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I N F O G U E R R E Centre De Reflexion Sur La Guerre Economique (https://infoguerre.fr/) AFRIQUE : LE DROIT OHADA, UN ENJEU DE PUISSANCE ÉCONOMIQUE 17 Jui n 2016 (Https: //Infoguerre. Fr/2016/06/Afri que-Le-Droit-Ohada-Un- Enj eu-De-Pui ssance-Economique/) L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Awaires (OHADA), créée en 1993 par le Traité de Port- Louis, a été et, est encore, le théâtre d’un rapport de force pour la conquête, le contrôle et la pratique du « pouvoir du droit ». Sur le territoire de l’espace OHADA, territoire de ses 17 Etats membres (note 1), s’opposent ainsi la France, ancienne puissance coloniale de tradition juridique civiliste, et d’autres Etats (le Royaume-Uni, les Etats- Unis, la Chine, le Canada, etc.), de traditions juridiques de la Common Law, notamment. Le « pouvoir du droit » Dans un article paru dans l’Express du 30 juin 2014, Jacques Attali rappelle, à travers l’analyse de plusieurs évènements juridiques (arrêts de la CEDH, négociations en cours du traité transatlantique, etc.) qu’une guerre du droit se déroule actuellement sur la scène internationale. De l’avis de l’économiste, il s’agit d’une guerre « mortelle » pour la France. Une guerre dont une issue heureuse ne peut s’envisager qu’à travers une réelle volonté de l’Etat de « faire rayonner son propre droit à l’échelle de la planète » (note 2). Cette nécessité se comprend aisément : toutes les relations humaines, économiques, commerciales et financières sont régies par le droit. En ewet, le jus, ou droit objectif, gouverne l’ensemble des rapports structurant la société. Une première approche classique du droit lui reconnaît un caractère évolutif : les règles qu’il édicte peuvent être modifiées dès lors qu’elles apparaissent en décalage avec les réalités de la société. De la sorte, le droit suit les évolutions de la société. Récemment, on observe que le paradigme qui prévalait jusqu’alors a tendance à s’inverser. En ewet, le droit intervient de plus en plus en amont des relations économiques, notamment. Le droit devient porteur de l’économie en owrant une sécurité juridique (note 3) et de la transparence, souvent absentes dans de nombreux pays. Un tel processus favorise investissements et échanges commerciaux internationaux. Indiscutablement, le droit joue un rôle essentiel dans le développement économique (note 4). Dans une lettre de mission de Lionel Jospin adressée au Conseil d’Etat pour la rédaction d’une étude sur l’influence internationale du système juridique français, l’ancien Premier ministre reconnaissait explicitement qu’à l’époque, en 2001, « le rayonnement de la pensée juridique française [était] moindre que par le passé, alors que le droit constitue de plus en plus un vecteur d’influence économique (…) » (note 5). Le rapport « Développer une influence normative internationale stratégique pour la France » rédigé en 2013 par Claude Revel pour Nicole Bricq,  Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies. Ok alors ministre du Commerce extérieur, tire les mêmes conclusions (note 6). Partant, le pouvoir de création du droit, celui de son application et de son développement par la jurisprudence et la doctrine, mais également le pouvoir d’enseignement du droit se révèlent être un vrai enjeu stratégique. Soit, un des moyens pour la France de faire rayonner son droit à l’échelle mondiale et, in fine, de participer activement au développement économique local, régional et mondial. La création de l’espace OHADA, la recherche de l’avantage compétitif L’espace OHADA est un parfait exemple de l’intérêt stratégique de détenir le pouvoir de la norme. Créée à l’initiative de Mbaye, haut magistrat sénégalais, et de P. Bayzelon, haut fonctionnaire français rattaché à l’époque au ministère de la Coopération, l’OHADA est née du besoin des Etats africains, anciennes colonies françaises, de retrouver une certaine stabilité juridique pour attirer, de nouveaux, les investissements étrangers. Car, selon la formule de Mbaye, « ce qui empêche les investissements, c’est l’insécurité juridique et judiciaire » (note 7). Par la politique d’aide conjointement menée par les ministères français de la Justice, des Finances et de la Coopération, l’idée africaine d’harmonisation du droit a donc pu voir le jour par la signature du Traité OHADA en 1993 (note 8). Si le projet a rencontré quelques réticences de la part de certains africains, qui y voyaient une tentative de colonisation par le droit, ces dernières se sont éteintes d’elles-mêmes (note 9) . Par ailleurs, au début du processus, la France se trouvait seule dans la démarche. La Banque mondiale, les Etats-Unis et le Royaume-Uni regardaient cette initiative d’un œil peu qui plus est en territoire africain (note 10). Aucun financement n’a donc été débloqué par ces acteurs. De prime abord, cette situation a pu paraître