RFDA RFDA 2020 p.157 Droit de l'Union européenne et droit administratif françai
RFDA RFDA 2020 p.157 Droit de l'Union européenne et droit administratif français 1er juillet 2019 - 31 décembre 2019 Aude Bouveresse, Professeur à l'Université de Strasbourg Francesco Martucci, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) Coralie Mayeur-Carpentier, Maître de conférences à l'Université de Franche-Comté, Centre de recherches juridiques L'État - Les institutions publiques Par Coralie Mayeur Carpentier Au regard des contraintes imposées par l'Union européenne sur ses États membres, la deuxième période de l'année 2019 s'ouvre par une première application du mécanisme de sanction pécuniaire dès le premier arrêt de manquement concernant l'obligation de transposition d'une directive, en application de l'article 260, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ce cas ne concerne pas directement la France. Celle-ci a en revanche été condamnée pour ne pas avoir respecté ses obligations en matière de lutte contre la pollution de l'air. Du point de vue des institutions publiques étatiques, plusieurs arrêts en matière de protection de l'environnement et relatifs aux données personnelles encadrent le pouvoir des autorités. Les sanctions prononcées à l'encontre de l'État défaillant Sanction pécuniaire et défaillance de l'État en matière de transposition des directives CJUE, 8 juill. 2019, aff. C-543/17, Commission c/ Royaume de Belgique Mots-clés : sanction pécuniaire et manquement, article 260, alinéa 3 TFUE, première application Les sanctions pécuniaires prononcées par la Cour de justice en cas de manquement d'un État membre à l'une de ses obligations peuvent être très élevées. La condamnation de la France à une somme de vingt millions d'euros dans l'affaire des poissons sous taille (1) est encore souvent dans les esprits à ce sujet. Il y a quinze ans, cette condamnation avait été prononcée après un premier arrêt de manquement, dont l'inexécution par la France avait conduit à une telle sanction, associée à une astreinte d'un montant lui aussi extrêmement élevé. Dans l'objectif de garantir l'effectivité du droit de l'Union, le Traité de Lisbonne a inséré un mécanisme destiné à la Commission en lui permettant d'associer une demande de sanction pécuniaire à son recours en manquement aux obligations de transposition d'une directive (art. 260, al. 3, TFUE). Cette consolidation financière du manquement en cas de non-communication des mesures de transposition d'une directive n'avait encore jamais été appliquée. La Cour de justice y procède pour la première fois dans son arrêt du 8 juillet dernier (2) rendu en grande chambre. Autant l'application pour la première fois d'une astreinte en même temps que le prononcé du manquement (3) surprend, autant les sommes en cause sont finalement peu élevées. L'astreinte de plus de 54 000 € par jour de retard dans la communication des mesures de transposition après le prononcé du manquement est ramenée par la Cour à 6 071 € par jour de retard. La Belgique ne peut cependant pas être surprise car la Commission l'a saisie dès le mois de mars 2016. La Cour de justice répond dans cet arrêt aux interrogations relatives aux conditions de mise en oeuvre de l'article 260, paragraphe 3, du Traité (4). Ce dernier s'applique lorsque les mesures de transposition n'ont pas été transmises à la Commission ou lorsqu'elles sont incomplètes. C'est pourquoi l'argument de la Belgique selon lequel certaines mesures ont été communiquées est écarté et ne fait pas obstacle à l'application du mécanisme. Le contexte particulier en Belgique explique probablement cette absence de transposition et a fortiori l'absence de communication des mesures de transposition. La fermeté de la Commission et de la Cour de justice s'explique peut- être pour cette raison également. La transposition en cause imposait en effet de réaliser des travaux importants afin d'offrir des communications à haut débit. La région la plus concernée étant celle de Bruxelles-Capitale, les autorités compétentes se sont renvoyées la charge de la transposition. La Cour de justice sanctionne alors indirectement l'impossible répartition de la compétence locale et fédérale. L'arrêt de la Cour de justice souligne ainsi de manière classique que l'organisation interne et constitutionnelle de l'État n'a pas à être prise en compte par les institutions de l'Union européenne. Elle rappelle la rigueur de l'exigence de transposition des directives au-delà des difficultés constitutionnelles. Condamnation de la France pour non-respect de ses obligations CJUE, 24 oct. 2019, aff. C-636/18, Commission c/ France Mots-clés : manquement, procédure habituelle, exigences en matière de protection de l'environnement Dans le cadre d'une procédure de manquement, la Cour de justice a condamné la France pour ne pas avoir respecté la valeur limite annuelle de dioxyde d'azote depuis 2010 dans certaines zones et agglomérations. De plus, la France n'a pas fait le nécessaire pour que les périodes de dépassement soient les plus courtes possibles alors que cette exigence était également inscrite dans les