Commentaire d’Arrêt de rejet de la chambre commerciale de la Cour de Cassation

Commentaire d’Arrêt de rejet de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 5 décembre 2018 Introduction Le contrat d’entreprise est le contrat par lequel un entrepreneur s'engage à mettre son savoir-faire au service de l'autre partie, appelée maitre d'ouvrage. Ce contrat prévoit une rémunération en contrepartie de l'utilisation du savoir-faire. Le contrat d'entreprise fait l'objet d'une définition à l'article 1710 du Code civil car c’est un contrat de louage d’ouvrage. L’article 1710 du Code civil dispose que « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles » C’est l’obligation de réaliser une prestation, il s’agit d’une obligation de faire, qui peut être une prestation intellectuelle ou matérielle. Le contrat de vente prévu par l’article 1582 du Code civil qui dispose que « La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer » Selon l’article 1583 du Code civil: Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, même si la chose n’a pas encore été livrée ni le prix payé. Concernant les critères de qualification du contrat de vente, relevant de l’article 1582 du Code civil, il s’agit d’une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre s'oblige à payer le prix. Il est donc nécessaire de détenir: - Une chose, soit le droit qu’exerce le vendeur sur la chose, soit la chose vendue ne peut pas être un service sinon mandat ou contrat d’entreprise. - Un prix, car le contrat de vente est à titre onéreux. Sinon il s’agit de: • Une donation : supposant l’appauvrissement du donateur et l’enrichissement corrélatif du donataire. • L’apport en société : s’agissant d’un apport en nature dont le paiement n’est pas une somme d’argent • L’échange : étant un contrat translatif de propriété qui ne comporte pas de prix • La dation en paiement : consistant pour le créancier d’une obligation à accepter en lieu et place de la contrepartie initialement prévue, le paiement d’un autre objet • Un transfert de propriété car la vente est un contrat translatif de propriété, ou bien le contrat de bail, prêt ou de dépôt. Concernant les critères de qualification du contrat d’entreprise, relevant de l’article 1710 du Code civil, il suppose qu’une personne, appelée maître d’ouvrage ou donneur d’ordre, charge une autre personne, appelée entrepreneur, d’effectuer une prestation de service moyennant rémunération, en toute indépendance et sans représentation. L’obligation est ainsi celle de réaliser une prestation, il s’agit d’une obligation de faire, pouvant être une prestation intellectuelle ou prestation matérielle. Ce contrat d’entreprise se distingue de la vente, du bail, ou du dépôt car ils consistent à conserver la chose pour autrui et lui restituer à la fin du contrat. Mais se distingue également du mandat, étant l’accomplissement d’actes juridiques en représentation d’autrui. Or le contrat d’entreprise ne porte pas sur des actes juridiques, comme l’énonce la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu en date du 19 février 1968. De plus, dans ce type de contrat, l’entrepreneur est indépendant juridiquement, en contrepartie l’entrepreneur, est responsable de son travail « moyennant un prix ». C’est le critère de la rémunération. Pendant longtemps, le critère jurisprudentiel était quantitatif. Désormais, le critère est celui de la commande spécifique. Ainsi, si un bien est acquis étant en stock, il s’agit d’un contrat de vente. Cependant, si ce bien est fabriqué pour son chantier, la qualification du contrat d’entreprise sera retenue. En l’espèce, une société a commandé à une autre la fabrication et la fourniture d’un rotor. Ce dernier fut installé en 2007 et endommagé à la suite d’un accident survenu en 2008. La société qui avait commandé le rotor a alors assigné l’autre société en garantie des vices cachés. La Cour d'appel de Paris a accueilli sa demande le 19 juin 2017 en rendant un arrêt, dans lequel elle qualifie le contrat de contrat de vente faisant ressortir que le contrat portait sur des choses déterminées à l’avance et non sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d’ordre, et donc permet l’application de la garantie des vices cachées. L’autre société a alors formé un pourvoi en cassation. Le pourvoi fait grief à l’arrêt de la Cour d'appel de Paris de dire que le contrat conclu entre les parties est un contrat de vente alors que selon la société, il s’agit d’un contrat d’entreprise. Selon la société demanderesse, la Cour d’appel aurait violé l’article 1710 du code civil et privé sa décision de base légale au regard de