1 Ateliers de raisonnement juridique – Licence, 3ème année Droit des biens Séan
1 Ateliers de raisonnement juridique – Licence, 3ème année Droit des biens Séance 3 : Les caractères du droit de propriété Première partie : Droit de propriété et caractère perpétuel Commentaire : Cass. req., 12 juillet 1905, la propriété ne se perd pas par le non usage (arrêt Le Cohu c. Morvan) Avertissement sur le commentaire des arrêts anciens. Commenter un arrêt ancien suppose d’en avoir une lecture particulière. Le droit de 1905 n’étant pas celui de 2018, il faut impérativement mettre un tel arrêt en perspective de l’évolution que le droit a connu depuis. Lire un arrêt « ancien » nous rappelle aussi que le droit ne connaît pas réellement d’états fixes. Si jamais il était demandé à l’étudiant un tel commentaire pour un examen, il faudrait prendre le soin de situer l’arrêt et de le confronter à d’éventuelles évolutions. Nous le ferons dans le (IA) et le (IIB) mais attention : chaque sous-partie doit quand même partir de l’arrêt en le citant et en commentant effectivement le passage cité. En plus des arrêts vus en cours et en atelier, on pourra trouver dans le code civil, sous l’article ayant motivé la décision (ou sous la nouvelle version du texte s’il a fait l’objet de réformes), des notes qui retracent l’évolution de la jurisprudence. Grands arrêts de la jurisprudence civile. L’arrêt a été commenté aux Grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 1, 13ème éd., p. 415 à 420. Nous proposons ici des extraits de ce commentaire remis dans les formes de la fiche d’arrêt. Chaque élément sera suivi d’une explication, afin de profiter au mieux de la maîtrise de commentateurs experts. Cette explication ne vise bien entendu pas à apprécier la qualité du propos mais à apporter des ajustements sur le format de l’examen : le GAJC n’est pas rédigé de manière à correspondre aux formes de l’exercice attendu d’un étudiant de Licence. Éléments d’introduction ou « fiche d’arrêt » d’après les auteurs des GAJC (commentés) Accroche et annonce de l’arrêt. « La propriété revêt un caractère perpétuel qui n'est que la traduction temporelle de son caractère absolu. Cela signifie d'abord que le droit de propriété n'est pas viager, mais héréditaire ; cela signifie ensuite qu'il ne se perd pas par le non-usage, fût-il trentenaire. C'est précisément ce deuxième aspect de la perpétuité du droit de propriété qui est affirmé par l'arrêt ci- dessus reproduit. » → Une telle accroche est remarquable par son érudition et par sa maîtrise des concepts. Elle montre surtout le thème de l’arrêt et amène l’objet de la discussion. Cependant, on recommande vivement à l’étudiant une phrase courte construite à partir du problème. La concision fait partie de l’exercice : peu de choses, bien dites, bien construites. 2 Exemple d’accroche : « Si le propriétaire est libre d’utiliser son bien comme bon lui semble, il devrait également être libre de ne pas l’utiliser sans que sa propriété ne se trouve menacée. Tel était l’objet de l’arrêt de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation du 12 juillet 1905. » → Les citations sont à éviter : elles seront probablement absentes de l’esprit de l’étudiant le jour de l’examen, et sont de plus, difficiles à utiliser convenablement. Et quand bien même le seraient-elles, leur usage est le plus souvent artificiel, montrant surtout que l’étudiant préfère penser par les autres que par lui-même. Faits et prétentions. En l’espèce, « le propriétaire qui s'était abstenu d'exercer son droit de propriété pendant plus de trente ans le revendiquait contre un tiers qui ne pouvait se prévaloir de l'usucapion, sa possession ayant revêtu un caractère précaire ; le défendeur invoquait l'article 2262 du Code civil qui prévoit que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans. » → Seuls les faits importants et intéressant le problème ont été sélectionnés ; les parties sont qualifiées. On recommandera aussi de s’en tenir à la règle d’écriture « une phrase = une idée ». Cela allège la lecture : on écrit toujours pour un lecteur. Problème et justification. {Les auteurs ne proposant pas une problématique au sens de la fiche d’arrêt, nous en proposerons une.