LA REFORME DE LA JUSTICE PENALE EN CÔTE D’IVOIRE Par Tchétché DJEGNINE, DEA en

LA REFORME DE LA JUSTICE PENALE EN CÔTE D’IVOIRE Par Tchétché DJEGNINE, DEA en Droit Privé et Licence en Sociologie. Magistrat, Sous-Directeur des Etudes au Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme. INTRODUCTION Dès son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire s’est donnée plusieurs lois pour régir la justice pénale. Il s’agissait principalement de la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 portant code de procédure pénale, la loi n°61-155 du 08 mai 1961 portant organisation judiciaire et la loi n°81-640 du 31 juillet 1981 instituant le code pénal. Bien que ces textes aient été plusieurs fois modifiés depuis leur adoption, en raison de la perpétuelle mutation du comportement criminel, ils restaient des normes inadaptées à l’évolution de la société. Aussi, l’exigence de préservation de l’ordre public ainsi que l’obligation régalienne pour tout État de renforcer la protection du contrat social, tel que défini par ROUSSEAU, commandent entre autres moyens que les textes pénaux soient des réponses parfaitement adaptées à la répression des comportements anti sociaux. C’est la raison pour laquelle, se conformant à la Constitution et aux standards internationaux relatifs aux droits fondamentaux de l’être humain, l’État ivoirien, dans le cadre de sa politique de réforme du système judiciaire et des codes usuels, a adopté de nouvelles normes pénales. Il s’agit notamment de la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant code de procédure pénale et de la loi n°2019-574 du 26 juin 2019 portant code pénal. Ces réformes législatives s’inscrivent dans la dynamique générale d’offrir à la Côte d’Ivoire, une justice pénale de qualité, une justice au service de la bonne gouvernance. Les principales raisons de la reforme ayant été précisées, il convient de souligner que les nouveaux textes ont permis une réorganisation de la justice pénale d’une part et institué de nouvelles règles applicables devant les juridictions pénales d’autre part. I. LA REORGANISATION DES JURIDICTIONS PENALES La réorganisation des juridictions pénales s’observe tant au niveau des juridictions d’instruction qu’au niveau des juridictions de jugement. A- LES JURIDICTIONS D’INSTRUCTION Le nouveau code de procédure pénale a apporté une innovation de forme au niveau de la structure des juridictions d’instruction de second degré :la transformation de l’ex Chambre d’Accusation en Chambre d’Instruction. En Droit comparé, cette juridiction existe déjà dans d’autres législations, notamment en Droit français1 et camerounais2. Cette réforme se justifie dans la mesure où la dénomination « Chambre d’accusation » était restrictive au regard des nombreuses attributions de toute juridiction d’instruction de second degré. Par ailleurs, elle était quelque peu contraire au principe de la présomption d’innocence. La Chambre d’instruction est une juridiction instituée au sein des Cours d’Appel et elle est composée de Magistrats exclusivement nommés dans cette fonction (Art 226 du CPP). Comme indiquée plus haut, la Chambre d’instruction remplace aujourd’hui l’ancienne Chambre d’accusation que prévoyait l’ancien code de procédure pénale, en ses articles 191 à 230. B- LES JURIDICTIONS DE JUGEMENT Seront examinées ici, les réformes structurelles touchant les juridictions répressives de premier et second degré. 1 Code de procédure français, édition du 18/07/2020, institut français d’information juridique, art 191 à 230. 2 Code de procédure camerounais, journal officiel n°2005/007 du 27 juillet 2005, art 272 à 287. 1- Les réformes structurelles au niveau des juridictions de premier degré : la composition du tribunal de simple police, la création du tribunal criminel et d’une section du Parquet chargée du traitement des procédures des mineurs La composition du tribunal de simple police Le Tribunal de simple police est une formation de jugement composée d’un juge unique (Art 532 du CPP). Il connaît des contraventions (Art 531 du CPP). Sur l’institution du Juge unique, la Côte d’Ivoire a emboité le pas à d’autres Etats comme La France (Art 523 du code de procédure pénale français), le Gabon3 et le Sénégal4. La réforme voulue par le législateur est justifiée par la non complexité des affaires contraventionnelles. La création des tribunaux criminels Le tribunal criminel est la juridiction de jugement, compétente pour juger en premier ressort, en matière criminelle, les individus renvoyés devant lui par l’arrêt de la Chambre d’instruction (Art 262 du CPP). Il est institué au siège de chaque tribunal de première instance (Art 263 du CPP). Il s’agit d’une innovation majeure de notre système judiciaire. Sa création répond au respect de l’un des principes directeurs de la procédure pénale, à savoir, le principe du double degré de juridiction (Art 5 du CPP). La création d’une section du Parquet chargée du traitement des procédures impliquant les mineurs La création de sections au sein des Parquets d’instance, chargées du traitement des procédures impliquant les mineurs, facilitera l’obtention de statistiques judicaires, toute chose pouvant aider le Gouvernement dans l’élaboration de politiques publiques en matière de lutte contre la criminalité juvénile. 