DEUXIÈME SECTION AFFAIRE W.D. c. BELGIQUE (Requête no 73548/13) ARRÊT STRASBOUR

DEUXIÈME SECTION AFFAIRE W.D. c. BELGIQUE (Requête no 73548/13) ARRÊT STRASBOURG 6 septembre 2016 DÉFINITIF 06/12/2016 Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT W.D. c. BELGIQUE 1 En l’affaire W.D. c. Belgique, La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de : Işıl Karakaş, présidente, Julia Laffranque, Nebojša Vučinić, Paul Lemmens, Ksenija Turković, Jon Fridrik Kjølbro, Stéphanie Mourou-Vikström, juges, et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juillet 2016, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 73548/13) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet État, M. W.D. (« le requérant »), a saisi la Cour le 28 octobre 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Le requérant a été représenté par Me P. Verpoorten, avocat à Herentals. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice. 3. Le requérant allègue en particulier que son maintien en détention dans un lieu inapproprié à son état emporte violation des articles 3 et 5 § 1 de la Convention. Il se plaint également de l’ineffectivité des recours (articles 5 § 4 et 13 de la Convention). 4. Le 26 mars 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 5. Le requérant est né en 1987 et est interné à la section de défense sociale de la prison de Merksplas. 6. Le 30 novembre 2006, alors qu’il était âgé de 19 ans, le requérant fut arrêté, suspecté d’avoir commis des faits qualifiés d’attentat à la pudeur - sans violence ou menace – sur un mineur âgé de moins de 16 ans. 2 ARRÊT W.D. c. BELGIQUE 7. Par une ordonnance du 27 février 2007, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Malines décida de l’internement du requérant pour ces faits en application de l’article 7 de la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels (« loi de défense sociale »). La juridiction considéra que le requérant était dans un état de trouble mental au moment de la commission des faits qui ne lui avait pas permis de contrôler ses actes et que cet état perdurait. A. Lieu et conditions de détention du requérant 8. Le requérant fut interné à la section de défense sociale de la prison de Merksplas le 2 juillet 2007 et y séjourne depuis lors sans interruption. Jusqu’en 2009, le requérant était placé dans le pavillon F. Depuis 2009, le requérant séjourne dans le pavillon De Haven (voir paragraphes 14, 58 et 70, ci-dessous). 9. De 2010 à 2015, le requérant bénéficia de permissions de sortie encadrées par l’équipe du programme ABAGG (voir paragraphe 70, ci-dessous). Il bénéficia aussi, pendant cette période, de permissions de sortie tous les deux mois sous la surveillance d’un membre de sa famille avec interdiction de contacter des mineurs et d’utiliser un téléphone portable ou internet. B. Données médicales et psychosociales 10. Il ressort d’un rapport circonstancié du service psychosocial de la prison de Merksplas, établi le 28 juillet 2006 sur la base des conclusions d’un médecin psychiatre, que le requérant était « faible d’esprit » (quotient intellectuel évalué à 79), affublé d’une personnalité immature et qui avait une prédisposition à la perversion et plus précisément à la pédophilie. Le requérant y est décrit comme un aliéné social incapable de nouer des contacts et des relations. Concernant le pronostic, le rapport concluait qu’il était pessimiste vu l’effet cumulatif du trouble de la personnalité, du faible niveau intellectuel et du contrôle déficient des impulsions. 11. Il ressort d’un rapport établi le 28 octobre 2008 par le médecin psychiatre de la prison pour les besoins des instances de défense sociale qu’une pré-thérapie – travail visant à développer ou à restaurer le contact psychologique du patient avec le monde, avec lui-même et avec l’autre pour qu’une relation thérapeutique puisse se développer – avait été entamée. Le service psychosocial évalua de manière positive la participation du requérant à la pré-thérapie et les résultats obtenus sur le plan de la prise de conscience de ses actes et de sa problématique. 12. Le requérant fut reconnu le 1er décembre 2009 comme une personne nécessitant des soins par l’Agence flamande pour les personnes handicapées ARRÊT W.D. c. BELGIQUE 3 (Vlaams Agentschap voor Personen met een Handicap, ci-après « VAPH »). Il est sur la liste d’attente en vue d’intégrer un établissement de la VAPH. 13. Un deuxième rapport établi par un groupe interdisciplinaire le 9 mars 2009 évalua le quotient intellectuel du requérant à 90 et conclut qu’il souffrait de troubles du « spectre autistique ». 