Klein Edward TD n°8 Commentaire de l’arrêt rendu par la Première Chambre civile
Klein Edward TD n°8 Commentaire de l’arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 27 février 2007 L'arrêt commenté présente une nouvelle évolution dans le débat jurisprudentiel en ce qui concerne les qualités substantielles d'une oeuvre d'art. Classiquement, l'erreur est le motif juridique le plus souvent présenté devant les juridictions dans le cadre des transactions portant sur des oeuvres d'art. Ce fondement permet de réclamer l'annulation de la vente si, selon l'expression consacrée de Domat « les conventions où les personnes n'ont point connu ce qu'il était nécessaire de savoir pour former leur engagement, sont nulles » Un collectionneur d'art achète en enchère publique une statue représentant le pharaon Sésostis III présentée comme confectionnée sous son règne. Peu après la réalisation de la vente, celui-ci apprend l'existence d'une controverse quand à l'authenticité de cette statue. En effet, il semblerait que cet objet présente de grossières marques de falsifications poncées depuis et ait été proposé à différent musée, ceux de Bâle et de Cleveland notamment avant de finir à l'hôtel des ventes de Drouot. Afin d'avoir le coeur net, il décide de le faire analyser par divers experts reconnus en égyptologie. Ces derniers sont formels, la statue ne date pas de l'époque indiquée mais ils laissent toutefois planer un doute quand à divers anachronismes ainsi qu'une non conformité avec les représentations contemporaines de la vie du dieu-homme. Fort de cette avis d'experts reconnus, l'acquéreur décide alors d'engager une action en nullité de la vente. La Cour d'appel de Paris décide toutefois de le débouter de leur demande au motif qu'il n'est pas démontré que le doute était tel, qu'ils auraient renoncer à contracter s'ils avaient connu la vérité. La juridiction du deuxième degré exploite notamment l'avis tarabiscoté des experts qui ne sont pas catégoriques. Saisie d'une seconde demande due à l'introduction de fait nouveau, elle le déboute encore. Le collectionner forme alors un pourvoi en Cassation contre les deux décisions de la Cour d'appel. La Haute juridiction donne satisfaction au demandeur en annulant le contrat de vente en s'appuyant notamment sur l'article 110 ainsi que sur le décret du 3 mars 1981 sur l'authenticité des oeuvres d'art. Une erreur de référence chronologique sur une oeuvre d'art suffit elle à provoquer une erreur chez l'acquéreur ? L'arrêt commenté permet de s'interroger sur l'erreur lorsqu'elle porte sur une fausse datation (I), mais aussi de la valeur juridique attribuée au catalogue de vente (II). I- L'erreur quant à la datation d'un objet d'art Si la première étape du raisonnement juridique permettant l'annulation de la vente est de démontrer le caractère substantiel de la datation (A), elle aurait été rendue complexe sans l'existence du décret du 3 mars 1981 (B). A- L'erreur sur la datation, une erreur substantielle Le droit positif français reconnait l'erreur à l'article 1110 du Code civil. Pour être considérée comme un vice du consentement, cette erreur doit donc tomber sur la substance même de l'objet. Entendue d'une manière restrictive, cela correspond à la matière dont la chose est faite. Progressivement, la jurisprudence a élargi cette conception, afin d'englober les qualités substantielles, c'est-à-dire une qualité de la chose qui était considérée par le contractant comme motivant son consentement. T rois conditions cumulatives sont nécessaires pour mettre en oeuvre la nullité de ce type d'erreur. Il est tout d'abord nécessaire, et ce depuis le fameux arrêt Poussin (Cass.1ère Civ 17 septembre 2003), d'apporter la preuve d'une erreur. Une fois cette première étape franchie, le demandeur de l'annulation doit démontrer que cette erreur porte bien sur les qualités substantielles de la chose. Autrefois, seules la substance objective était retenue (Pothier et ses chandeliers en Argent). La dernière étape consiste à démontrer que cette erreur a été déterminante du consentement, et que donc ce dernier a été vicié, nécessitant ainsi une annulation de l'acte litigieux. En l'espèce, la difficulté principale était d'assimiler cette erreur de datation à une erreur substantielle. Si communément, il est « facile » de faire reconnaître une erreur lorsqu'elle porte