décourageante mais elle s’est avérée très rapidement être un avantage incontestable pour l’Etat et les juristes français. Sans grande diwiculté, le droit des awaires de l’OHADA a été élaboré en s’inspirant à la fois des droits et coutumes locales et des règles du droit civiliste francophone. Du reste, les Etats concernés avaient manifesté leur volonté de ne pas être coupés de leurs racines juridiques de tradition romano-germanique. En outre, des acteurs privés français comme le MEDEF et le CIAN ont soutenu le projet dans l’optique, également, de conserver, dans le droit potentiellement applicable, une nature civiliste. Ce n’est qu’en 2005 que la Banque mondiale a commencé à apporter un appui financier à l’organisation. Puis, lors de la révision du traité en 2008, la Banque envoya une délégation de deux experts de Common Law. Si cette collaboration a permis d’intégrer certains outils juridiques typiques du droit anglo-saxon, tel que le privilège de new monnaie, il n’en demeure pas moins que les juristes francophones ont réussi à garder la main sur le processus législatif (note 11). Enfin, le soutien financier s’est amplifié lors des discussions pour l’adhésion de la République Démocratique du Congo au Traité OHADA, avec la perspective alléchante des vastes marchés qu’une telle adhésion allait apporter avec elle. Après avoir réussi à être perçue comme une réalité juridique, l’organisation est reconnue comme une réalité économique à part entière, dès lors que les dernières éditions du rapport Doing Business analysent les résultats économiques de l’espace OHADA (note 12). Une lutte d’influence culturelle Bien que cordiaux, ces awrontements silencieux révèlent qu’il s’agit bien ici, au-delà d’une lutte d’influence culturelle, d’un vrai rapport de force économique dont le moteur est la recherche du « pouvoir du droit ». En ewet, obtenir ce pouvoir permet d’élaborer le droit, donc de le maîtriser et par conséquent, d’en faire un réel avantage compétitif : – D’une part, tout opérateur économique doit s’adapter et respecter les normes adoptées. Ainsi, selon que l’opérateur économique est ou non familier du droit applicable, le système juridique d’un Etat peut s’avérer être un facteur facilitant ou, au contraire, un obstacle à l’établissement d’une entité dans ledit Etat. L’exemple de Bolloré est parlant. Cet entrepreneur a réalisé une grande partie de sa fortune en Afrique de l’ouest, ses activités Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies. Ok économiques ayant été largement favorisées par la connaissance du droit en vigueur dans ces Etats (note 13). – D’autre part, les opérateurs économiques que sont les praticiens du droit, avocats, notaires, huissiers, familiers du droit civiliste de tradition francophone, se trouvent être une interface incontournable pour accéder aux marchés. A ce titre, on peut évoquer le chiwre très significatif d’arbitres habilités par la Cour commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA d’origine non francophone : sur les 173 arbitres CCJA, seuls 6 sont référencés comme n’étant pas ressortissants d’un Etat francophone (note 14). Par ailleurs, de nombreuses représentations étrangères envoient leurs ressortissants, juristes et investisseurs, suivre des formations à Paris dispensées par des cabinets d’avocat, en langue étrangère, sur le droit OHADA. Par exemple, un cabinet d’avocat connu sur la place parisienne pour son expertise OHADA organise au mois de novembre, en italien, pour un public italien, une conférence sur le droit OHADA. Comme l’énonce parfaitement le rapport du Conseil d’Etat de 2001, « contrôler la norme, c’est aujourd’hui bien souvent gagner le marché » (note 15). Un rapport de force tendu et incertain Aujourd’hui, les experts s’accordent pour dire que, en termes d’influence et de stratégie économique, l’OHADA est une « remarquable réussite ». Et les indicateurs ci-dessus évoqués corroborent ce sentiment général. Toutefois, de l’avis de certains experts, si les anglo-saxons n’ont pas remplacés les francophones, ils sont néanmoins « prêts à débarquer ». Par exemple, le Rwanda et le Burundi, deux Etats francophones (anciennes colonies belges), vivent actuellement une période de basculement. Ces Etats sont en train de passer d’une tradition francophone à un renouveau anglophone. De plus en plus de textes législatifs sont désormais rédigés par des anglophones alors que le système juridique reste, encore pour le moment, francophone. Il existe donc un risque important de voir le positionnement particulièrement avantageux des francophones évoluer vers une situation moins confortable. Ce risque uploads/S4/ afrique-le-droit-ohada-un-enjeu-de-puissance-economique-infoguerre.pdf

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  • Publié le Oct 17, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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