QUELS DROITS D’AUTEUR POUR LE TRADUCTEUR PROFESSIONNEL ? Pascal Reynaud, avocat
QUELS DROITS D’AUTEUR POUR LE TRADUCTEUR PROFESSIONNEL ? Pascal Reynaud, avocat au barreau de Strasbourg avec l’aide de Tiphaine Klein, étudiante en droit © 2018 Les Éditions de la SFT, Paris, France Production : Graham MacLachlan et Björn Bratteby Conception graphique : mademoiselle e. Impression : Exaprint - Tirage : 2 500 exemplaires Première édition Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, photocopie, photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteur. ISBN 978-2-9544847-3-0 SFT 109, Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris Dépôt légal : décembre 2018 QUELS DROITS D’AUTEUR POUR LE TRADUCTEUR PROFESSIONNEL ? Sous la responsabilité de Carmelo Cancio Pascal Reynaud et Tiphaine Klein 4 orsqu’un traducteur lit « traduction littéraire », il comprend « traduction d’œuvres de littérature ». Lorsqu’un juriste le lit, il comprend « traduction écrite » – par opposition à « traduction orale ». Une distinction de principe, dictée par des usages dans des domaines différents. Mais lorsque le terme est utilisé par le législateur pour définir le champ d’application des droits d’auteur dans le cadre législatif de la propriété intellectuelle, la distinction prend une tout autre dimension. Car le droit d’auteur appliqué à la « traduction littéraire » concerne alors non seulement la traduction éditoriale mais aussi la traduction pragmatique ou fonctionnelle, quel qu’en soit le support (imprimé, numérique, audiovisuel…), pour peu qu’elle présente un minimum d’originalité. Toute une révélation ! Cette brochure est née du besoin de combattre une idée préconçue, de dévoiler la volonté du législateur, de la rendre accessible aux professionnels de la traduction – pas toujours versés dans la littérature juridique – et de nourrir leur réflexion sur leurs métiers. Pour cela, la Société française des traducteurs a demandé à Me Pascal Reynaud, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle, d’expliquer le droit d’auteur aux praticiens de la traduction en faisant œuvre de pédagogie. Il a relevé le défi brillamment, assisté au sein du syndicat par Virginie Vermonet, Caroline Subra-Itsutsuji, Laurence Cuzzolin et Graham macLachlan. Qu’ils en soient tous remerciés. Carmelo Cancio Responsable du projet L Préface 5 Table des matières Introduction Les notions d’œuvre et d’auteur appliquées à la traduction. La traduction est-elle une œuvre originale ? Condition d’originalité et traduction Les autres éléments à prendre en compte pour assurer la protection d’une traduction Le traducteur est-il un auteur ? L’auteur-traducteur est la personne physique qui traduit un texte La question des œuvres créées à plusieurs : œuvre collective ou œuvre de collaboration La forme de l’œuvre et les régimes spécifiques relatifs de la titularité des droits d’auteur La protection offerte par le droit d’auteur pour les traductions Le régime des droits d’auteur en matière de traduction Le droit moral des traducteurs Les droits patrimoniaux des auteurs-traducteurs Les exceptions aux droits d’auteur des traducteurs Les contrats de cession de droits des traducteurs Preuve et formalisme des accords avec les commanditaires : un écrit est obligatoire ou vivement conseillé Les mentions nécessaires ou fortement conseillées dans toute commande de traduction La rémunération des traducteurs L’auteur-traducteur et son régime de sécurité sociale Le rôle de la gestion collective Le régime du droit d’auteur à l’international Pour conclure : la contrefaçon en matière de traduction. 6 7 7 7 13 15 15 16 18 21 21 21 22 23 24 24 25 26 27 27 28 28 6 Introduction Les créations protégées par le droit d’auteur sont nombreuses, qu’il s’agisse de littérature, de peinture, de musique, de cinéma… Qu’en est-il pour les traductions, en particulier lorsqu’elles sont fonctionnelles ? Par traduction fonctionnelle nous entendons la traduction de textes à caractère technique, scientifique, administratif ou commercial diffusés notamment sous forme de brochures, catalogues, dépliants. Ces textes fonctionnels entrent dans la catégorie des « œuvres littéraires ». Mais il faut comprendre le terme littéraire comme étant très large. Il vise toute création composée de mots, peu importe sa valeur littéraire, technique, commerciale ou artistique et sans que cela soit limité à la création littéraire au sens habituel du terme (livre, roman, essai, théâtre, etc.). En droit d’auteur, il n’y a pas à opposer traduction littéraire et traduction fonctionnelle. Elles bénéficient du même régime légal. Par principe, le droit d’auteur ne distingue pas entre les « beaux-arts » et les « arts appliqués ». C’est ce qu’on appelle la théorie de l’unité de l’art selon