3Code de procédure pénale gabonais, loi n°61-33 du 14 août 1961 portant institution du code de procédure pénale, modifiée par les lois n°2003-026 du 13 juin 2003 et n°2004-21 du 16 mai 2004 art 513. 4 Code de procédure sénégalais, loi de base n°65-61 du 21 juillet 1965, art 511. 2- Les reformes touchant les Cours d’appel Les reformes qui touchent les Cours d’appel, sont relatives à la disparition des Cours d’assises et à la création de Chambres criminelles. Dans l’ancien code de procédure pénale, le jugement des crimes relevait de la compétence des Cours d’assises. Aujourd’hui, avec la réorganisation des juridictions pénales instituée par le nouveau code de procédure pénale, la procédure de jugement des crimes n’est plus la même : les Cours d’assises ont été supprimées pour des raisons d’ordre juridique, technique et budgétaire. En première instance, les faits qualifiés crimes sont portés devant les tribunaux criminels. Au niveau des Cours d’appel, des Chambres criminelles sont désormais créées (Art 370 du CPP). Ces Chambres ont compétence pour connaitre des appels interjetés contre les jugements criminels (Art 362 et 371 du CPP). Notons que contrairement à de nombreux Etats qui sont encore au stade des Cours d’assises, la Côte d’Ivoire a décidé, à travers cette réforme, d’expérimenter une autre réalité judiciaire. II. LES NOUVELLES REGLES APPLICABLES DEVANT LES JURIDICTIONS PENALES Les nouvelles règles applicables devant les juridictions pénales, sont constituées de règles de forme et de règles de fond. A- LES REGLES DE FORME OU DE PROCEDURE Les nouvelles règles de procédure s’observent tant au niveau des juridictions d’instruction qu’au niveau des juridictions de jugement. 1- Au niveau des juridictions d’instruction Le nouveau régime juridique de la détention préventive : - Le placement en détention préventive de l’inculpé, se fait désormais à travers une ordonnance motivée du juge d’instruction ; - Le nouveau code de procédure pénale énumère de façon limitative, les hypothèses dans lesquelles cette ordonnance peut être prise ; Il ressort en effet de l’article 163 du CPP que la détention préventive ne peut être prononcée ou prolongée que par ordonnance motivée du Juge d’Instruction démontrant, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne peuvent être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire : -conserver les preuves ou les indices matériels ; -éviter une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que leur famille ; -éviter une concertation frauduleuse entre la personne inculpée et les autres auteurs ou complices ; -protéger la personne inculpée ; -garantir le maintien de la personne inculpée à la disposition de la justice ; -mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; -faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. - L’inculpé dispose d’un recours contre l’ordonnance de placement en détention préventive ; - La détention préventive est enfermée dans des délais strictes pour tenir compte de la présomption d’innocence. L’institution d’une alternative à la détention préventive : le contrôle judiciaire. Le contrôle judicaire est une mesure restrictive de liberté (Art 153 du CPP). Il constitue une alternative à la détention préventive. Le contrôle judiciaire est une innovation majeure dans notre Droit positif. La Côte d’Ivoire s’est inspirée, en la matière du model français5. Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le Juge d’Instruction à toute étape de la procédure dans le cas où l’inculpé encourt une peine d’emprisonnement. Ce contrôle astreint la personne concernée à se soumettre, selon la décision du Juge d’Instruction, à une ou plusieurs des obligations fixées par l’article 154 du CPP. Citons à titre d’exemple, quelques-unes de ces obligations : -ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le Juge d’Instruction ; -ne s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le Juge d’Instruction qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce Magistrat ; -remettre soit au Greffe, soit à un service de Police ou à une Brigade de Gendarmerie, tous documents justificatifs de l’identité, et notamment le passeport, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité. Les délais de procédure en matière d’instruction préparatoire Rendre la justice dans un délai raisonnable, est un principe constitutionnel (Art 6 uploads/S4/ colloque-universite-bouake.pdf

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  • Publié le Dec 04, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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