Droit des Obligations Commentaire d’arrêt Dans un arrêt en date du 17 novembre
Droit des Obligations Commentaire d’arrêt Dans un arrêt en date du 17 novembre 2000, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière apporte une réponse quant à la possibilité pour un enfant handicapé d'engager une action en réparation. En l'espèce, une femme enceinte pense avoir contracté la rubéole. Elle consulte alors son médecin qui lui prescrit alors une recherche des anticorps. Suite à une faute du laboratoire d'analyse, le médecin annonce à tort à sa patiente qu'il n'y a aucun risque pour sa grossesse. Celle-ci avait, précédemment, envisagé que si elle était atteinte de la maladie, elle procèderait à une interruption volontaire de grossesse car la rubéole peut atteindre l'embryon et provoquer de graves séquelles. Les résultats n'indiquant aucun risque, la patiente décide de garder l'enfant. La patiente n'étant pas immunisée, son enfant naît gravement handicapé. Le couple décide donc de poursuivre en justice le médecin et le laboratoire pour faute et demande réparation de leur préjudice personnel ainsi que de celui de leur fils, né handicapé. La question qui se pose à la Cour de Cassation est de savoir si un enfant né handicapé peut se prévaloir d'une faute d'un médecin et d'un laboratoire afin d'obtenir réparation de ce préjudice. Nous étudierons dans une première partie en quoi cet arrêt est controversé (I) et quelles en sont les conséquences (II). I. UNE DÉCISION CONTROVERSÉE L’arrêt du 17 novembre 2000 constate une faute et un préjudice mais est critiquable quant à la teneur du lien de causalité. A. La réalité d’une faute et d’un préjudice. L'article R. 4127-33 du Code de la santé publique dispose que le médecin doit « élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. » Nous voyons donc, à la lumière de cet article, que le 1 médecin est tenu d'une obligation de moyens dans l'établissement du diagnostic, c'est-à- dire qu'il doit mettre en oeuvre sa science médicale, et recourir à l'avis d'autres médecins en cas de doute. En l'espèce, tel n'a pas été le cas. Le médecin a affirmé à Mme X qu'elle n'était pas malade, il a donc manqué à son obligation. Dès lors, la faute est parfaitement établie. La Cour de cassation reconnaît que l'enfant né handicapé souffre bien un préjudice. Quelle est sa nature? Certains auteurs ont soutenu que cet arrêt consacrait le droit de ne pas naître, ou de ne pas naître handicapé. Il nous semble devoir écarter cette lecture, qui reviendrait à considérer que si l'enfant a le droit de ne pas être conçu, il faudrait établir une liste de ceux qui ont le droit de faire des enfants. De même, ce « droit de ne pas naître » se heurte à un problème majeur: comment octroyer un droit à un enfant qui n'est pas encore né, donc qui n'a pas encore acquis la personnalité juridique? D'autres auteurs ont déduit de cet arrêt que la Cour de cassation reconnaissait un « préjudice d'être né ». Or, à aucun moment la Cour n'affirme que l'enfant est un préjudice – fort heureusement. Cette position est d'ailleurs conforme à une jurisprudence bien établie. Par exemple, dans un arrêt de la Première Chambre civile du 25 juin 1991, la Cour de cassation affirme que la naissance d'enfant ne peut constituer pour sa mère un préjudice réparable, même si la naissance est survenue après une intervention pratiquée sans succès en vue de l'interruption de la grossesse. De même, la Cour a constaté l'absence de préjudice pour un homme dont la paternité a été judiciairement établie, et qui a été condamné au paiement d'une pension alimentaire. Au sens strict, la Cour affirme que l'enfant né handicapé, à cause d'une faute médicale, a le droit de demander réparation. La difficulté est justement le lien de causalité, qui apparaît comme indirect. B. La causalité indirecte mais certaine En l'espèce, le handicap n'est pas lié à une faute du médecin ou du laboratoire, mais à une maladie. Le médecin a, certes, commis une erreur en interprétant mal les analyses, mais la faute n'est pas la cause directe du handicap. Il y a bien un préjudice, il y a bien une faute, mais pas de causalité directe. Cet arrêt semble donc retenir qu'une faute ayant un lien de causalité indirecte avec le dommage est susceptible d'engager la responsabilité du médecin. En revanche, il est indiscutable que si le médecin avait informé Mme X de la maladie, celle-ci aurait procédé à une interruption volontaire de grossesse. L'enfant ne serait donc pas né handicapé. En ce sens, la causalité est certaine. Dès lors, cet arrêt semble exiger un lien de causalité, direct ou indirect, mais certain. Cette solution était donc favorable aux victimes, en ce qu'elle consacrait le préjudice d'être né handicapé et assouplissait l'exigence de causalité. 2 II. LES CONSÉQUENCES DE CET ARRÊT La jurisprudence opéra un revirement, en revenant à une conception traditionnelle de la causalité. Parallèlement, le législateur édicta une loi partiellement hors sujet. A.Le retour à la conception traditionnelle de la causalité directe Par trois arrêts du 13 juillet 2001, l'Assemblée plénière se prononça à nouveau sur la responsabilité médicale. Consciente d'avoir distendu l'exigence de causalité, la Cour revient à une conception classique en affirmant que : « l'enfant né handicapé peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap si ce dernier est en relation de causalité directe avec les fautes commises par le médecin dans l'exécution du contrat formé avec sa mère et qui ont empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse » Le lien de causalité doit donc être direct. La certitude n'est plus un critère. B.Une loi partiellement hors sujet Une loi du 4 mars 2002 relative aux droits de malades et à la qualité du système de santé, dite « anti-Perruche », s'intéresse à cet arrêt en son article 1er. Cette disposition a été codifiée à l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles par une loi du 14 février 2005. L'article L. 114-5, al. 1 du Code de l'action sociale et des familles dispose que: « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ». Or, nous avons vu que la Cour ne consacrait nullement un préjudice d'être né. Cette disposition est donc hors de propos. En revanche, l'alinéa 2 de l'article L. 114-5 dispose que: « La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. » L'alinéa 2 apparaît, au contraire de l'alinéa 1, au coeur du problème. Le législateur affirme désormais que le lien entre l'acte fautif et le handicap doit être direct. En somme, la loi « anti-Perruche » consacre la position adoptée par la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 juillet 2001. Dès lors, l'article L. 114-5 écarte l'indemnisation des fautes qui ont pour effet de ne pas permettre aux parents d'éviter la conception d'un enfant handicapé. 3 Ainsi, dans un arrêt du 9 mars 2004, la Première Chambre civile rejette l'action d'une femme ayant eu un enfant handicapé suite à une infection rubéolique. La Cour confirme qu'à défaut de lien direct entre la faute du médecin et le handicap, la demande d'indemnisation ne peut qu'être rejetée. Cette solution, si elle est conforme au droit positif et aux principes de la responsabilité médicale, se montre sévère pour les parents qui n'ont pu prendre une décision en connaissance de cause, et pour l'enfant né handicapé à cause d'une faute médicale indirecte. 4 uploads/S4/ commentaire-d-x27-arret-quot-perruche-quot-seance-2-pdf.pdf
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- Publié le Sep 02, 2021
- Catégorie Law / Droit
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