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Page 1 M. Eric avec la complicité de vos délégués Latif-Germain Commentaire de l’arrêt Maison de Poésie II Le droit réel conférant à son titulaire une jouissance spéciale et effective sur son bien peut être caractérisé par une immortalité dans le temps s’il a été prévu exceptionnellement par les parties, l’arrêt soumis à notre étude en est une illustration, il a été rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 08 septembre 2016. En l’espèce, en 1932, par acte notarié, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques avait acquis de la Fondation Maison de Poésie un ensemble immobilier. L’acte précisait que la Fondation se réservait un droit de jouissance ou d’occupation pour toute la durée de son existence. En raison de l’essor de ses activités, la Société, propriétaire de l’immeuble grevé avait ensuite choisit d’occuper l’intégralité de l’immeuble et en conséquence proposé à la fondation des moyens de relogement que cette dernière avait refusés, un litige nait. Le litige a été connu d’un Tribunal, de la Cour d’Appel de Paris en date du 18 septembre 2014, saisi sur renvoi après cassation, et de la troisième chambre civile de la Cour de cassation qui a rendu sa décision le 08 septembre 2016. Devant les juges du fond, la SACD demande l’expulsion de la Fondation des locaux en soutenant que le droit de jouissance et d’occupation à lui concédé n’est point perpétuel. La Fondation s’y oppose arguant qu’elle est titulaire d’un droit réel lui conférant la jouissance spéciale des locaux pendant toute la durée de son existence tel que prévue par l’acte de vente des 07 Avril et 3O Juin 1932. Saisie du litige, la Cour d’Appel de renvoi de Paris a débouté la SACD de sa demande au motif que la Fondation est titulaire d’un droit réel lui conférant la jouissance spéciale des locaux pendant toute son existence. Insatisfait, la SACD se pourvoit en cassation, elle estime que la durée du droit réel de jouissance spéciale, qui ne peut être perpétuelle, doit avoir été stipulée par les parties dans la limite de trente ans prévue par les articles 619 et 625 du Code civil s’agissant d’un droit conféré à une personne morale. Ainsi, la question de droit qui se pose est de savoir si le droit de jouissance spéciale créée par convention est-il revêtu d’un caractère perpétuel. La Cour de cassation, allant dans le même sens que la Cour d’appel, retient que le droit réel conférant la jouissance spéciale des locaux concédé à une Fondation pendant toute la durée de son existence, distinct du droit d’usage et d’habitation régi par le Code civil, n’est soumis à aucune disposition légale le limitant à une durée de trente ans. Elle rejette ainsi le pourvoi formé par la SACD. L’arrêt soumis à notre réflexion a le mérite de rappeler qu’en dehors des droits réels nommés, les parties peuvent par convention en créer d’autres. Page 2 M. Eric avec la complicité de vos délégués Latif-Germain En consacrant ainsi la liberté pour un propriétaire de conférer un droit réel de jouissance spéciale sur son bien (I) la cour de cassation a toutefois montré des limites temporelles (II). I) La liberté de créer un droit réel de jouissance spéciale Il convient de ressortir la nature sui generis du droit réel de jouissance spéciale, en l’occurrence le poids de la volonté des parties (A) ainsi que son origine qui reste purement prétorienne (B) A) Un droit réel découlant de la libre volonté des parties. ● L’autonomie de la volonté, fondement du droit des contrats est un principe de notre droit selon lequel la volonté est seule créatrice des droits et obligations. ● La cour de cassation s’appuie ainsi sur l’article 1134 illustrant l’autonomie de la volonté et l’article 544 relatif à la définition du droit de propriété afin de fonder légalement sa décision tout comme elle l’avait fait dans la décision du 31 octobre 2012, Maison de poésie I qui a engendré la notion. ● Il en découle que la création du droit réel de jouissance spécial résulte de la combinaison du droit de propriété et de l’autonomie de la volonté. ● L’arrêt retient en l’espèce que les parties avaient entendu institué un droit réel distinct du droit d’usage et d’habitation régi par le code civil, ce qui ressort la force de l’autonomie de la volonté qui crée des obligations auxquelles ils seront soumis. B) Un droit réel d’origine purement prétorienne ● La consécration de la liberté pour un propriétaire de conférer sur son bien un droit réel est le propre de la jurisprudence. ● Les droits réels légaux nommés (usufruit, droit d’habitation et d’usage etc.) trouvent une certaine concurrence. ● L’acceptation prétorienne de la liberté de consentir un droit réel met fin à la théorie du numerus clausus (règle qui limite un nombre exact par rapport à une situation donnée) des droits réels puisque celle-ci vient s’immiscer. ● Hugues Périnet-Marquet « le droit réel de jouissance spéciale évolue à un rythme jurisprudentiel » II) La Limitation de la durée du droit réel de jouissance spécial Le droit réel de jouissance spécial n’est pas perpétuel (A) il n’est pas non plus limité à une durée de trente ans (B) tel est la limitation de la durée du droit réel de jouissance spéciale. Page 3 M. Eric avec la complicité de vos délégués Latif-Germain A) Le rejet du caractère perpétuel de la durée du droit réel de jouissance spécial ● La création d’un droit réel a pour effet de grever la chose objet d’un droit de propriété, raison pour laquelle il paraissait nécessaire de limiter dans le temps le droit réel de jouissance spécial. ● A fortiori, la Cour de cassation prohibe la perpétuité du droit réel de jouissance spécial à défaut de stipulation des parties. ● En l’espèce, la Cour de cassation refuse la perpétuité du droit réel de jouissance spécial mais admet l’existence pour la durée de la Fondation, or la durée de vie d’une Fondation s’étend jusqu'à 99 ans un délai qui peut être prorogé si éventuellement les activités continuent. Si tel est le cas ne va- t- on pas assister à une perpétuité du droit réel de jouissance spéciale ? Autrement dit, dès lors que le droit de la Fondation lui avait été consenti pour le temps de son existence, il avait une durée étrangement considérée comme indéfinie mais non perpétuelle. ● Le revirement à cette décision n’a pas attendu. La troisième chambre civile de la Cour de cassation statuant en date du 07 juin 2018 retient « qu’est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot ». B) Le rejet de la limitation trentenaire ● Faute de base légale l’extinction du droit réel de jouissance spéciale après une durée de trente ans a été rejetée. ● « Le droit réel de jouissance spécial est distinct du droit d’habitation et aucune disposition légale ne limite sa durée à 30 ans » disait Jean Louis BERGEL. ● La thèse du pourvoi selon laquelle selon laquelle la durée de ce droit réel doit être limitée à trente ans s’appuyait sur la décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2015 selon laquelle « faute d’être limité dans le temps par la volonté des parties par la volonté des parties, un droit réel de jouissance spéciale, qui ne peut être perpétuel est soumis au délai extinctif des articles 619 et 625 du Code civil » ; thèse rejetée par la Cour de cassation en l’espèce. ● La cour de Cassation par cette décision en l’espèce vient tacler les dispositions de l’Avant- projet de réforme du droit des biens de l’Association Henri Capitant en l’occurrence l’article 611 qui dispose que « le droit réel de jouissance spécial s’éteint par l’expiration du temps pour lequel il a été consenti, lequel ne peut excéder trente ans ». ● Jean Louis BERGEL, « une propriétaire peut consentir un droit réel de jouissance spéciale de son bien pour plus de trente ans ». uploads/S4/ commentaires-de-l-x27-arret-de-poesie.pdf

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  • Publié le Jul 04, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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