PREMIÈRE SECTION AFFAIRE SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE (Requête no 30141/04) ARRÊT

PREMIÈRE SECTION AFFAIRE SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE (Requête no 30141/04) ARRÊT STRASBOURG 24 juin 2010 DEFINITIF 22/11/2010 Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE 1 En l’affaire Schalk et Kopf c. Autriche, La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de : Christos Rozakis, président, Anatoly Kovler, Elisabeth Steiner, Dean Spielmann, Sverre Erik Jebens, Giorgio Malinverni, George Nicolaou, juges, et de André Wampach, greffier adjoint de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 25 février et 3 juin 2010, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date : PROCÉDURE 1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30141/04) dirigée contre la République d’Autriche et dont deux ressortissants de cet Etat, MM. Horst Michael Schalk et Johan Franz Kopf (« les requérants »), ont saisi la Cour le 5 août 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Les requérants ont été représentés par Me K. Mayer, avocat à Vienne. Le gouvernement autrichien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. H. Tichy, ambassadeur, chef du département de droit international au ministère fédéral des Affaires européennes et internationales. 3. Les requérants alléguaient en particulier qu’ils avaient fait l’objet d’une discrimination au motif que, étant tout deux de même sexe, ils s’étaient vu refuser la possibilité de se marier ou de faire reconnaître juridiquement d’une autre manière leur relation. 4. Le 8 janvier 2007, le président de la première section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond. 5. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur la recevabilité et le fond de la requête. Le Gouvernement a également déposé des observations écrites complémentaires. En outre, une tierce intervention a été reçue du gouvernement britannique, qui avait été autorisé par le président à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 2 du règlement de la Cour). Par ailleurs, quatre organisations non gouvernementales ont soumis une tierce intervention commune après avoir été autorisées par le président à intervenir ; il s’agit de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme), de la CIJ (Commission internationale de juristes), du centre AIRE (Advice on Individual Rights in Europe), et de ILGA- Europe (International Lesbian and Gay Association). Ces organisations ont aussi été autorisées par le président à intervenir lors de l’audience. 6. Une audience s’est déroulée en public au Palais des droits de l’homme, à Strasbourg, le 25 février 2010 (article 59 § 3 du règlement). Ont comparu : – pour le Gouvernement Mmes B. OHMS, chancellerie fédérale agente adjointe, G. PASCHINGER, ministère fédéral des Affaires européennes et internationales, M. M. STORMANN, ministère fédéral de la Justice, conseillers ; 2 ARRÊT SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE – pour les requérants MM.K. MAYER, conseil, H. SCHALK, requérant ; – pour les organisations non gouvernementales tierces intervenantes M. R. WINTEMUTE, Kings College, Londres, conseil, Mme A. JERNOW, Commission internationale de juristes, conseillère. La Cour a entendu en leurs déclarations Mme Ohms, M. Mayer et M. Wintermute. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 7. Les requérants sont nés respectivement en 1962 et 1960. Ils forment un couple homosexuel et vivent à Vienne. 8. Le 10 septembre 2002, les requérants demandèrent au bureau de l’état civil (Standesamt) de procéder aux formalités nécessaires pour leur permettre de se marier. 9. Par une décision du 20 décembre 2002, la mairie (Magistrat) de Vienne rejeta la demande des requérants. S’appuyant sur l’article 44 du code civil (Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch), elle dit que seules des personnes de sexe opposé pouvaient contracter mariage. Elle ajouta que, d’après la jurisprudence constante, un mariage conclu entre deux personnes de même sexe était nul et non avenu et conclut que, les requérants étant deux hommes, ils n’avaient pas capacité pour contracter mariage. 10. Les requérants formèrent un recours devant le chef du gouvernement (Landeshauptmann) de Vienne, en vain. Par une décision du 11 avril 2003, le chef du gouvernement confirma l’avis juridique de la mairie. En outre, il renvoya à la jurisprudence du tribunal administratif selon laquelle le fait que deux personnes soient de même sexe constituait un obstacle au mariage. Il ajouta que l’article 12 de la Convention réservait le droit au mariage aux personnes de sexe différent. 