laquelle la même loi doit être appliquée à tous les types de création. Ainsi, selon cette théorie, toute création de mots peut faire l’objet de protection par le droit d’auteur, mais à la condition d’être originale. Mais, si le critère fondamental du droit d’auteur est l’originalité, comment démontrer l’apport créatif du traducteur pour une traduction fonctionnelle ? Comment dans ce cas distinguer ce qui est original de ce qui ne l’est pas ? Nous verrons que le traducteur peut prétendre à la protection prévue par le Code de la propriété intellectuelle (ci-après le « CPI ») sous certaines conditions. Si tel est le cas, en quoi consiste cette protection en matière de traduction ? Nous nous attacherons principalement ici à la réglementation française. Dans de nombreuses hypothèses, le droit européen est déjà intégré en droit français. Par contre, il ne sera pas étudié les principaux droits nationaux européens qui peuvent chacun avoir des solutions distinctes du droit français, les droits nationaux n’étant que partiellement harmonisés sur ces questions. Une attention particulière sera donnée aux questions de droit international privé. 7 Les notions d’œuvre et d’auteur appliquées à la traduction « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (art. L111-1 CPI). Tel est le principe fondateur du droit d’auteur. Plus spécialement, la loi prend en compte directement les traductions lorsqu’elle précise : « Les auteurs de traductions (...) jouissent de la protection instituée par le présent Code (…) » (art. L112-3 CPI). Reste à savoir ce qu’est une œuvre de l’esprit telle que protégée par le Code de la propriété intellectuelle et qui en est auteur ? La traduction est-elle une œuvre originale ? Une œuvre de l’esprit est protégeable par le droit d’auteur dès lors qu’elle est originale. Ce principe n’est pas réservé aux beaux-arts traditionnels et à la littérature. Les autres éléments liés à la protection de l’œuvre de traduction seront abordés dans un second temps. Condition d’originalité et traduction Le principe est simple : si le juge décèle de l’originalité dans une œuvre de l’esprit, celle-ci sera protégeable. Pourtant, cette notion est difficile à définir : c’est une notion « molle » sujette à de multiples interprétations et incertitudes de la part des tribunaux. Afin de tenter de circonscrire la notion, on distinguera une tendance subjective de la jurisprudence à la recherche de la sensibilité ou de la « personnalité » de l’auteur dans l’œuvre, d’une tendance plus objective singularisant un simple travail intellectuel. Concernant les traductions fonctionnelles, cette seconde tendance sera plus favorable aux traducteurs, la sensibilité de l’auteur passant souvent au second plan dans ce type de traduction. La jurisprudence retient de nombreuses formules pour définir cette notion d’originalité : on y trouve des expressions du type « travail purement personnel », « empreinte personnelle », « tempérament et style propre de l’auteur », « empreinte d’une composition et d’un style personnels », « empreinte du talent créateur personnel », « formule personnelle », « sceau de la personnalité de l’auteur », « choix exprimant la personnalité de l’auteur », « ton personnel », « reflet de la personnalité de l’auteur », « marque de la personnalité de l’auteur », « création intellectuelle propre à l’auteur ». 8 Nous verrons tout d’abord la réponse classique donnée par la jurisprudence concernant les traductions d’ouvrages pour les librairies, puis la prise en compte de la nature d’œuvre dérivée de la traduction et, enfin, les cas pratiques des mémoires de traduction, de la traduction automatique et des notices. L’originalité de la traduction : choix arbitraire, travail intellectuel et marque de la personnalité du traducteur Le plus souvent, l’originalité d’une traduction se perçoit dans le choix arbitraire et le travail intellectuel que le traducteur fait au sujet des mots, des structures grammaticales et de la construction de la phrase en elle-même. En effet, ces choix pourraient être différents si une autre personne effectuait la même traduction. C’est dans cette différence et cette liberté que réside la « personnalité » du traducteur. Le cas de la traduction en français du roman « Les Hauts de Hurlevent » est un bon exemple de travail créatif et personnel : le tribunal de commerce de la Seine1 a ainsi jugé que la traduction du titre du roman anglais « Wuthering Heights » d’Emily Brontë par « Les Hauts de Hurlevent » est une traduction originale, car le terme « Wuthering » ne connaît aucun équivalent en français. 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- Publié le Mar 10, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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