Sous-titre II : Les choix du juge de jugement Chapitre I : Le choix du prononcé

Sous-titre II : Les choix du juge de jugement Chapitre I : Le choix du prononcé d’une peine, du quantum de la peine et du moment du prononcé de la peine par le juge du jugement Section I : Libre choix du moment et du prononcé d’une peine Le juge répressif est libre, sous certaines conditions toutefois, du choix du moment du prononcé de la peine. Deux mécanismes s’offrent à lui : la dispense et l’ajournement de la peine. §1 La dispense de peine A. La notion Issue de la loi du 11 juillet 1975, l'art 132-58 du CP offre la possibilité au juge du siège de dispenser du prononcé de la peine, lorsqu'il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé. « Apparaît » un large pouvoir d’appréciation est laissé au juge. D’autant que la dispense de peine s’applique à toutes les peines principales. Elle est en revanche exclue pour les mesures de sureté. Quant à la réparation du dommage exigée par ce mécanisme, elle revient en quelque sorte à consacrer autrement la notion de repentir actif que nous avons rencontré ailleurs et qui en principe est indifférent. En outre, selon certains auteurs, avec la dispense de peine, le fondement de la responsabilité pénale n’est pas le libre arbitre mais la persistance d’un état dangereux. B. Les effets de la dispense de peine Aucune peine principale n’est prononcée malgré la déclaration de culpabilité et par une sorte de réaction en chaine, la dispense de peine exclut en outre l’application des dispositions prévoyant des interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient qui résulteraient de plein droit d’une condamnation (art 469-1 al 2 CPP). Ainsi, la peine principale entraîne dans son exclusion, avec elle, les peines secondaires. La dispense de peine ne compte pas pour la récidive, vu que le premier terme d’une récidive est nécessairement la condamnation à une peine. Toutefois, la dispense de peine figure au casier judiciaire, ce qui laisse subsister un blâme social selon certains, encore que le juge puisse décider la non-inscription au casier judiciaire (art 132-59 CP et 768 CPP). Limites : la dispense de peine n’exclut pas la confiscation des objets dangereux ou nuisibles ( art 132-58 al 1 ) et le juge doit statuer sur l’action civile (132-58 al 2). §2 L’ajournement du prononcé de la peine Le juge considère ici que les conditions de la dispense de peine ne sont pas acquises mais qu’elles pourraient l’être dans un avenir relativement proche. Il peut donc ordonner l’ajournement du prononcé de la peine et renvoie alors sa décision sur le fond à une date ultérieure : on constate ici une dissociation dans le temps entre la déclaration de culpabilité et la décision sur la peine. L'ajournement peut être simple (art 132-60 à 132-62 CP) : le juge le prononce lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est en voie d’être acquis, que le dommage causé est en voie d’être réparé et que le trouble résultant de l’infraction va cesser. L’ajournement peut aussi être assorti d'une mise à l'épreuve (art 132-63 à 132-65 CP) : l’ajournement est alors alourdi d’une mise à l’épreuve pendant un an au plus (c’est la même mise à l’épreuve que celle qui s’applique aux prévenus condamnés à un sursis probatoire, voir infra). L’ajournement peut enfin être assorti d'une injonction (art 132-66 à 132-70 CP) : à la lecture de ce texte, il faut donc une loi ou un règlement qui réprime un manquement à une obligation déterminée et qui prévoit cette possibilité d’ajournement. Le juge impartit alors un délai pour l’exécution de l’ordre qu’il émet et il peut prévoir une astreinte. La présence de l'intéressé est requise au moment du prononcé de l'ajournement et du prononcé de la peine (CCass 11 mars 2009, CCass 24 mars 2015). A l’audience de renvoi, que pourra faire le juge ? Le juge pourra dispenser alors de peine ou condamner ou ajourner une seconde fois, sauf le cas de l’ajournement avec injonction qui ne peut être ordonné une deuxième fois. Exception faite de l’ajournement avec injonction pour la raison que nous venons de dire, la décision sur la peine intervient au plus tard un an après la décision d'ajournement. La loi du 15 août 2014 a créé de nouvelles formes d’ajournement du prononcé de la peine que nous avons déjà évoquées. Ce mécanisme peut désormais être également destiné à l’accomplissement de mesures d’investigation sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale ou sociale de l’intéressé (art 132-70-1 du CP) ou aux fins de consignation d’une somme d’argent (art 132-70-3 du CP). §3 Le relèvement de la peine Les lois du 29 décembre 1972 et 11 juillet 1975 ont généralisé cette institution