l’article 1582 du même code. Est ainsi invoqué le fait: - D’une part le contrat d’entreprise est la convention prévoyant la réalisation d'un produit qui ne correspond pas à des caractéristiques déterminées à l'avance par le fabricant, mais est destiné à satisfaire les besoins particuliers exprimés par le client. Ici, le fait que le rotor ait été effectué au vu des plans et croquis fournis par la société M-Real et ait été précédé d'études destinées à définir les parties d'équipements à réaliser correspondent bien à un contrat d’entreprise. De plus, il a été nécessaire de prendre en compte des données liées au process et des impositions constructives dictées par la nécessité de s'inscrire dans un environnement existant et inchangé, le produit fini ne se trouvant pas sur catalogue permettant ainsi de déqualifier le contrat de contrat d’entreprise au vu de l’article 1710 du Code civil. - D’autre part lorsqu'ils portent sur un objet à fabriquer, le contrat de vente et le contrat d'entreprise se distinguent par la nature de l'objet du contrat, selon qu'il s'agisse d'un travail spécifique ou d'un travail standard. - Enfin, le contrat d'entreprise se caractérise par un travail spécifique de fabrication, répondant à une technique particulière, ou par un travail spécifique de conception, impliquant une connaissance particulière dans la façon de satisfaire les besoins du client, lesquels ne peuvent être atteints par une production en série normalisée. Ici la question est de savoir si Le contrat de fourniture de matières, dans lequel figure les consignes d’un client, doit-il être qualifié de contrat de vente ou de contrat d’entreprise? L’enjeu de la détermination est extrêmement important car de cette qualification va dépendre l’application ou non d’une garantie sur le produit. En effet, dans le contrat de vente, il est possible de faire jouer la garantie des vices cachées, ce qui constituerait un avantage pour la société qui a commandé le rotor. À l’inverse, il est préférable pour l’entreprise qui a fourni le rotor de faire valoir qu’il s’agissait d’un contrat d’entreprise car il n’existe pas une telle obligation de garantie dans un contrat d’entreprise. Dans le contrat d’entreprise, la garantie décennale jouera. C’est par la négative que répond la Cour de Cassation. La chambre commerciale rejette le pourvoi en considérant que c’est de bon droit que la Cour d'appel de Paris a qualifié ce contrat de contrat de vente et non de contrat d’entreprise. Elle considère que si le rotor était destiné à être intégré dans un ouvrage plus important, en l'espèce dans une turbine préexistante, et si la fabrication du rotor a été effectuée au vu de plans et croquis fournis par la société M-Real et précédée d'études destinées à définir les parties d'équipements à réaliser, la proposition de la société Thermodyn portait essentiellement sur la fourniture d'un bien. D’autre part, la juridiction affirme que les informations données par la société M-Real à la société Thermodyn ne constituaient, pour le rotor litigieux, que le minimum de renseignements indispensables à l'examen de la demande et qu'elles ne traduisaient pas des exigences spécifiques impliquant une fabrication particulière et propre à la société M-Real. Enfin, le prix fixé ne comprenait pas les prestations d'installation du rotor, assurées par une société tierce, et les parties étaient convenues d'un prix fixe avec référence aux conditions générales de vente, fabrication et montage dans les ateliers de la société Thermodyn. Par ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le contrat portait sur des choses déterminées à l'avance et non sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d'ordre, la cour d'appel, a pu en déduire que le contrat était un contrat de vente et non d’entreprise. Le moyen n'est donc pas fondé. Par conséquent, la garantie des vices cachées de l’article 1641 du Code civil est applicable puisqu’elle fait partie du régime du contrat de vente, contrat qui est qualifié comme tel dans cet arrêt. Cet arrêt nous permet de voir que le juge a un rôle extrêmement important dans la qualification du contrat en ce que non seulement il va contrôler cette qualification mais parce qu’il va en plus contribuer à la définition des éléments essentiels du contrat, il va préciser les éléments qui conduisent à la qualification du contrat. Cet arrêt n’est pas d’un uploads/S4/ commentaire-d-x27-arre-t-td2-pdf.pdf

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  • Publié le Aoû 05, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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