sur l'auteur d'une oeuvre, il est beaucoup moins évident d'apporter la preuve de celle-ci lorsqu'elle repose sur la période de conception d'un objet, a fortiori si celle-ci est éloignée de plusieurs millénaires. L'oeuvre controversée étant anonyme, elle ne tire sa valeur que de part son ancienneté et surtout la période de sa prétendue création (dynastie de Sésostris soit la plus grande période de prospérité de l'Egypte antique). Le Code civil n'apportant pas de réponse précise, la solution provient d'un texte d'origine règlementaire: le décret du 3 mars 1981. B- L'apport du décret du 3 mars 1981 en terme de lexique juridique Le décret du 3 mars 1981 apporte toutes les précisions nécessaires à une esprit de juriste pour pouvoir qualifier avec précision des termes utilisées dans les catalogues de vente d'oeuvre d'art. Ainsi une oeuvre « attribué à » n'est pas une oeuvre « de » Otto Dix. L'article 2 de cet arrêt correspond très nettement au cas de l'espèce et permet d'y apporter une réponse claire quand à savoir si oui ou non, la datation d'un objet rentre dans ses qualités substantielles. Il dispose « La denomination d'une oeuvre ou d'un objet, lorsqu'elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque, garantit l'acheteur que cette oeuvre ou objet a été effectivement produit au cours de la période de référence ». L'acheteur dispose donc au regard du lexique utilisé par le commissaire concepteur du catalogue de toutes les “garanties”permettant d'acheter sereinement son objet d'art. La Cour de cassation souligne que l'inaxictude de datation était suffisante à provoquer l'erreur. D'ici à reconnaitre une présomption du caractère déterminant de l'erreur, il n'y a qu'un pas. En effet, l'acheteur n'a pas eu ici à démontrer que cette erreur manifeste avait été déterminante de son consentement. On sort donc de la conception selon laquelle il est nécessaire à celui qui réclame l'annulation d'un contrat pour erreur qu'il prouve son influence sur le son consentement. II- La valeur juridique du catalogue de vente Si le catalogue rend la démonstration de l'erreur plus évidente pour les demandeurs au pourvoi (A), c'est que ce dernier joue un rôle capital dans la détermination du consentement de l'acheteur. A- Le catalogue instrument du formalisme juridique L'argumentation du collectionneur d'art afin de réclamer l'annulation de la vente repose en grande majorité sur la référence à la date fixée par la commissaire priseur, elle même présente sous la description de l'objet dans le catalogue. Il est donc important de donner une qualification à ce document. Il est possible de le rapprocher de n'importe quel autre catalogue publicitaire qu'il soit celui d'une grande surface ou alors celui d'un bijoutier reconnu. On retient à l'égard de ce document la qualification de document contractuel. En effet ce dernier participe à la formation du futur contrat entre le vendeur et l'acquéreur. C'est ce dernier qui présente l'objet vendu créant ainsi un premier rapprochement entre les parties. Ce document présente donc l'objet offert suivi d'une description détaillée permettant à l'acheteur potentiel de proposer un prix. Il s'agit d'une offre si l'on omet un facteur déterminant: le prix. Le prix retenu sera l'enchère la plus haute liant définitivement le pollicitant et l'acquéreur. La finalisation ne représente que la face dévoilée de l'iceberg, car lorsqu'un acheteur se rend dans un hôtel des ventes, ce dernier a consulté avec envie le catalogue ou bien l'exposition préliminaire. C'est à ce moment là que son consentement naitra véritablement. B- Le catalogue instrument du consentement de l'acheteur Le catalogue est perçu par les juridictions comme un document précontractuel. Son importance est donc minimisée car il comporte toutes les indications nécessaires à la conclusion du contrat. Le vendeur remplit donc par la même son obligation d'information sans laquelle il serait coupable d'une réticence dolosive reconnue elle aussi comme vice du consentement. Il est donc capital pour un vendeur de vérifier avec attention les offres présentées dans son catalogue sous peine de voir sa responsabilité engagée. uploads/S4/ civ-1ere-27-fevrier-2007.pdf
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- Publié le Mar 31, 2021
- Catégorie Law / Droit
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