} La revendication du propriétaire était-elle recevable ? Pour qu’elle le soit, il fallait qu’il ait encore la qualité de propriétaire. On cherchait alors à savoir si le fait pour un propriétaire de ne pas exercer son droit pendant plus de trente ans lui faisait perdre ce droit. Ainsi, la Cour était interrogée sur le caractère perpétuel du droit de propriété. Le problème est donc de savoir si le droit de propriété s’éteint par le non-usage. → Un problème est une question fermée, qui pose une alternative. → C’est autour de lui que se construit toute la copie. Il faut donc consacrer du temps à le construire et à le justifier, plutôt que de formuler une question à tâtons. Un écueil fréquent dans les copies est d’avoir un problème superficiel en introduction qui mène à une première partie stérile ; avant de voir justement surgir le problème dans le (II). Cette erreur prouve au correcteur que le problème n’a pas été bien saisi et coûte souvent la moyenne. → Le problème n’est pas au début du raisonnement : il fait partie de ce raisonnement ; il est construit et non donné. Si on pose une question en particulier, c’est que l’on n’en pose volontairement pas une autre. Il faut donc en une phrase ou deux, justifier le problème retenu et non écrire une « question sèche ». → Enfin, le problème ou la question de droit est une phrase simple. Il ne s’agit jamais d’une question alambiquée avec plusieurs propositions subordonnées relatives… Solution et attendu principal. « La Cour répond que la propriété ne se perd pas par le non-usage et qu'en conséquence l'action en revendication peut être exercée aussi longtemps que le défendeur ne justifie pas être lui-même devenu propriétaire par l'effet de la prescription acquisitive. » 3 → Si cet exposé de la solution nous semble d’une grande clarté, on évitera l’usage du verbe « répondre » pour le commentaire d’arrêt. → On parle de « la Cour » ou de « la Cour de cassation » et non de la « Haute cour », des « magistrats du Quai de l’Horloge », de la « Juridiction suprême »… Ces formules sont lourdes et inutiles. → Il faut pour le commentaire reproduire l’attendu principal en son entier (sauf s’il est extrêmement long comme dans cet arrêt, on pourra en couper la partie qui n’intéresse pas le problème) et simplement rapporter la solution. Exemple : La Cour rejette le pourvoi au motif que « malgré la généralité des termes de l’article 2262 du Code civil, qui décide que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, ce texte ne s’applique pas à l’action en revendication intentée par le propriétaire dépossédé de son immeuble; que la propriété ne se perdant pas par le non-usage, l’action en revendication, qui sanctionne et protège ce droit, peut être exercée aussi longtemps que le défendeur ne justifie pas être lui-même devenu propriétaire de l’immeuble revendiqué par le résultat d’une possession contraire, réunissant tous les caractères exigés pour la prescription acquisitive ». Annonce du plan. (cf. Séance 1 pour la méthode) → Aide pour la construction du plan. Il est conseillé de scinder l’attendu principal pour en extraire deux ou trois informations qui formeront les grandes idées du plan. Le plan lui-même doit toujours répondre au problème. Reprenons cet attendu et scindons-le pour en extraire les informations : « malgré la généralité des termes de l’article 2262 du Code civil, qui décide que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, ce texte ne s’applique pas à l’action en revendication intentée par le propriétaire dépossédé de son immeuble ; que la propriété ne se perdant pas par le non-usage, l’action en revendication, qui sanctionne et protège ce droit, peut être exercée aussi longtemps que le défendeur ne justifie pas être lui- même devenu propriétaire de l’immeuble revendiqué par le résultat d’une possession contraire, réunissant tous les caractères exigés pour la prescription acquisitive » → L’usage du point-virgule nous indique (volontairement) un découpage. • En bleu, un premier élément de portée : malgré sa généralité, l'article 2262 du Code civil (dans sa version en vigueur au moment des faits !)1 ne s'applique pas à l'action en revendication intentée par le propriétaire dépossédé de son immeuble. • En orange, un second élément de portée : la propriété ne se perdant pas par le non-usage, l'action en revendication peut être exercée aussi longtemps que le défendeur ne justifie être lui-même devenu propriétaire de l'immeuble revendiqué par le résultat d'une possession contraire, réunissant tous les caractères exigés de la prescription acquisitive. 1 Aux termes de ce texte : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de uploads/S4/ arj-l3-s3.pdf
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- Publié le Oct 13, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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