Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 SEANCE 6 : LE CONTENTIEU

Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 SEANCE 6 : LE CONTENTIEUX DES MARCHES PUBLICS Le recours par l’Administration au procédé contractuel est ancien et connaît actuellement un grand développement. Il est perçu comme une manière consensuelle d’administrer et d’améliorer les relations entre ou avec les personnes publiques : en effet, un contrat correspond à l’accord entre deux volontés destiné à produire des effets de droit. A cette fin, l’administration peut conclure : - des contrats de droit privé dont le régime sera celui du code civil1 et dont le contentieux sera confié au juge judiciaire ; - des contrats de droit public, soumis à des règles spécifiques principalement d’origine jurisprudentielle, et dont le contentieux appartient au juge administratif. Le caractère administratif d’un contrat peut lui être reconnu expressément par la loi2. Mais en l’absence de texte déterminant la nature d'un contrat, ou opérant une attribution de compétence au juge administratif, la qualification administrative nécessite la réunion de deux conditions cumulatives : - tout d’abord, le contrat doit être conclu par une personne publique directement ou indirectement (critère organique) ; - le contrat doit ensuite comporter des clauses exorbitantes du droit commun3, et/ou avoir un objet particulier4, et/ou être soumis à un « régime exorbitant du droit commun » (critère matériel). 1 Articles 1134 et suivants du code civil. 2 Pour les marchés publics, article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. 3 « la situation réciproque des cocontractants n’est pas de celle qui, normalement, serait résultée d’un accord conclu conformément au droit commun », TC, 19 juin 1952, Société des combustibles. 4 Exécution de travaux publics, occupation du domaine public, exécution du service public. 1 Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 S’agissant de l’exécution de ses contrats, l’administration dispose de prérogatives importantes qu’elle exerce unilatéralement – notamment un pouvoir de modification et de résiliation. En contrepartie, le cocontractant a droit à une sécurité financière : par exemple, la garantie de l’équilibre financier du contrat. Le développement du recours à la voie contractuelle a induit une augmentation des recours contentieux en cette matière. Les marchés publics, contrats administratifs par détermination de la loi, sont source de nombreux litiges pouvant naître aussi bien lors de leur passation que lors de leur exécution. Leur contentieux relève en principe de la pleine juridiction, alors que le contentieux de l’excès de pouvoir ne concerne que les actes administratifs unilatéraux. Cette distinction justifie l’application de règles procédurales distinctes : - si le recours tend à faire reconnaître un droit subjectif, c'est-à-dire une prérogative d’un sujet de droit qui ne résulte pas exclusivement de l’application d’un droit objectif, il s’agit d’un recours en plein contentieux5 ; - si le recours tend exclusivement à l’annulation d’un acte administratif unilatéral en raison de son illégalité, il s’agit d’un recours pour excès de pouvoir. Or, dans le cadre de la passation d’un contrat, il est possible de former un recours contre un acte unilatéral détachable de celui-ci. Dès lors, la généralisation du contrôle juridictionnel aboutit au dépassement de la dualité classique des contentieux, même si le recours en annulation d’un acte administratif reste une voie d’action dont la portée est limitée. Parallèlement, sous l’influence du droit communautaire un nouveau recours est apparu : le référé précontractuel6. Il s’agit d’un recours de pleine juridiction conférant au juge des pouvoirs étendus pour rétablir la légalité de la procédure de publicité et de mise en concurrence organisée pour la passation de certains contrats. 5 Recours en plein contentieux puisque le juge dispose d’une palette de pouvoir ne se réduisant pas à l’annulation. Dans la plupart des cas ce recours a pour objet la condamnation patrimoniale de la partie adverse. 6 Article L.551-1 du code de justice administrative. 2 Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 Chapitre 1 : Le contentieux précontractuel Le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence lors de la passation de certains contrats administratifs, notamment des marchés publics et des délégations de service public, suscite depuis longtemps de nombreux débats tant doctrinaux que jurisprudentiels. Jusqu’à une date récente, il était difficile pour le juge administratif de prévenir ou de remédier aux irrégularités commises lors de la passation de ces contrats. Dans un souci de concilier régularité juridique et efficacité économique, la procédure de référé précontractuel a été créée. Issue du droit communautaire, cette procédure constitue une réelle action préventive qui, du point de vue du législateur communautaire, avait pour but de