1 Les clauses abusives dans les relations B2B. 1 Denis PHILIPPE Avocat aux barr
1 Les clauses abusives dans les relations B2B. 1 Denis PHILIPPE Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Luxembourg Professeur extraordinaire à l’Université catholique de Louvain Professeur invité à l’Université de Paris Ouest Table des matières Les clauses abusives dans les relations B2B. .......................................................................................... 1 1. Introduction. ..................................................................................................................................... 2 2. Définition et interprétation des clauses abusives. .................................................................... 3 2.1. La définition est similaire à celle que l’on retrouve en droit de la consommation. ........ 3 2.2. Critères d’appréciation. .............................................................................................................. 4 2.3. Interprétation. ................................................................................................................................ 5 3. Champ d’application. ................................................................................................................... 5 3.1. Un contrat ...................................................................................................................................... 5 3.2. Des entreprises. ............................................................................................................................. 6 3.3. Exclusions du champ d’application ratione materiae. ........................................................ 6 4. Analyse des listes de clauses. ....................................................................................................... 7 4.1. Liste noire. ....................................................................................................................................... 7 4.2. Liste grise ....................................................................................................................................... 10 5. Différences principales par rapport au droit de la consommation. ....................................... 16 6. Sanction. .............................................................................................................................................. 17 7. Entrée en vigueur ............................................................................................................................... 18 8. Conclusions. ........................................................................................................................................ 18 8.1 Le droit commun n’offrait-il pas des mécanismes de contrôle suffisants. Le principe de la bonne foi, notamment, ne permettait-ils pas de remplir la même fonction que la nouvelle loi ? ....................................................................................................................................... 18 8.2 Que penser de l’application future de cette loi ? ................................................................ 18 1 Ci-après B2B signifie les relations entre entreprises ; B2C les relations entre une entreprise et un consommateur ; C2C vise les relations entre personnes privées. CDE signifie le Code de droit économique. 2 1. Introduction. Beaucoup de PME se voient imposées par les grandes sociétés des clauses très dures ; l’on pense par exemple aux obligations de reprendre les invendus mises à charge des petits producteurs par les aux grandes surfaces. Celles-ci sont en position de force puisqu’elles décident ou non du référencement de ces petits producteurs dans leurs rayons. Des initiatives ont déjà été prises en vue de remédier à ce phénomène. Une directive européenne a d’ailleurs été adoptée visant à protéger les fournisseurs les plus faibles dans la chaîne alimentaire.2 Des codes de bonne conduite ont été également adoptés pour mieux régir les chaînes d’approvisionnement.3 Mais le législateur belge a ambitionné une réforme plus large s’appliquant à tous les secteurs. L’on connaît les règles contrôlant les clauses abusives en droit de la consommation ; le législateur a en quelque sorte introduit une version « light » de cette législation pour les relations B2B. Le législateur a visé large puisque la loi s’applique quelle que soit la taille de l’entreprise. Il est intéressant de constater un consensus politique sur cette loi puisque les textes ont été adoptés à l’unanimité pour ainsi dire sans débat.4 D’ailleurs, plusieurs pays européens comme la France ou les Pays Bas sanctionnent déjà les clauses abusives entre professionnels ; le projet de droit de la vente européen introduit lui aussi les clauses abusives entre professionnels5 mais n’établit pas de liste de clauses. 2 Directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, JO, 25 avril 2019, L 111/59. 3 Voy. le site de supply chain initiative qui constitue une initiative européenne regroupant les industries agroalimentaires, les fabricants de produit de marques, le secteur du détail, les PME et les négociants en produits agricoles. La supply chain initiative a adopté des règles de gouvernance et de fonctionnement (Voy. sur le site précité, l’onglet sci_rules_of_gouvernance_and_operations ; ces règles ont été adoptées le 2 février 2018 par le groupe de gouvernance). Citons en Belgique le Code de conduite pour des relations équitables entre fournisseurs et acheteurs dans la chaîne agro-alimentaire. Ce Code a été signé par les instances représentatives des PME et de l’industrie. 