Analyse et commentaire d’une décision de justice S e c t i o n I I Analyse d’ar
Analyse et commentaire d’une décision de justice S e c t i o n I I Analyse d’arrêt 11 Notion d’analyse d’arrêt L’analyse d’arrêt est le préalable au commentaire d’arrêt. Cet exercice est essentiel dans la mesure où il permet de dégager les éléments clefs de l’arrêt. Il requiert diverses qualités, sans lesquelles le sens de la décision ne pourra pas être compris ni expliqué clairement. L’étudiant doit tout d’abord faire preuve de rigueur dans la lecture de l’arrêt afin d’identifier les structures grammaticales et juridiques de la décision. Ensuite, il s’agit de se soumettre à une démarche objective de retranscription du contenu de l’arrêt. Il serait inacceptable d’occulter ou de travestir certains faits. En outre, à ce stade, le juriste ne prend pas parti. Enfin, la retranscription formelle de l’analyse doit apparaître avec clarté. Le lecteur doit pouvoir comprendre aisément les différents aspects de la solution. I. Eléments de l’analyse d’arrêt Cette phase d’analyse doit commencer par ce que l’on appelle une fiche d’arrêt. Dans un second temps, il est nécessaire de dégager ce que nous appelons des idées forces, des idées maîtresses. 1. La fiche d’arrêt Celle-ci comprend l’exposé des données suivantes : a. Retranscription des faits La fiche d’arrêt commence par une reconstitution fidèle des situations de fait qui ont conduit à la saisine d’une juridiction. Parfois, celles-ci sont très simples et peuvent se résumer en quelques lignes. Il n’en est cependant pas toujours ainsi. Il peut être nécessaire de consacrer plusieurs lectures à l’arrêt, avant d’établir une chronologie exacte des faits déterminants. Contrairement à une idée parfois reçue parmi les étudiants, tous les faits ne figurent pas nécessairement dans le premier attendu. Il est souvent nécessaire de rechercher dans le dernier motif un élément de fait déterminant. b. Qualification La qualification consiste à rattacher certains faits et opérations à des catégories juridiques afin d’en déduire le régime juridique applicable. Exemple un prêt est accordé à une personne pour l’achat de son appartement et le prêteur exige que l’emprunteur obtienne l’engagement d’une tierce personne de payer à sa place, au cas où il ne rembourserait pas les échéances du prêt. L’article 2288 du Code civil dispose : « Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ». En l’occurrence, l’engagement de la tierce personne à l’égard du créancier correspond juridiquement à un contrat de cautionnement. Ce rattachement de l’engagement à la catégorie juridique de contrat de cautionnement constitue à proprement parler la qualification de cette situation de fait. La qualification de contrat de cautionnement aboutit à l’application du régime juridique du cautionnement, tel qu’il est prévu par les articles 2288 et suivants du Code civil. Ainsi, l’article 2305 du Code civil énonce que la caution qui a payé au créancier la dette du débiteur principal dispose d’un recours à l’encontre de ce dernier. C’est l’une des nombreuses conséquences juridiques attachées à la qualification de contrat de cautionnement. c. Procédure L’étudiant doit comprendre et relater les éléments essentiels de la procédure, c’est-à-dire retracer l’histoire judiciaire d’une (ou de plusieurs) situation(s) de fait et de droit. De la saisine initiale d’une juridiction à l’arrêt de la Cour de cassation, toute l’évolution du litige et les différentes solutions données doivent apparaître dans la fiche d’arrêt. L’exposé de la procédure contient une présentation vivante et synthétique de l’arrêt d’appel attaqué, ou du jugement, et reprend les motifs et le dispositif des décisions. Elle comprend l’énoncé des prétentions des parties. Les prétentions des parties consistent en l’ensemble des raisonnements développés par les plaideurs, en vue d’obtenir telle ou telle décision du juge, et ce, que l’on soit au stade des demandes et défenses initiales, de l’appel ou du pourvoi en cassation. Exemple un tapissier trouve des pièces d’or dans un fauteuil qu’il restaurait à son atelier. L’article 716, alinéa 1er, du Code civil prévoit que, si un trésor est trouvé dans la propriété d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds dans lequel il était caché. La personne ayant découvert le trésor remet les pièces au propriétaire du fauteuil, qui les conserve. Ayant appris l’existence de l’article 716 du Code civil, et devant le refus de partager le trésor de son client, le tapissier agit en justice afin d’obtenir la moitié des pièces d’or. C’est parce qu’il soutient avoir trouvé les pièces dans le fauteuil d’autrui qu’il peut prétendre obtenir du juge une décision le constituant propriétaire pour moitié du trésor. De son côté, le propriétaire tentera de faire échec à cette demande, et les arguments qu’il