qui figure aujourd’hui à l’art 132-21 al 2 CP et 702-1 et 703 CPP. A. Le domaine de relèvement Le relèvement permet de mettre fin à toutes les peines d’interdiction ou d’incapacités professionnelles, et cela est d’autant plus utile qu’un certain nombre de textes extérieurs au Code pénal prévoient l’application automatique de telles peines pouvant alors être non connues du juge lui- même. Il existe deux formes de relèvement. Celui qui nous intéresse ici au stade du prononcé de la peine est le relèvement instantané (au contraire du relèvement différé qui est accordé ultérieurement sur requête du condamné). L’art 132-21 al 2 CP permet le relèvement « pour toute interdiction, déchéance ou incapacité quelconque qui résulte de plein droit, en application de dispositions particulières, d’une condamnation pénale ». L’art 702-1 CPP en étend le domaine aux sanctions prononcées « à titre de peine complémentaire ». Donc le relèvement joue à la fois pour des sanctions résultant de plein droit de la condamnation (sans avoir été prononcées) et pour des sanctions prononcées à titre secondaire. Il s’applique par exemple à l’affichage d’une condamnation, à l’incapacité d’exercer une profession commerciale ou d’exploiter un débit de boissons, à l’interdiction de séjour… Mais attention : pas de relèvement possible pour des sanctions qui ne sont ni des interdictions, ni des déchéances, ni des incapacités, ni des mesures de publication comme la confiscation, la reconduite d’un étranger à la frontière... Le relèvement ne vaut pas non plus s’agissant d’une peine secondaire qui serait prononcée à titre principal : l’art 702-1 al 1 CPP n’autorise en effet le relèvement que pour des 13 « interdictions, déchéances »… résultant de plein droit de la condamnation ou prononcées à titre de peine complémentaire. De plus, s’agissant des peines principales, c’est l’institution de la dispense de peine qui a vocation à éventuellement intervenir. Enfin, la révocation d’un sursis ne saurait être considérée comme une déchéance permettant un potentiel relèvement. La déchéance prive en effet le condamné d’un droit dont il était titulaire alors que la révocation du sursis n’est que la cessation d’une faveur conditionnelle. B. Les effets Le relèvement peut être octroyé par la juridiction qui prononce la condamnation et au moment même précisément où elle la prononce : art 132-21 al 2 CP. C’est le relèvement instantané, faisant qu’une peine complémentaire obligatoire est alors transformée en une peine complémentaire facultative, ce qui atteste des pouvoirs du juge prononçant la peine. S’agissant du relèvement instantané, aucun délai d’épreuve n’ayant suivi la condamnation, la mesure ne peut donc pas dépendre de la bonne conduite du condamné. Le juge de jugement doit donc se fonder sur son « sentiment » selon lequel il y aurait une disparité entre l’infraction et la sanction et selon lequel l’intéressé ne présenterait pas d’état dangereux. S’il s’agit en revanche d’une peine complémentaire prononcée par le juge, l’intéressé ne peut agir en relèvement qu’au bout d’un délai de 6 mois après la décision initiale de condamnation et non ab initio (l’idée est de pouvoir apprécier le comportement de l’intéressé dans le temps). Le relèvement efface les conséquences d’une condamnation en matière d’incapacités, déchéances et interdictions qu’elles aient ou non été prononcées par le juge. Il y a donc cessation anticipée de certaines peines complémentaires et accessoires. Mais pour le reste, la condamnation subsiste : elle est exécutée, compte pour la récidive et fait obstacle à l’octroi d’un sursis ultérieur. Le relèvement peut être cantonné dans son étendue ou sa durée : relèvement en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée de l’interdiction, déchéance ou incapacité : une grande liberté dans l’individualisation est ici accordée au juge. De plus, le relèvement n’empêche pas la subsistance de la mention de la condamnation au casier judiciaire. Mais le tribunal peut exclure cette mention au bulletin n° 2 et cela emporte précisément relèvement des peines accessoires puisque l’art 775-1 CPP ne vise que les mesures « résultant » de la condamnation. Pour le relèvement d’une peine complémentaire, le juge devra appliquer l’art 702-1 al 1 CPP. Si le juge décide le prononcé d’une peine, le choix qu’il peut opérer porte sur le quantum de ladite peine. Section II : Le choix du quantum de la peine prononcée Toutes les peines peuvent uploads/S4/ choix-du-prononce-mode-execution.pdf

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  • Publié le Jui 04, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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