11. Les requérants formèrent un recours constitutionnel pour se plaindre que l’impossibilité juridique de se marier où ils se trouvaient constituait une violation de leur droit au respect de la vie privée et familiale et du principe de non-discrimination. Ils soutenaient que la notion de mariage avait évolué depuis l’entrée en vigueur du code civil en 1812. En particulier, la procréation et l’éducation des enfants ne feraient plus partie intégrante du mariage. A l’heure actuelle, le mariage serait plutôt perçu comme une union permanente englobant tous les aspects de la vie. Il n’y aurait aucune justification objective pour interdire aux couples homosexuels de se marier, et ce d’autant plus que la Cour européenne des droits de l’homme aurait reconnu que les différences fondées sur l’orientation sexuelle devaient se justifier par des raisons particulièrement graves. D’autres pays européens soit autoriseraient le mariage homosexuel soit auraient amendé leur législation pour conférer un statut équivalent aux partenariats entre personnes de même sexe. 12. Enfin, les requérants alléguaient une violation de leur droit au respect de leurs biens. Ils faisaient valoir que, lorsqu’un des membres d’un couple homosexuel mourait, l’autre subissait une discrimination puisqu’il se retrouvait dans une situation beaucoup moins favorable au regard du droit fiscal que le conjoint survivant d’un couple marié. 13. Le 12 décembre 2003, la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof) débouta les requérants. Son arrêt se lit ainsi, en ses passages pertinents : « La procédure administrative qui a débouché sur la décision attaquée portait exclusivement sur la question de la légitimité du mariage. Dès lors, le seul grief applicable est celui selon lequel l’article 44 du code civil ne reconnaît ARRÊT SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE 3 et ne permet que le mariage entre « personnes de sexe opposé ». L’allégation d’atteinte au droit de propriété n’est qu’un moyen de plus pour tenter de montrer que cet état de choses est injustifié. S’agissant du mariage, l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui a rang constitutionnel, dispose : « A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. » Ni le principe d’égalité énoncé dans la Constitution fédérale autrichienne ni la Convention européenne des droits de l’homme (comme le montrent les termes « l’homme et la femme » utilisés à l’article 12) n’exigent que la notion de mariage, axée sur la possibilité fondamentale d’être parent, soit étendue à d’autres types de relations. De plus, l’essence du mariage n’est nullement touchée par le fait que les époux peuvent divorcer (ou se séparer) ni par la circonstance que la possibilité ou le désir d’avoir des enfants tienne aux époux eux-mêmes. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé dans son arrêt Cossey c. Royaume-Uni (27 septembre 1990, série A no 184 – qui portait sur la situation particulière de transsexuels) que la limitation du mariage à ce concept « traditionnel » se justifiait objectivement, observant qu’elle voyait « dans l’attachement audit concept traditionnel un motif suffisant de continuer d’appliquer des critères biologiques pour déterminer le sexe d’une personne aux fins du mariage ». [§ 46] [La modification apportée ultérieurement à la jurisprudence relative à la question particulière des transsexuels avec l’arrêt Christine Goodwin c. Royaume-Uni ([GC], no 28957/95, CEDH 2002-VI) ne permet pas de conclure qu’il faut apporter le moindre changement à l’appréciation de la question générale qui se trouve posée en l’espèce.] Le fait que des relations homosexuelles relèvent de la notion de vie privée et bénéficient à ce titre de la protection de l’article 8 de la Convention – laquelle interdit aussi en son article 14 la discrimination pour des motifs non objectifs – ne donne nullement naissance à l’obligation de modifier la législation sur le mariage. Il est inutile en l’espèce de rechercher si et dans quel domaine la loi opère une discrimination injustifiée à l’encontre des relations homosexuelles en ce qu’elle prévoit des règles spéciales pour les couples mariés. Il n’incombe pas non plus à la Cour constitutionnelle de conseiller le législateur sur des questions constitutionnelles ni même sur des points de politique juridique. En bref, il y a lieu de rejeter le grief pour défaut de fondement. » 14. L’arrêt de la Cour constitutionnelle fut notifié à l’avocat des requérants le 25 février 2004. II. LE DROIT INTERNE ET LE DROIT COMPARÉ PERTINENTS A. uploads/S4/ affaire-schalk-et-kopf-c-autriche.pdf

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  • Publié le Aoû 22, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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