Damien Roudeau villiers [Carnet de rencontres]à la Cerisaie Né en 1981, Damien

Damien Roudeau villiers [Carnet de rencontres]à la Cerisaie Né en 1981, Damien Roudeau se consacre depuis 2001 au reportage dessiné. Formé en illustration à l’école Estienne, il reçoit en 2006 le Prix de l’écriture et le Grand prix du Rendez-vous du carnet de voyage de Clermont-Ferrand pour De bric et de broc, témoignage d’une année de vie dans une communauté Emmaüs. Il privilégie depuis les su- jets au long cours, dans des univers présumés autarciques (tribus électroniques, usagers de drogues, familles roms, groupes de sans-logis...). Après avoir participé à l’aventure du collectif Les Yeux dans le monde (2003-2012), il intègre en janvier 2013 le collectif Argos (www.collectifargos.com). Il est également membre des Carnettistes Tribulants et des croqueurs de lignes (www.delignesenligne.com). Car Damien aime dessiner en bande. Et parfois même en bande dessinée. villiers [Carnet de rencontres]à la Cerisaie Damien Roudeau villiers [Carnet de rencontres]à la Cerisaie 5 villa du petit valet 92160 Antony │ www.la-boite-a-bulles.com │ Conception graphique : Damien Roudeau Dépôt légal : novembre 2013 │ isbn: 978-2-84953-198-7 Texte, photo et dessin : Damien Roudeau (Collectif Argos) │ Dessins p.96 : Paula Bulling © 2013 La Boîte à bulles & l’auteur. Tous droits de reproduction réservés. Ouvrage réalisé avec le soutien de la ville de Villiers-le-Bel et de l’ANRU. Une collection lancée avec le soutien de la Région Île-de-France, et dirigée par Maximilien Le Roy & Vincent Henry. DU MêME AUTEUR De Bric et de broc Parole et Silence Têtes de pioche Corac Dosta Vide Cocagne Rosny grandeur nature Folies d’encre En chemin elle rencontre vol. 2 (collectif) Des ronds dans l’O Les désobéisseurs (collectif) Vide Cocagne Merci à tous les habitants dessinés, anciens, actuels ou juste débarqués, des trois bâtiments de la Cerisaie : Acacias, Clématites et Bleuets. Big up à la maison de quartier du boulevard Salvadore Allende : animateurs et agent-e-s motivé-e-s qui sèment l’espoir et les projets. Merci à Salima Harbi pour l’impulsion, Violaine Chaignon pour la coordination, Marie Trolle pour la confiance (en toute saison), Héloïse Leterrier et Denise Single pour les finitions. D.R. "Ils sortent. La scène est vide. On entend fermer à clé toutes les portes, puis les voitures partir. Le silence. Puis le bruit sourd, monotone, d’une hache sur un arbre. On entend des pas. Il reste étendu sans mouvement. On entend le bruit lointain, comme tombant du ciel, mourant, lugubre, d’une corde qui se casse. Puis le silence s’établit. On n’entend plus au loin dans la cerisaie qu’une hache frappant un arbre. RIDEAU." Anton Pavlovitch Tchekhov, La Cerisaie, Acte IV (1904) Blog du carnet : villiersrebel.tumblr.com Diaporama : dailymotion.com/la-cerisaie Nous apposons avec Manoj les premières touches de pein- ture à une fresque participative qui va nous occuper les quatre prochains mois. Longue frise de dizaines de por- traits d’habitants, peints grandeur nature, sur les murs d’enceinte de la cité Vitry, dans le centre-ville de Montreuil. Manoj habite la cité, et la ville de Montreuil m’a demandé de travailler avec lui sur ces portraits pour "retisser du lien social entre des habitants qui ne se parlent plus". Sans illu- sions sur le caractère expiatoire du projet, on recouvre tout de même consciencieusement d’un gris neutre les tags rageurs. Une "agente de développement local" de Villiers-le-Bel est de passage sur le chantier. Elle envisage un projet simi- laire sur le quartier des Carreaux, en rénovation urbaine. à la pause café, nous feuilletons le Journal du Dimanche et tombons sur une lettre ouverte, signée par des maires de banlieue (majoritairement de gauche), adressée par Claude Dilain, maire socialiste de Clichy-sous-Bois, président de l’association Ville et banlieue, "à ceux qui ignorent les ban- lieues". Il y dénonce une relégation et un sentiment d’aban- don qui menaceraient la cohésion de l’ensemble de la so- ciété. L’index file au bas de la liste des signataires : Vaillant Didier, Villiers-le-Bel. Juste avant le paraphe de Voynet Dominique, maire de ma verte ville de Montreuil (avec ses ghettos bourgeois, plus très bohèmes, qui se sécurisent à grands renforts de herses et de digicodes, chassant tou- jours plus loin les plus modestes). L’édile de Clichy questionne et met en garde : "Faudra-t-il de nouvelles émeutes pour que les pouvoirs publics s’inté- ressent à nos villes et à ceux qui y vivent ? Il ne s’agit pas seulement de délinquance, des trafics ou de la violence, qui seuls parviennent à capter l’attention des médias. Au-delà de l’insécurité, inacceptable, nous subissons, et chaque jour