différentes directives concernées. Le 19 juin 2015, la Commission adressait une lettre de mise en demeure à la France. Elle y a répondu en octobre 2015 et en octobre 2016 en présentant ses rapports annuels d'application. La procédure s'est alors poursuivie par la notification, le 16 février 2017, d'un avis motivé confirmant le manquement. Les échanges de lettres et plusieurs réunions jusqu'au début de l'année 2018 confirment l'interprétation de la Commission. La Cour écarte en particulier les difficultés structurelles (5) avancées par la France pour se justifier, et prononce le manquement. L'arrêt rendu sans conclusions en chambre, ne présente aucune difficulté particulière ou application nouvelle. Il est cependant intéressant pour la période concernée car il est prononcé quelques mois après l'affaire sanctionnant immédiatement la Belgique d'une astreinte. Il conduit en effet à s'interroger sur l'efficacité du manquement dans le cadre de la procédure classique. La menace d'une sanction pécuniaire qui suivra ce premier arrêt est celle qui rend véritablement efficace cette procédure du point de vue de l'effectivité du droit de l'Union. En matière de droit de l'environnement, la question pourrait se poser d'une sanction spécifique. D'ailleurs, du point de vue du droit national, au sujet de l'application insuffisante d'une directive, dans une autre affaire concernant le domaine de la pollution de l'air, le juge de l'Union avait rappelé avant l'été (6) au juge interne, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel ; que la juridiction nationale devait utiliser le pouvoir d'injonction à l'encontre de l'État pour qu'il fasse application des règles inscrites dans la directive (7). L'injonction en droit interne et les sanctions financières garantissent en effet un meilleur respect des obligations environnementales. Les individus contribuent ainsi eux aussi à l'effectivité du droit de l'Union dans ce domaine. Les mesures qui seront édictées par la juridiction nationale pour faire application de l'arrêt rendu sur renvoi préjudiciel conduiront parfois avec plus d'efficacité à exécuter les règles imposées par les directives. Une affaire rendue à la fin de l'année 2019 en donne un autre exemple (8). La Cour de justice a été saisie d'un renvoi en interprétation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux afin de savoir si la contrainte par corps des autorités compétentes était envisageable. La Cour de justice affirme que « le droit de l'Union, notamment l'article 47, premier alinéa, de la Charte, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances caractérisées par un refus persistant d'une autorité nationale de se conformer à une décision de justice lui enjoignant d'exécuter une obligation claire, précise et inconditionnelle découlant dudit droit, notamment de la directive 2008/50, il incombe à la juridiction nationale compétente de prononcer une contrainte par corps contre des titulaires d'une fonction relevant de l'exercice de l'autorité publique lorsque, dans les dispositions du droit interne, il existe une base légale pour l'adoption d'une telle contrainte qui soit suffisamment accessible, précise et prévisible dans son application et pour autant que la limitation qui serait apportée au droit à la liberté, garanti par l'article 6 de la Charte, du fait d'un tel prononcé respecte les autres conditions posées à cet égard à l'article 52, paragraphe 1, de la Charte. En revanche, en l'absence d'une telle base légale dans le droit interne, le droit de l'Union n'habilite pas cette juridiction à avoir recours à une telle mesure » (9). Ces différentes affaires montrent que l'effectivité du droit de l'Union européenne est conditionnée par les mécanismes de droit interne et les mesures procédurales mises en oeuvre par les juridictions ; ces dernières garantissent ainsi l'application du droit de l'Union plus que les autorités administratives compétentes. La procédure de manquement paraît ainsi bien insuffisante pour offrir une véritable garantie d'effectivité du droit. Obligations environnementales et interrogations de la France en matière de taxation des produits énergétiques Interrogations du Conseil d'État français au sujet des taxations de produits énergétiques CJUE, 16 oct. 2019, aff. C-270/18, UPM France c/ Premier ministre et ministre de l'action et des comptes publics Mots-clés : taxation de l'électricité et du gaz, conditions d'exonération, petits producteurs d'électricité, conformité des règles nationales En matière de taxation des produits énergétiques, l'électricité, le gaz et le charbon font l'objet d'une taxation harmonisée dans l'Union européenne sur le fondement notamment d'une directive adoptée en octobre 2003 (10). Celle-ci prévoit une fixation communautaire des niveaux minima de taxation, ce qui ne fait pas obstacle à l'introduction ou au maintien de différents uploads/S4/ aude-bouveresse-droit-de-l-x27-union-europeenne-et-droit-administratif-francais.pdf
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- Publié le Mai 25, 2021
- Catégorie Law / Droit
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