contraindre les Etats membres à organiser des procédures spécifiques permettant de garantir l’application effective des directives de fonds gouvernant la passation des marchés publics. Deux directives communautaires dites « recours » ont été adoptées par le Conseil des communautés pour garantir l’ouverture à la concurrence et la transparence du processus de passation de certains contrats : - la directive n° 89-665 du 21 décembre 1989 concernant les secteurs dits « classiques » ; - la directive n° 92-13 du 25 février 1992 concernant les secteurs dits « exclus » (eau, énergie, transports et télécommunications). Ces directives ont été transposées en droit interne par les lois n° 92-10 et n° 93-1416 du 1er janvier 1992 et 29 décembre 1993, et ont été codifiées aux articles L.22 et L.23 de l’ancien code de tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. Il en est résulté la création d’un recours confiant à un juge unique, le soin de sanctionner des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. 3 Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 La réforme des procédures d’urgence consécutive à la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 et au décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000, a maintenu ce mécanisme tout en remédiant à certaines lacunes qui affectaient son efficacité. Cette réforme s’est attaquée à deux freins limitant les effets de la procédure de référé précontractuel7. Il est à noter qu’une directive 2007/66/CE du Parlement et du Conseil du 11 décembre 2007, est venue modifier les deux directives précédentes ; elle vise à renforcer l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics ; elle cherche aussi à améliorer les recours post-contractuels. Cette directive a été transposée par l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. En l’état, la procédure de référé précontractuel apparaît comme adaptée aux objectifs poursuivis, et l’étendue des pouvoir du juge, facilite largement sa mise en œuvre. Section 1 : Une procédure adaptée pour atteindre les objectifs poursuivis Le référé précontractuel se doit d’être rapide et efficace. Il est organisé par les articles L.551-1, L.551-2, et R.551-1 à R.551-4 du code de justice administrative. De nombreuses critiques ont été effectuées à l’encontre du dispositif originaire de cette procédure : - d’une part à l’encontre des conditions de saisine du juge, susceptibles de faire échec à l’efficacité du recours ; - d’autre part, à l’encontre de la détermination incertaine du champ d’application de ce référé. La loi du 30 juin 2000 a résolu certains problèmes - notamment la fameuse course à la signature. Malgré certaines carences, le référé précontractuel est l’instrument le plus efficace du contrôle juridictionnel en matière de passation des contrats administratifs. 7 Suppression de l’obligation de recours préalable ; possibilité d’enjoindre immédiatement à l’Administration de différer la signature du contrat litigieux. 4 Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 § 1 : L’ouverture de la procédure Dans la version initiale de la procédure, deux conditions cumulatives étaient nécessaires pour que le requérant forme valablement un référé précontractuel : - une demande préalable à l’administration de se conformer à ses obligations avant de saisir le juge ; - former un recours avant la conclusion du contrat. Cette combinaison posant problème, le législateur est intervenu. A- La demande préalable Aux termes de l'article R.241-21 de l’ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Toute personne habilitée à introduire un recours dans les conditions prévues par l'article L. 22 doit, si elle entend engager une telle action, demander préalablement à la personne morale tenue aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des contrats et marchés mentionnés audit article de s'y conformer. En cas de refus ou d'absence de réponse dans un délai de dix jours, l'auteur de la demande peut saisir le président du tribunal administratif ou son délégué, qui statue dans un délai de vingt jours ». En vertu de l'article R.241-22 du même code, ces dispositions étaient applicables en cas de saisine du juge par le préfet8. Le requérant devait donc enjoindre à l’auteur du manquement aux obligations de publicité ou de mise en concurrence, de se conformer à celles-ci. Cette disposition avait pour but de favoriser une négociation préalable, susceptible d’éviter le contentieux. La valeur de 8 CE, 22 juin 1998, Commune d’Amélie les Bains Palada. 5 Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Année 2010-2011 cette demande préalable était considérable : à défaut, l’entreprise évincée voyait sa requête frappée d’irrecevabilité9. Cette formalité était louée par certains uploads/S4/ reprise-cours-seance-6-yrg.pdf

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  • Publié le Apv 03, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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