davantage, l’enclavement, le chômage, l’échec scolaire, le mal-logement, et une pénurie des services publics." Suit la liste, sans cesse rallongée, des espoirs déçus par la Politique de la Ville : "sentiment d’abandon, taux d’abstention record, défiance des habitants de ces quartiers, détresse, peur des ghettos, fragmentation sociale et urbaine, société "balkani- sée", menace du pacte républicain, entre-soi et inégalité..." C’est ce sentiment de ne pas vivre "dans le même monde" qui a motivé les élus montreuillois à initier un projet de fresque participative : les anciens ne fréquentent plus le terrain au pied des immeubles ("l’agora"), par peur des "bandes de jeunes" qui squattent les bancs ("avec leur drogue et leur musique"). Les "bandes de jeunes" railleraient de leur côté ces sil- houettes en planque derrière les rideaux de dentelle, à l’affût du moindre écart pour appeler le 17... C’est à peu près le briefing que je reçus alors de la municipalité. Cli- chés des "quartiers populaires" ressassés par les mé- dias. Pour partie vérifiés sur le terrain : ce premier jour de peinture, j’ai droit à la visite d’une escouade d’hom- mes en bleu (prévenus par un voisin), pour s’assurer que la "bande de jeunes qui m’encercle" ne m’importune pas. Le maire de Clichy s’inquiète, cinq ans après les émeutes, des retards pris par la réforme des politiques en faveur des quar- tiers les plus sensibles. Réforme qui serait "au cœur de notre projet de société et nous donnera peut-être les outils qui nous permettront de lutter contre les inégalités territoriales et la re- légation de catégories entières de population aux marges de la société. Les élus de banlieue ont fait des propositions, restées aujourd’hui sans réponse. T ant attendue, l’installation prochaine du Conseil national des villes par le Premier ministre doit être l’occasion d’une mobilisation politique réelle en faveur des ban- lieues les plus difficiles, avant qu’il ne soit trop tard". On devine, entre les lignes de cette tribune et de cette conclu- sion en forme d’ultimatum, des élus au bord de la crise de nerfs, fatigués de jouer aux pompiers et de voir leurs finances s’assécher. L’agente de développement local me rappelle quel- ques jours plus tard : elle part pour Sevran, le projet dans le quartier des Carreaux ne se fera finalement pas. Mais celle qui lui succède me contacte, quelques mois plus tard, pour inter- venir dans le cadre d’un autre important projet de rénovation urbaine sur Villiers-le-Bel : la Cerisaie. 21 mai 2010 │ Intro zone sensible 1920 Villiers-le-Bel devient une banlieue pavillonnaire. 1930 Premiers lotissements. 1957 Premier grand ensemble (les Carreaux). 1958 Construction de la copropriété de la Cerisaie (bâtiments A, B et C). 1970 Le boulevard Allende sépare le bâtiment A des deux autres immeubles, qui restent dans une impasse. 1980 Acquisition d’une partie des logements de la Cerisaie par un bailleur social. 2000 Diagnostic par le Pact Arim*. La réhabilitation semble encore possible pour le bâtiment C. 2004 Lancement d’un plan de sauvegarde sur la Cerisaie. 2007 émeutes. Incendie de la bibliothèque et de l’école Louis Jouvet. 2009 signature d’une convention Anru*. 2010 Réhabilitation des Bleuets. 2011 Scission de la copropriété en 3 entités distinctes (Acacias, Bleuets, Clématites). 2012 Second plan de sauvegarde pour les Acacias et les Bleuets. 2013 Démolition des Clématites. Je veux pas t’embellir le décor Ni assombrir le tableau, verser des pleurs, Mais s’il faut vraiment te décrire la banlieue nord Franchement alors autant être clair : ça fait peur. Dur de s’y plaire et les murs sont si lourds Que c’est avec nos propres corps que l’on tient nos tours. [...] Dans deux ans ils vont repeindre Et dans cinq ils vont comprendre, quand le feu va reprendre. Mon frère, mate le cadre et donne-moi le code ou la clé Afin de quitter ce décor bâclé Toujours au premier plan de leurs conneries de propagande à propos d’histoires de bandes et de clans Exclus et encerclés, prenez votre raclée Pour le boulot pas d’élu, aucun appelé. La banlieue nord reste première en matière de hardcore Première en matière de rap fort Première en matière de police et de renfort La banlieue nord a mis la Terre entière sur son passeport A du son de gangster dans son transistor Dure et amère comme une mère te ment quand tu en sors Marre d’être les singes ou les bêtes en cage qui habitent Là où l’espoir c’est le rap et les break beat Les braquages et même les grecs frites Les mômes sans diplôme traînent et puis apprennent vite Toutes les ficelles, recettes et ustensiles Que recèlent argent sale et vie facile Mais sois tranquille, uploads/s3/ villiers-rebelle.pdf

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