4 Voy. Travaux prépatoires. Chambre des représentants, n°1451/05 p. 21 ; voy.déjà dans la doctrine pour une extension de la loi sur les clauses abusives aux entreprises, T. BAES, Oneerlijke marktpraktijken in een B2B-context: hebben we echt nood aan ‘consumentenbescherming’ voor ondernemingen, Annuaire pratiques de marché, 2013, p.206 e.s. Voy. pour un premier commentaire de la loi, M.SEGERS, Nieuwe wet zorgt voor kleine copernicaanse revolutie in B2B-relaties, Juristenkrant, p.3 5 Voy. chapitre 8, section 3, de la Proposition de règlement du parlement européen et du conseil relatif à un droit commun européen de la vente Com/2011/0635 final - 2011/0284 (cod). 3 Certaines législations spécifiques régissent déjà le crédit, crédit à la consommation ou crédit aux PME, les informations précontractuelles dans le cadre d’un contrat de partenariat ou les retards de paiement. Elles ne feront pas spécifiquement partie de notre champ d’investigation.6 Nous aborderons successivement la définition de la clause abusive (1), le champ d’application de la loi (2), la discussion des listes de clauses abusives (3), la sanction (4) et l’entrée en vigueur(5) pour terminer en guise de conclusions par quelques réflexions générales (6). 2. Définition et interprétation des clauses abusives. 2.1. La définition est similaire à celle que l’on retrouve en droit de la consommation. La clause est « abusive lorsque, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses, elle crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties ».7 La clause doit entraîner un déséquilibre manifeste 8 Par le terme manifeste, le législateur souligne que le juge n’exerce qu’un contrôle marginal ; entre personnes raisonnables, aucune discussion ne doit être possible.9 L’on peut citer un exemple tiré des travaux préparatoires : « Qu’on songe ici à une grande enseigne qui obligerait un fournisseur à reprendre ses invendus, en imputant à ce partenaire la totalité de la charge de la mévente » ;10 Le législateur est déjà intervenu pour certaines clauses spécifiques. Ainsi, les clauses de parité en ligne ont fait parler d’elles ; booking, tripadvisor et autres plateformes en ligne imposent aux hôteliers de ne pas proposer des prix plus bas que ceux proposés sur leurs sites. En d’autres termes, lorsque vous vous adressez à un hôtel pour faire une réservation, l’hôtelier ne peut pas vous offrir un prix plus bas que celui que vous offre booking ou expedia pour un service identique. Ces clauses sont désormais sans effet en droit belge.11 L’on vise les clauses qui ont pour objet de : les travaux préparatoires expliquent qu’il faut alors vérifier les circonstances concrètes La nature spécifique du bien ou service ainsi que le contexte doivent être pris en considération. 12S’il s’agit de vérifier l’effet de la clause sur le contrat, peut-être est-il encore plus indiqué de parler de clauses qui ont pour effet. 13 6 Voy. sur ces lois, N. BOEVENS, De KMO als consument, Masterproef, Gent, 2017. 7 Voy. pour une définition en droit de la consommation, S. STIJNS, Onrechtmatige bedingen, in Recente wijzigingen inzake marktpraktijken, Studiecentrum voor consumentenrecht, 6, p.187 ; R. STEENOOT, Onrechtmatige bedingen, TPR, p.1521 ; G. STRAETMANS , Onrechtmatige bedingen, in Actualia economisch recht en consumentenbescherming, 2017, 8 R. STEENOOT, op.cit., p. p.1523. 9 Ibid. 10 Trav préparatoires, 2018-2019, Doc 54,1451/005DOC, p.5 11 Loi du 30 juillet 2018, Mon.b. 10 août 2018. 12 Trav préparatoires, 2018-2019, Doc 54,1451/003, p.36. 13 En droit de la concurrence, l’on englobe les deux termes, l’on parle d’ententes qui ont pour objet ou pour effet (voy. article 101 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne). 4 Rappelons que les dispositions essentielles du contrat ( par exemple, le prix et l’objet en matière de vente) ne tombent pas sous le champ d’application de la réglementation nouvelle.14 2.2. Critères d’appréciation. Le caractère abusif prendra en considération tous les éléments intrinsèques et extrinsèques ; les circonstances ou documents relatifs à la formation du contrat, les autres clauses du contrat ou des contrats connexes. La loi ne fait pas expressément référence à l’exécution du contrat : nous croyons que l’exécution du contrat permet parfois de mieux en percevoir la portée à la conclusion du contrat. La démarche est similaire à celle de l’interprétation d’un contrat régie par les articles 1156 et suivants du Code civil ou de l’abus de droit. La clause doit également être appréciée en combinaison avec d’autres clauses du contrat. Prenons l’exemple d’une clause qui oblige le petit producteur à reprendre les invendus ; à elle seule elle pourrait être acceptable mais quelques paragraphes plus loin, le contrat prévoit que le producteur ne recevra aucune indemnité pour ce faire. Ce sont donc les deux clauses mises ensemble qui constituent l’abus. Plus que dans le droit de la consommation où les contrats sont plus simples, les contrats entre entreprises sont plus complexes. Raison de plus pour, comme le prescrit l’article commenté, prendre en considération dans l’appréciation du caractère abusif, l’ensemble des clauses du contrat. Les usages tout seront également pris en considération, édicte le législateur, ce qu’il faut saluer.15 Les usages occupent une place importante dans la vie des affaires ; l’on pense aux incoterms codifiés par la chambre de commerce international.16 Nous croyons donc que si des usages reconnus pourraient, pure hypothèse, présenter un caractère abusif, ils devraient être reconnus comme valides car ils représentent une règle admise par tous dans la profession. Il convient également d’avoir égard à l’économie générale du contrat17. Ceci signifie que les dispositions essentielles du contrat, même si elles ne sont pas visées uploads/S4/ clauses-abusive4-pdf.pdf
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- Publié le Nov 18, 2022
- Catégorie Law / Droit
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