LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS Yves GUĒNA Président du Conseil constitutio
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS Yves GUĒNA Président du Conseil constitutionnel (Communication faite à l'occasion de l'ouvrage oublié par la Cour constitutionnelle d'Arménie le 31 décembre 2002) Le Conseil constitutionnel français a été institué par la Constitution française du 4 octobre 1958, qui crée la Vème République. Bien qu’ayant connu une évolution importante depuis sa création le Conseil constitutionnel demeure une institution originale, qui a une position spécifique tant au sein du système français que parmi ses homologues étrangers. Alors que pendant l’entre deux guerres et plus encore après la seconde guerre mondiale, les Cours constitutionnelles se multiplient en Europe, la France attend 1958 pour créer un Conseil constitutionnel. En effet, l’organe créé par la Constitution du 27 octobre 1946 et intitulé « Comité constitutionnel », n’avait qu’un rôle mineur et formel, et ne constitue pas un réel précédent de l’institution. Le caractère récent de l’institution d’une Cour constitutionnelle s’explique par la tradition constitutionnelle française profondément attachée à la 2 souveraineté absolue de la loi, « expression de la volonté générale », selon les termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Lasse du régime d’assemblée et de ses dérives sous les IIIème et IVème République, la France va élaborer en 1958, sous l’impulsion du général de Gaulle, une constitution nouvelle, dont l’objectif prioritaire sera de redonner au pouvoir exécutif les moyens de gouverner. Sans renoncer aux fondements du régime parlementaire, le constituant dresse de façon limitative les attributions du Parlement. C’est d’abord pour assurer le respect de ces limites qu’il crée le Conseil constitutionnel. Parmi les compétences variées que confie à celui-ci le constituant, le respect du partage des domaines respectifs de la loi et du règlement, est, à l’époque, regardé comme essentiel. Nul ne prévoyait alors qu’à l’instar des Cours constitutionnelles américaines ou européennes, le Conseil constitutionnel serait amené à occuper la place prééminente qui est aujourd’hui la sienne dans l’équilibre institutionnel et dans la protection des libertés fondamentales. 3 LES ORIGINES ET L’EVOLUTION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL Le titre VII de la Constitution du 4 octobre 1958 consacré au Conseil constitutionnel lui donne une double mission : en matière électorale, il joue un rôle important dans l’organisation des élections présidentielles, (rôle accru depuis 1962 où l’élection a désormais lieu au suffrage universel) puis dans leur contrôle ; il assure le contentieux des élections des députés et sénateurs ; il organise les opérations de référendum dont il proclame les résultats. Le contrôle de la constitutionnalité des lois ordinaires n’est pas, dans sa conception initiale, une des compétences essentielles du Conseil constitutionnel. Comme il a été souligné, le respect du domaine respectif de la loi et du règlement apparaît comme la tâche principale du nouvel organe. A l’époque, la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité d’une loi ou d’un traité à la Constitution, avant leur entrée en vigueur, était réservée à quatre autorités seulement : le Président de la République, le Premier ministre et chacun des Présidents des deux assemblées. Les saisines étaient rares. Elles portaient pour l’essentiel sur les lois organiques et le règlement des assemblées parlementaires qui, en vertu de la Constitution, sont soumis au contrôle obligatoire du Conseil. L’évolution juridique consistant à garantir le respect par le législateur des droits fondamentaux à valeur constitutionnelle s'est faite en deux étapes successives. 4 Le Conseil constitutionnel a tout d'abord tranché un débat sur la portée normative du Préambule de la Constitution de 1958, lequel fait référence à celui de la Constitution de la IVème République et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Alors qu'une partie de la doctrine et des rédacteurs de la Constitution ne voyaient dans les principes contenus dans ces textes que des affirmations philosophiques dénuées de portée juridique directe, le Conseil constitutionnel, implicitement dès 1970, puis par une décision expresse du 16 juillet 1971, en a reconnu la pleine valeur normative. A cette occasion, il a fait ressortir du Préambule de la Constitution de 1946 le caractère constitutionnel de la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République. Le renforcement du rôle du Conseil dans l'ordre juridique est aussi dû à la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, qui a élargi à 60 députés ou à 60 sénateurs la possibilité de contester la constitutionnalité d'une loi ordinaire. Cette réforme a eu, dès son entrée en vigueur, un effet