développera à l’appui de ses prétentions tendront au débouté de la demande, en alléguant par exemple que l’article 716 du Code civil ne s’applique qu’aux trésors découverts dans des immeubles et non à ceux découverts dans des meubles. Si le jugement donne raison au demandeur, et que le défendeur interjette appel, les prétentions des parties seront portées devant une cour d’appel. d. Moyen(s) du pourvoi Le ou les moyens du pourvoi expose(ent) les critiques juridiques formulées à l’encontre de l’arrêt d’appel. Dans l’arrêt, leur exposé commence par la phrase « il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ». Nous avons vu comment le(s) moyen(s) est (sont) formulé(s). La fiche d’arrêt doit le synthétiser quand l’arrêt le fait apparaître, ce qui n’est pas le cas dans les arrêts de cassation. e. Question de droit posée à la Cour de cassation T out arrêt de la Cour de cassation répond à une ou plusieurs questions de droit, résultant d’une difficulté lors de l’application d’une règle de droit à une situation juridique donnée. Dans l’exemple précédent, la question posée est double : la personne qui a fortuitement trouvé un trésor dans un meuble appartenant à autrui peut-elle se prévaloir du droit de propriété de moitié sur ce trésor prévu à l’article 716, alinéa 1er, du Code civil, alors que ce texte ne vise que les trésors cachés dans les immeubles ? Dans l’affirmative, est-il de surcroît nécessaire que le meuble se trouve, au moment de la découverte du trésor, dans l’immeuble du propriétaire du meuble pour que l’article 716, alinéa 1er, trouve application ? C’est exclusivement sur ces deux questions que la Cour de cassation serait amenée à se prononcer si une telle affaire se présentait. f. Décision de la Cour de cassation Enfin, la fiche d’arrêt exposera la solution de l’arrêt à la (ou aux) question(s) posée(s), ainsi que la motivation de la Cour de cassation. 2. Idées forces L’analyse d’arrêt permet de dégager, à l’aide de la question de droit, les idées forces contenues dans l’arrêt et le contexte auquel elles font référence. Parce que toute décision de justice s’inscrit nécessairement dans un contexte juridique, son prononcé produit des effets au sein, soit de ce même contexte, soit à l’égard de contextes différents. Par conséquent, l’étudiant doit en premier lieu identifier les concepts juridiques auxquels la décision fait référence. En deuxième lieu, il convient d’insérer l’arrêt au sein de l’ordonnancement juridique afin de le confronter aux solutions juridiques déjà existantes. Lorsqu’il vous est demandé de réaliser une analyse comparée de plusieurs décisions, celles-ci doivent être confrontées les unes aux autres. En dernier lieu, il faut déterminer, s’il y a lieu, l’environnement économique et social dans lequel l’arrêt s’inscrit, et mesurer les conséquences de la décision sous cet aspect. Le licenciement ne produit pas seulement des effets au sein de l’entreprise. Exemple il résulte des articles L122-14-2 et 122-14-3 du Code du travail qu’un salarié ne peut faire l’objet d’un licenciement pour motif personnel que s’il existe une cause réelle et sérieuse de licenciement. Un salarié arrivait fréquemment à son lieu de travail avec quelques minutes de retard qu’il compensait par des départs tardifs. La Cour de cassation a jugé qu’un tel comportement n’était constitutif que de fautes légères et ne pouvait justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse1. Cette décision relève du droit du travail, plus particulièrement des causes de rupture du contrat de travail. Le licenciement pour motif personnel constitue l’une d’entre elles. La loi exige que cette cause soit réelle et sérieuse. Des retards répétés de quelques minutes d’un salarié pouvaient-ils à eux seuls justifier un licenciement pour motif personnel ? En répondant par la négative, la Cour de cassation a contribué à l’affinement du concept juridique de cause réelle et sérieuse. Dans notre exemple, confronter la décision aux solutions existantes n’est pas évident en raison de la fécondité de la jurisprudence en cette matière. Cependant, l’on mesure aisément l’intérêt d’une telle décision puisqu’elle permet de mieux cerner le concept de cause réelle et sérieuse. Des fautes légères ne sauraient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par conséquent, un tel licenciement est abusif et justifie le paiement de dommages-intérêts. Cet arrêt respecte les textes applicables et est conforme à la jurisprudence dominante. Même si ce type de décision s’inscrit dans un courant protecteur des droits du salarié, en aucun cas la personne licenciée, même uploads/S4/ methodes-d-exercices-juridiques-analyse-d-arret.pdf
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- Publié le Sep 11, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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