L´évolution hétérogène du principe de précaution. Les différentes interprétatio

L´évolution hétérogène du principe de précaution. Les différentes interprétations: CIJ, OMC et CJCE Marcelo Dias Varella Professeur au Centre Universitaire de Brasília, Brésil. Chercheur du Conseil National de Recherche Scientifique et Technologique (CNPq). Le principe de précaution a généralement été présenté comme l’outil de conciliation entre le droit international de l’environnement et le droit international économique. Or sa mise en œuvre au plan juridictionnel montre à quel point la conciliation est matériellement épineuse. La question de l’acceptabilité du principe de précaution au sein de l’Organisation mondiale du commerce est un bon indicateur lorsque l’on veut comparer la cohérence entre les normes commerciales et environnementales, surtout si nous les confrontons avec l’interprétation qui en est donnée par la Cour internationale de justice ou la Cour de Justice des Communautés Européennes. L’objet d’étude – le principe de précaution – est un principe en construction, dont la reconnaissance est vue comme un geste précurseur, favorable à la protection de l’environnement. Les autres principes importants du droit de l’environnement comme le principe de prévention et le principe pollueur-payeur sont déjà consolidés dans la théorie juridique, aussi bien que dans les traités et dans la jurisprudence internationale. L’Organisation mondiale du commerce, la Cour internationale de justice et la Cour de justice des Communautés européennes ont déjà eu l’opportunité de se prononcer sur l’applicabilité du principe de précaution. Par ailleurs, les objets “Este artigo pode ser reproduzido livremente, desde que se indique a fonte” sont comparables. Ce qu’on entend analyser ici c’est la question de savoir si les trois organisations internationales ont ou non inclus le principe dans leur interprétation du droit international et, si oui, comment le principe a été compris. Nous examinerons donc tour à tour les arrêts rendus par l’Organisation mondiale (section I) du commerce, para la Cour internationale de justice (section II) et par la Cour de justice des Communautés européennes (section III). Section (I). l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce L’Organe d’appel a eu par trois fois l’occasion d’émettre des considérations sur l’applicabilité du principe de précaution. Il s’agit des affaires : Australie – mesures affectant l’importation de saumon (saumon)1 ; Communautés européennes – mesures concernant la viande et les produits de la viande (Hormones)2 ; et Japon – mesures affectant les produits agricoles (produits agricoles)3. Le principe de précaution a été invoqué, à chaque fois, au sein de l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS)4. Pour analyser ces décisions, nous allons distinguer deux problèmes, la reconnaissance du principe de précaution et son contenu. a) La reconnaissance indirecte du principe de précaution 1 WT/DS18/AB/R 2 WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R 3 WT/DS76/AB/R 4 Voir aussi : RUIZ FABRI, H. «La prise en compte du principe de précaution par l’OMC.» Revue juridique de l'environnement, 2000 (No. Spécial – Le principe de précaution). Les premières discussions ont porté sur la reconnaissance ou non du principe de précaution comme principe juridique puis comme principe figurant dans les textes de l’Organisation mondiale du commerce. Dans l’affaire saumon, le Brésil a soutenu aussi l’inexistence du principe5. Dans l’affaire des hormones, qui opposait la Communauté européenne aux Etats-Unis et au Canada, la première a soutenu que le principe de précaution faisait partie du droit international public, en tant que règle coutumière générale, ou du moins, qu’il était un principe général du droit. Les Etats-Unis, défendaient la théorie de l’inexistence du principe de précaution dans le droit coutumier6; ils étaient suivis par le Canada, qui, introduisait une avance en parlant de principe émergent. L’Organe d’appel s’est abstenu de prendre en compte le statut du principe de précaution, alléguant qu’il s’agissait d’un sujet encore controversé, objet de débat entre les universitaires, les professionnels du droit, les hommes de lois et les juges7, mais il n’a pas hésité à considérer que le principe de précaution faisait partie de l’accord SPS, et devrait être observé, encore qu’il soit insuffisant pour justifier les mesures SPS, selon la prescription de l’Accord8. Le principe de précaution est, selon l’Organe d’appel, présent dans les articles 2.2, 3.3 et 5.7 : « Article 2.2. Les Membres feront en sorte qu'une mesure sanitaire ou phytosanitaire ne soit appliquée que dans la mesure nécessaire pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, qu'elle soit fondée sur des principes scientifiques et qu'elle ne soit pas maintenue sans preuves scientifiques suffisantes, exception faite de ce qui est prévu au paragraphe 7 de l'article 5. (...) 