Commentaire d’arrêt : Cass, Soc. 11 avril 2002 n°11-17.097 - Phrase d’accroche

Commentaire d’arrêt : Cass, Soc. 11 avril 2002 n°11-17.097 - Phrase d’accroche La décision commentée concerne un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 11 avril 2002, publié au bulletin. Les faits sont les suivants : M.X et M.Y, engagés par la société Avient Ltd - l’un en janvier 2005, l’autre en août 2004 - en qualité de commandant de bord instructeur, se sont fait tous deux licenciés fin d’année 2006. Ils saisissent alors la juridiction prud’homale le 12 juillet 2017 aux fins de contester la cause réelle et sérieuse de leur licenciement. La société Ltd va alors soulevée l’incompétence de la juridiction française ainsi que l’application de la loi française pour ces litiges. Un appel est interjeté et sera recueilli par la Cour d’appel de Reims qui, dans un arrêt en date du 3 février 2010 déclare la loi française applicable aux litiges. La société Avient Ltd forme donc un pourvoi en cassation. Trois moyens seront développés au pourvoi, cependant un seul est reproduit, celui relatif à l’application de la loi française. Ainsi, selon la société, en déclarant la loi française applicable, la cour d’appel aurais commis une violation de l’article 6 de la Convention de Rome, des articles 19 et 60 du Règlement Bruxelles I et de l’article R.330-2-1 du code de l’aviation civile, ainsi qu’un défaut de base légale. La question posée à la Cour de cassation est la suivante : quel est le lieu d’exécution habituel d’un travailleur dont l’obligation d’effectuer ses activités se s’exerce dans différents Etats contractants ? La Cour de cassation répond premièrement que les articles 19 et 60 du Règlement Bruxelles I sont inopérants à déterminer la loi applicable au litige, puisqu’il détermine seulement la compétence juridictionnelle. Ensuite, elle applique la jurisprudence Koelzsch de la CJUE du 15 mars 2011, en estimant que le critère du lieu d’exécution habituel du travail figurant à l’article 6§2 sous a) de la Convention de Rome, doit s’interpréter de manière large eu égard de l’objectif poursuivi par ladite convention. Par conséquent, il a vocation à s’appliquer malgré l’exécution, par le travailleur, de ses activités dans plusieurs états contractants, si la juridiction saisie est capable de déterminer celui avec lequel « le travail présente un rattachement significatif » (l.29). Aussi, relevant que les salariés en question avait le centre effectif de leur activité professionnelle à l’aéroport de Vatry (France) eu égard de différents indices, notamment celui du lieu où ils commençaient et terminaient leurs prestations de travail, elle estime que la cour d’appel a jugé à bon droit que la loi applicable aux litiges était bien la loi française. En conséquence, elle rejette le pourvoi. Il convient ainsi, d’étudier dans un premier temps, l’application de l’article 6 de la Convention de Rome à la lumière de la jurisprudence Koelzsch (I), puis dans un second temps, de relever qu’il s’agit d’une décision largement inspirée des solutions en matière de compétence judiciaire relatives au contrat de travail international (II). I. L ’application de l’article 6 de la Convention de Rome à la lumière de la jurisprudence Koelzsch : le choix du lieu d’exécution habituel du travail Il est donc nécessaire, avant de relever la confirmation faite par la Cour de cassation de la subsidiarité du critère de l’établissement du lieu d’embauche (B), de constater du choix opérée par cette dernière de retenir une interprétation large du lieu d’exécution de travail (A). A. L ’interprétation large du critère du lieu d’exécution du travail habituel Conformément à l’article 6§2 de la Convention de Rome, en l’absence de choix de loi convenu entre les parties, la loi applicable aux litiges pour les contrats de travail internationaux sont en premier lieu, le lieu où le travailleur « accomplit habituellement son travail » (l. 21-22), ou à défaut, le lieu de « l’établissement qui a embauché le travailleur » (l.23). En l’espèce, il s’agissant de personnels navigants, plus précisément de commandant de bord instructeur, qui du fait de leur activité professionnelle, était amené à exécuter leur prestation de travail sur différents Etats contractants. Aussi, c’est cet argument que semble avancer la société pour écarter ce critère au profit de celui de l’établissement d’embauche. La Cour de cassation se fonde alors sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 15 mars 2011, dite affaire Koelzsch, pour énoncer que le critère du lieu d’exécution habituel du travail « doit être interprété de façon large » (l.22- 23). Il peut par conséquent, s’appliquer lorsque le travailleur exécute sa prestation de travail sur différents Etats contractants, s’il est « possible, pour la juridiction saisie, de déterminer l’état avec lequel le travail présente un rattachement significatif » (l.28-29). Il y a bien une interprétation élargie du critère qui, au départ, visait à régir la situation des travailleurs exécutant un travail habituel dans un même pays, pour l’appliquer à des travailleurs mobiles. Dans cette décision du 11 avril 2012, la Cour de cassation n’a pas manqué l’occasion de confirmer sa jurisprudence concernant la détermination de la loi applicable aux travailleurs mobiles. En effet, elle s’était déjà prononcée en ce sens, pour des travailleurs exerçant le métier de chauffeur- routier et de marins. Elle ne fait donc que confirmer cette solution cette fois- ci, pour les personnels navigants. Mais la Cour de cassation ne se contente pas d’énoncer le critère retenu pour déterminer la loi applicable. Elle expose également sa méthode qui lui a permis de retenir ce critère, à savoir la technique du faisceau d’indice pour déterminer le « centre effectif de leur activité professionnelle » (l. 31). Elle relève ainsi, qu’il s’agissait de l’aéroport de Vatry, car c’était le lieu à partir duquel « les salariés commençaient et terminaient toutes leurs prestations de travail et où ils assuraient les tâches administratives et les jours d’astreinte » (l. 32-33). Elle se base donc sur des critères objectifs, qui relèvent de l’organisation de leur activité professionnelle pour désigner l’aéroport de Vatry comme centre effectif de l’activité professionnelle des salariés. Aussi, il est donc opportun de préciser que ce choix pour le critère du lieu d’exécution habituel de travail se fait … B. La confirmation de la subsidiarité du critère de l’établissement d’embauche Comme il a été évoqué, précédemment le critère de l’établissement d’embauche se retient à défaut, lorsque le « juge saisi n’est pas en mesure de déterminer le pays d’accomplissement habituel du travail » (l. 24-25). L’article 6§2 de la Convention de Rome procède donc à une hiérarchisation de ces critères, faisant du lieu d’embauche un critère subsidiaire. Cependant, les faits de l’espèce pouvaient laisser à penser que celui-ci pouvait être retenu, puisque l’activité des salariés les conduisait à exercer leur travail « dans différents pays du globe » (l. 34), que leurs plannings de vols « étaient établis en Grande-Bretagne où était aussi situé le lieu d’entraînement sur simulateur » (l.36-37), et que les contrats de ces derniers avaient été conclus près de Gatwick, en Grande-Bretagne. Ces éléments assez probants sont écartés au profit d’une interprétation large du premier critère, comme il a été démontré précédemment. Ce critère subsidiaire, par cette décision, tend ici à se marginaliser, car le raisonnement suivi par les juges de cassation va laisser peu de place à l’élection de ce dernier. Cela peut s’expliquer notamment par la faiblesse juridique de ce rattachement. En effet, il s’agit s’interprète seulement comme le lieu où se sont échangés les consentements, indépendamment de considérations de conditions d’exécution du travail. Il paraît alors compréhensible que cette jurisprudence laisse une place moindre à un tel rattachement, puisqu’il n’est représentatif de la relation de travail. T ransition… II. Une décision largement inspirée des solutions en matière de compétence judiciaire relatives au contrat de travail international Il est donc judicieux de relever d’abord, qu’il y a coïncidence du lieu d’exécution habituel du travail pour les compétences judiciaires et législatives (A), puis d’expliciter que cette coïncidence de solutions répond à des fins de protection de la partie faible qu’est le travailleur (B). A. Coïncidence des compétences judiciaires et législatives vis- à-vis du lieu d’exécution habituel du travail Bien que les juges de cassation aient écarté l’application des articles 19 et 60 du Règlement Bruxelles I, relatif à la compétence judiciaire, il n’en advient pas moins qu’ils admettent une certaine similarité entre ces deux compétences concernant les notions autonomes. Ici, il s’agissait de la notion de lieu d’exécution habituel du travail. En effet, la jurisprudence Koelzsch, auquel se réfère expressément la Cour de cassation, énonce dans son considérant 33, que l’interprétation du lieu d’exécution habituel de travail pour la compétence législative « ne doit pas faire abstraction aux critères prévus à l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles lorsqu’ils fixent les règles de détermination de la compétence juridictionnelle pour les mêmes matières et édictent des notions similaires ». Par là, il est pertinent de relever que la Cour de cassation retient une interprétation unique du lieu d’exécution habituel du travail, tant retenu par l’article 6 de la Convention de Rome uploads/S4/ commentaire-d-x27-arret-seance-6-dip2.pdf

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  • Publié le Jul 26, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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