14. Le requérant fut placé à partir de 2009 dans le pavillon De Haven de la prison et admis dans le programme mené par l’association ‘t Zwart Goor (voir paragraphe 70, ci-dessous). Il ressort du rapport établi par le psychiatre de la prison le 19 janvier 2010 que le requérant ne s’impliqua pas dans ce projet, considérant qu’il n’en avait pas besoin. Le peu de motivation à participer aux activités proposées par l’équipe de santé fut constaté dans tous les rapports ultérieurs. 15. Un rapport relatif à la problématique de délinquance sexuelle du requérant fut établi par le service psychosocial le 17 avril 2012. Il faisait état de ce que le requérant interprétait à tort le développement des permissions de sortie comme étant la voie vers un reclassement ambulatoire et qu’il ne comprenait pas qu’étant donné ses déviances sexuelles à l’égard des mineurs, elles s’inscrivaient en réalité dans le cadre de sa détention. 16. Deux rapports du même ordre établis par le service psychosocial les 11 juin 2013 et 26 mars 2014 respectivement reprirent à l’identique les constats du rapport précédent et soulignèrent que le requérant présentait un risque de récidive très élevé, étant donné ses capacités insuffisantes en terme de conscience de la faute et d’empathie pour les victimes. 17. Il ressort des rapports établis par le service psychosocial que tout au long de la détention le requérant a voulu entrer en contact avec des mineurs, principalement par voie de lettres mais également sur internet, et qu’un contrôle de son courrier fut mis en place. Ces rapports recommandaient de placer le requérant dans un établissement de la VAPH et soulignaient l’effet positif des permissions de sortie. 18. Le 26 octobre 2015, le service psychosocial rendit un nouveau rapport relatif à la problématique de délinquance sexuelle du requérant. Il confirmait la recommandation de placer le requérant dans un établissement de la VAPH ou un établissement de psychiatrie légale en raison de sa fixation très forte à l’endroit des mineurs et de son absence de maîtrise de soi. Ce rapport constatait une rechute dans l’entretien de la correspondance avec des mineurs (intensification, dissimulation). Tenant également compte du fait que les permissions de sortie amenaient le requérant, accompagné de son oncle, à fréquenter une équipe de football à laquelle il avait précisément adressé une de ses lettres, les auteurs du rapport recommandèrent que toute sortie soit désormais interdite. 19. D’après un « bilan des soins » établi le 9 juillet 2015, le service psychiatrique de la prison est intervenu à une trentaine d’occasions à l’endroit du requérant entre 2007 et 2014. Son intervention a consisté 4 ARRÊT W.D. c. BELGIQUE principalement à prescrire au requérant des médicaments antidépresseurs ou antipsychotiques, et à quelques occasions, à le recevoir en entretien. C. Procédures devant les instances de défense sociale 20. Tout au long de la détention, la commission de défense sociale (« CDS ») compétente, à savoir la CDS d’Anvers, décida du maintien du requérant à Merksplas. À partir de 2009, le maintien fut décidé « dans l’attente d’un accueil dans un établissement résidentiel relevant de la VAPH ». Les décisions faisaient valoir que le requérant pouvait déposer une nouvelle demande dès le moment où il pouvait produire une attestation de son admission dans un établissement de médecine légale ou un foyer avec surveillance permanente de la VAPH. 21. Au moment de l’introduction de la requête, la dernière décision en date de la CDS d’Anvers, avait été prise le 10 octobre 2012 22. Le 6 décembre 2012, la commission supérieure de défense sociale (« CSDS ») rejeta l’appel formé par le requérant. La CSDS estima qu’il n’y avait pas de violation des articles 3, 5 §§ 1 et 4, et 13 de la Convention au motif que le requérant était détenu dans des circonstances adaptées à son état de santé mentale. La CSDS considéra que l’état mental du requérant ne s’était pas suffisamment amélioré et que les conditions d’un reclassement n’étaient pas remplies de uploads/S4/ affaire-w-d-c-belgique.pdf

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  • Publié le Apv 23, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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