages, aujourd'hui l'exception, étaient dans un lointain passé les seuls en faveur en Berbérie. Chez les Ait Messad, les fêtes ont lieu aussitôt après l'enlèvement des récoltes ou à l'époque de la maturité du raisin. Elles commencent généralement le dimanche ou le mercredi et durent trois ou sept jours. Elles offrent, au surplus, d'une tribu à l'autre, de nombreuses variantes qui ont leur intérêt ethnographique. Chez les Ait Ougoudid, elles se déroulent au lieu dit Igdi, près d'un marabout du nom de Sâïd Ouidir. C'est en cet endroit que les femmes bâtissent la « nouala de la mariée » tanualt n-tsliU au moyen de branches de chêne 1. Au cours d'un voyage organisé par M. Ricard, auquel prirent également part M. Pallary, le capitaine Martel et M. L. Sharpe. Les photographies sont du capitaine Martel 2. In Hespéris, 1" Année, fasc. I dans mon article : Noms et Cérémonies des feux de joie chez les Berbères du Haut et de V Anti- Atlas. tJN tEXTE EN DIALECTE BERBERE DES AIT MESSAD 30^ qu'elles réunissent au sommet de manière à donner au petit édifice la forme pyramidale. Cette nouala est toute petite; la fiancée s'y tient seule, juste à l'aise, accroupie sur une natte pendant toute la durée des fêtes. Il y a autant de noualas alignées et placées l'une à côté de l'autre que de fiancées à marier. Du reste, il n'y a pas nécessairement de cérémonies chaque année : il faut qu'il y ait des jeunes filles à marier et que la moisson ait été bonne. Le fiancé isli est assisté de garçons d'honneur appelés maéed n-isli et imesnin, et la fiancée tislit, de compagnes appelées timenejMin. Les fêtes sont dirigées par un afiater ou un am^ar n-tme'jiwin, qui est une sorte de maître de cérémonies. La consommation du mariage a lieu la nuit en dehors de la nouala, à la belle étoile. Chez les Ait Outferkal de la zaouïa de Sidi Tami, dès l'acte conjugal accompli, les fiancés se réfugient dans la mosquée où tolba et cavaliers viennent les chercher pour les ramener en grande pompe à leur demeure. Les Ait Outferkal d'Azilal dressent les noualas nuptiales au lieu dit Tissa et consomment le ma^-iage dans la tighremt où l'on emmagasine le produit des récoltes. Les cérémonies de leur mariage sont consignées dans le texte ci-dessous accompagné de sa traduction et de notes grammaticales qui n'ont d'autre valeur que d'être les premières du genre. Mkan ira bab n-tme^;ra a-isker iame-^ra î -warrau-nns innù' iasn : « a-tâqbilt,a-terbahem! nkratâ^; s-afella ansker time (divin 1. PI. time^riwin « noce, fêtes et cérémonies nuptiales » ; le « mariage » porte un nom différent. Le mot est comiu dans la plu- part des parlers sauf les touaregs. On relève : tame^ra ou tam-^ra, Tazerwalt (Stumme, Handbuch des Schilhischen von Tazerwalt, p. 230), Sous, Haut et Anti-Atlas (Laoust, Cours de berbère maro- cain, p. 161), Ntifa, Demnat (Boulifa, Textes berbères en dialecte de ;U)8 É. LAotst i-lqùm-ennay ! » Han hateren nnan-as : « Wahha! Mkinna nusi ianebdut t'allemt-a-; , nsker time^riwin, anse^; zzit, nse-; tamemi, nser lkettàn,nse^ irden,nse^ Imehâssâ, nse^; ssokwor, nse^; $iema, nse^ atay, nsey Usila i'taiUin-enne^ d-loqom-enne; tintsla- eniïe-f! » Mkan s^an kulsi mujud iazen sersen walli lyan ahater n-teqbilt, l'Atlas marocain, p. 374) ; ^am^ra, A. Yousi, A. Ndhir, ; ^amà^ra, A. Sadden ; %ame^ra, A. Seghrouchen, Zouaoua ; làmà^ra, A. Waryaghel (Westermarck, op. cit, p. 78)., Boulifa (Méthode de langue kabyle, 2^ année, p. 522) ramène l'étymologie du mot à un thème MyR auquel se rattachent im^ur « être grand » et ses dérivés. Avec plus de vraisemhjance, Stumme et Destaing {Voca- bulaire français- berbère) supposent une racine ^R « crier, appeler » et par extension « inviter » comme dans l'expression : ^er i- medden. Une forme nf-^er signifie « s'appeler (entre, amis, par exemple, pour manger) ». La noce berbère s'accompagne de longs festins auxquels sont conviés de nombreux invités. Il existe d'autres appellations locales se rapportant aux fêtes nuptiales, telles que : urar, litt. « chant » A. Oubakhti (Wester- marck, op. cit., p. 78) ; islan, litt. « les fiancés », Zemmour, A. Warain (Westermarck) et Ouargla (Biarnay, p. 399) ; azluf ILWtt, Ghat, de ezlef « se marier » (Nehlil, Etude sur le dialecte de Ghat, p. 176). Les Touaregs Ahaggar nomment le mariage tediut +!A + de idau : A « faire compagnie » et par ext. « être marié, se marier » terme qui n'est pas sans rapport de sens avec tinegift ou tineggift, usité dans le Sous pour désigner le cortège nuptial (cf. Laoust, Le Mariage chez les Berbères du Maroc, in Archives Berbères, n° 1). De la racine NGF, dérivent : ng-g-a/a, expression désignant à Fès, à Meknès et à Tanger « la négresàe chargée d'initier la mariée aux pratiques nuptiales » et amenegef, î.- tamenegeft, pi. timenegfin, connus en tachelhait pour désigner « tout individu (homme ou femme) faisant partie du cortège nuptial ». L'expression se retrouve dans la partie orientale du domaine berbère : le mariage se nomme en effet tendjift dans le Djebel Nefousa (De Motylinski, Le Djebel Nefousa, p. 139) et andjaf dans l'oasis de Syouah (R. Basset, Le dialecte de Syouah, p. 67). La racine NGF semblemarquer l'idée d'accompagnement et paraît berbère. Destaing cependant le rapporte à l'arabe o?^i « plaisanter » sans doute parce que, en certaines régions,- la fiancée est l'objet de plaisanteries de ceux qui lui font cortège. %0% Laoust Planche I. 1 JOM UN TEXTE EN DIALECTE BERBÈRE DES AIT MESSAD 309 inna-iasen : « a-tâqbilt, aterbahemi ass Ihàdd haya-^ da-netja Ihànna ad-^umin islan^ ttslatinl » 1. PI. de as/ï ou de isli « fiancé ». La première forme s'observe : Ntifa, Demnat (Boulifa). A. Tamedlou (West.) Zkara, B. Iznacen, Metmata (Destaing), Béni Menacer (R. Basset, Notes de lexico- graphie berbère, p. 57), Ouargla (Biarnay), Mzab (R. Basset, Et. sur la Zenalia du Mzab, d' Ouargla et d'Oued Rir', p. 61), asli, Dj. Nefousa(de Motylinski) ; asri, Rif (Biarnay). La forme par i initial est signalée dans les régions suivantes : isli, Aglou (West.), Sous, Tlit (Laoust), A. Yousi, A. Sadden (West.), Zouaoua (Huyghe) B. Halima (R. Basset, Et. sur la Zenatia de l'Ouarsenis et du Moghreb central). Les formes féminines correspondantes sont : l» taslit, A. Messad, A. Atta, Ntifa, Demnat, Igliwa, Ihahan, Sous, Tlit, Mzab (R. Basset), etc., taslih, Zkara, Béni uploads/s3/ un-texte-berbere-dans-le-dialecte-berbere-des-ait-messad-e-laoust.pdf
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- Publié le Nov 03, 2021
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