5 WT/DS18/AB/R, paragraphe 56 6 SANDS, P. Environmental protection in the twenty-first century : sustainable development and international law. In : Revesz, Sands and Stewart. Environmental law, the economy and sustainable development. Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p.385-386. 7 WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R, paragraphe 123 8 WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R, paragraphe 124 Article 3.3. Les Membres pourront introduire ou maintenir des mesures sanitaires ou phytosanitaires qui entraînent un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire plus élevé que celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales pertinentes s'il y a une justification scientifique ou si cela est la conséquence du niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire qu'un Membre juge approprié, conformément aux dispositions pertinentes des paragraphes 1 à 8 de l'article 5. Nonobstant ce qui précède, aucune mesure qui entraîne un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire différent de celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales ne sera incompatible avec une autre disposition du présent accord. (...) Article 5.7. Dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres Membres. Dans de telles circonstances, les Membres s'efforceront d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable. » Les mêmes considérations sont présentes dans les affaires saumon et produits agricoles, ce qui dénote la formation d’une ligne jurisprudentielle au sein de l’OMC. C’est surtout dans la dernière affaire analysée - produits agricoles – que l’Organe de règlement des différends détaille le plus son interprétation de mise en application du principe. Ce que fait l’Organe d’appel, au sujet de la reconnaissance du principe de précaution dans les accords, c’est internaliser la discussion sur le principe et lui donner un contenu. Une fois identifiée l’existence de ce principe et une fois précisés les dispositifs légaux sur le sujet, il devient plus facile de remplir son contenu. « 124. Il nous paraît important, néanmoins, de noter certains aspects de la relation entre le principe de précaution et l'Accord SPS. Premièrement, le principe n'a pas été incorporé dans l'Accord SPS comme motif justifiant des mesures SPS qui sont par ailleurs incompatibles avec les obligations des Membres énoncées dans des dispositions particulières dudit accord. Deuxièmement, le principe de précaution est effectivement pris en compte à l'article 5 :7 de l'Accord SPS. En même temps, nous partageons l'avis des Communautés européennes selon lequel il n'est pas nécessaire de poser en principe que l'article 5 :7 est exhaustif en ce qui concerne la pertinence du principe de précaution. Ce principe est également pris en compte dans le sixième alinéa du préambule et à l'article 3 :3. » Le principe de précaution est reconnu parce qu’il est permis à un pays- membre d’adopter des restrictions sanitaires et phytosanitaires plus élevées, bien que sans preuves concrètes sur la nécessité de la mesure. Donc, chaque pays peut fixer son «niveau zéro » d’acceptabilité9. Toutefois, la marge de manœuvre des pays membres est limités par les conditions de mise en œuvre de la mesure, prévues par les articles 2, 3 et 5 de l’Accord SPS. Ce sujet a été l’objet de discussions par l’ORD, qui confirme la possibilité de l’adoption d’un risque nul, mais exige la démonstration concrète du risque : « le "risque" évalué dans le cadre d'une évaluation des risques doit être un risque vérifiable ; l'incertitude théorique n'est pas le genre de risque qui doit être évalué aux termes de l'article 5 :1. Cela ne signifie pas, cependant, qu'un Membre ne peut déterminer que son niveau de protection approprié correspond à un "risque nul". »10 b) Le contenu du principe de précaution, selon l’Organe d’appel L’article 2.2 prévoit qu’un pays - membre ne peut pas prendre de mesure de protection, sans avoir de « preuves scientifiques suffisantes ». La première difficulté réside dans la nécessité d’identifier le contenu de l’expression « suffisante » présente dans l’article. Selon l’Organe d’appel, dans l’affaire produits agricoles, suffisante est un mot relationnel. Il doit être lu en fonction du 9 WT/DS18/AB/R, paragraphe 125. Selon l’annexe A de l’Accord SPS, paragraphe 5 : le « niveau approprié de protection sanitaire ou phytosanitaire » est le « niveau de protection considéré comme approprié par le Membre établissant une mesure sanitaire ou phytosanitaire pour protéger la santé et la vie des personnes uploads/S4/ a-evolucao-heterogenea-do-princ-precaucao-marcelo-dias-varela.pdf

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  • Publié le Dec 08, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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