considérable sur le nombre de saisines, mais aussi sur la nature des textes soumis au contrôle de constitutionnalité. En effet, elle confère à l'opposition un moyen de développer des arguments pour contester la constitutionnalité de lois au contenu desquelles elle n'adhère pas. La possibilité de saisir le Conseil constitutionnel est ainsi devenue un pouvoir essentiel pour l'opposition parlementaire 5 Conçu initialement comme un arbitre ayant essentiellement pour fonction de contrôler le respect du domaine de la loi par le législateur, le Conseil s'est donc transformé en juge de la conformité de la loi à l'ensemble des règles et principes à valeur constitutionnelle LA COMPOSITION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL La Constitution prévoit en son article 56 que le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et ne peut être reconduit ; cette disposition garantit l’indépendance de ses membres. Le Conseil constitutionnel est renouvelé par tiers tous les trois ans. En cas de décès ou de démission, l'autorité de nomination désigne un nouveau conseiller pour la durée du mandat restant à courir. Toutefois, une personne nommée en remplacement d'un conseiller décédé ou démissionnaire dont le mandat devait expirer avant trois ans, peut être nommée à nouveau pour neuf ans. Trois membres sont nommés par décision du Président de la République, lequel désigne aussi le Président du Conseil parmi l’ensemble des membres (pas seulement parmi ceux qu’il a lui même désignés). 6 Liste des Présidents du Conseil constitutionnel Membres Nomination en tant que Président Durée du mandat Auteur de la nomination Léon NOEL 20 février 1959 1959 - 1965 Charles DE GAULLE Gaston PALEWSKI 23 février 1965 1965 - 1974 Charles DE GAULLE Roger FREY 22 février 1974 1974 - 1983 Georges POMPIDOU Daniel MAYER 21 février 1983 1983 - 1986 François MITTERRAND Robert BADINTER 20 février 1986 1986 - 1995 François MITTERRAND Roland DUMAS 24 février 1995 1995 - 2000 François MITTERRAND Yves GUENA 1er mars 2000 2000 - Jacques CHIRAC Trois membres sont nommés par le Président de l'Assemblée nationale et trois autres par le Président du Sénat. Peuvent faire l'objet d'une nomination au Conseil constitutionnel tous les citoyens jouissant de leurs droits civiques et politiques. Aucune condition de formation juridique ou autre n’est exigée par la Constitution. En pratique, il est fait appel à des personnalités dont la compétence est reconnue dans le domaine du droit ou des sciences politiques. En outre, sont membres de droit à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République. Jusqu'à présent, seuls deux Présidents de la IVème République, le Président René Coty et le Président Vincent Auriol, y ont siégé 7 en cette qualité. Le seul ancien Président de la Vème République non décédé qui pourrait y siéger actuellement, M. Valéry Giscard d’Estaing, ne le peut en raison d’une incompatibilité avec sa fonction de parlementaire Sauf dans les cas de remplacement en cours de mandat, l'entrée en fonction a lieu au début du mois de mars tous les trois ans. Les membres nommés au Conseil constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République. Ils jurent de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, ainsi que de garder le secret des délibérations et des votes. » Seuls les membres de droit sont dispensés de prêter serment. Le statut des membres du Conseil constitutionnel est en grande partie défini par l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel, plusieurs fois modifiée, et, à titre complémentaire, par un décret du 13 novembre 1959 relatif à leurs obligations. Celles-ci se définissent principalement par la réserve qu'ils sont tenus de respecter, et par le régime strict des incompatibilités qui leur est applicable. Le régime des incompatibilités prescrit par l'article 57 de la Constitution interdit le cumul de la fonction de membre du Conseil constitutionnel avec celle de ministre ou de membre du Parlement. 8 L'ordonnance du 7 novembre 1958 complète et précise l'article 57 de la Constitution, disposant en particulier que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du Conseil économique et social. Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 19 janvier 1995, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent plus acquérir de mandat électif ou exercer une fonction de conseil qui n’était pas la leur avant le début de leur mandat. Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement leur sont également applicables. Le décret du 13 novembre 1959 leur interdit en outre d’occuper pendant la durée de leurs fonctions tout poste de responsabilité ou de direction au sein d’un parti ou d’un groupement politique. uploads/S4/ armenie.pdf
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- Publié le Jan 30, 2022
- Catégorie Law / Droit
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