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HAL Id: hal-01505278 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01505278 Submitted on 17 Apr 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’art a-t-il tous les droits ? Richard Conte To cite this version: Richard Conte. L’art a-t-il tous les droits ?. Maryse Deguergue. L’art et le droit. Ecrits en hommage à Pierre-Laurent Frier, Publications de la Sorbonne, 2010. ￿hal-01505278￿ De Republica - 8 Université P aris 1 P anthéon-Sorbonne LIBER AMICORUM L'ART ET LE DROIT Écrits en hommage à Pierre-Laurent Frier Sous la direction de Maryse Deguergue Conseil scientifique: Jean-J acques Bienvenu, Maryse Deguergue, P ascale Gonod, Y ves J egouzo, É tienne Picard, L aurent Richer Ouvrage publié avec le concours du Conseil scientifique de l'université Paris 1 et du Centre d'études et de recherches sur l'administration publique (CERAP) Publications de la Sorbonne 2010 Couverture: Bigre! Cl Publications de la Sorbonne, 2010 212, rue Saint-Jacques, 75005 Paris www.univ-parisl.fr - publisor@ univ-paris1.fr ISBN: 978-2-85944-632-1 I$SN: 1623-0450 Les opinions exprimées dans cet ouvrage n'engagent que leurs auteurs. « Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle de la présente publicat ion, faite par quelque procédé que ce soit (repro- graphie, microfilmage, scannérisation, numérisation ... ) sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnee par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Il est rappelé égaIe- ment que l'usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l'équilibre économique des circuits du livre. » L'ART A-T-IL TOUS LES DROITS? Richard Conte' Ainsi formulée, la question risque de surprendre car elle pourrait sous· entendre une approbation tacite des atteintes ou entraves1 à la liberté d'ex· pression et d'exposition dont les artistes sont victimes. En fait. elle émane simplement d'une inquiétude : depuis quelques années, de jeunes étudiants en art, à l'instar de leurs aînés, mais avec moins de théâtralité et une insou- ciance déconcertante, prennent des risques considérables avec leur propre corps, avec les institutions et avec les lois de leur pays, aussi bien dans les universités que dans les écoles d'art, ici et ailleurs. la représentation avec plus ou moins de distance de scènes violentes ou pornographiques, sous forme de peintures, de photos ou de films, existe depuis des lustres, Les risques pris dans les années 1960-1970 étaient direc- tement politiques et l'engagement du corps se faisait moins dans les ateliers que dans les manifestations, Bien sûr, un artiste de l'envergure de Michel Journiac2, par exemple, suscitait des vocations et si lui-même, dans ses Actions, a pu marquer son propre corps et transgresser l'ordre symbolique, il ritualisait toujours fortement la limite entre « l'acte pour l'art» et tout le reste, Non, ce qui se passe depuis quelque temps est d'une autre nature, Le mieux est de prendre des exemples et je les prendrai là où la sensibilité à l'air • Professeur d'arts plastiques à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l , Comme le suggère Agnès Tricolre, avocate dans plusieurs affaires liées à l'art contemporain et qui participera à la table ronde, on laissera de cOté le mOI censure, qu'il ne faut pas galvauder et qui doit êlre réservé en priorité.ll des cas précis d1nterdictlon le plus souvent politique, 2, Pour ne citer que lui, pulsqu11 a été l'un des animateurs du CERAP (Centre d'études et de recherches en arts plastiques). L'arr elle drolr tC/irs en hommage a Pierre-Laurent Frier, Maryse OeglJE'fgue dir Pans, Publications de la Sorbonne, 2010. ' Richard Conte 92 du temps est la plus aiguë, dans les travaux de quelques étudiants en art, qui se réfèrent implicitement à ceux d'artistes reconnus: - Au printemps 1999, un étudiant organise avec deux complices un hold-up dans une pharmacie: encagoulés de bas nylon et munis d'armes factices (mais identiques à des armes réelles), ils demandent pour tout butin au pharmacien un simple coton-tige ! Braquer une pharmacie «pour l'art », ce n'est pas pour rire, ni pour l'argent ou pour des produits. C'est, pour ces garçons, amalgamer la littéralité de l'art et la littéralité de l'acte. Au départ de l'action, rien ne distingue le« réel » de sa symbolisation, sinon l'intentio n (cachée) des auteurs. Pendant l'action, ils risquent (bêtement ?) leur peau ou les Assises. Ce n'est qu'au moment de leur demande, par le caractère déri- soire de la chose convoitée et une explicitation réparatrice, donc aussi g râce au discours, que la finalité se dévoilera comme« artistiq ue ». - En 2001, une étudiante annonce le projet de se déclencher volontairement un œdème de Quincke, pou r filmer sa crise et en faire une œuvre. Cette aller- gie qu'elle porte en elle provoque des gonflements impressionnants, avec déformation des paupières et du visage, pouvant conduire à une détresse respiratoire aiguë. Difficile à maîtriser, elle est susceptible de provoquer un décès en quelques minutes. Chaque nouvelle crise augmente d'intensité par rapport à la précédente. Une injection d'adrénaline et une trachéoto- mie sont le plus souvent indispensables pour sauver le malade. En consé- quence, aucune institution d'enseignement artistique (responsable) ne peut avaliser une pratique qui exposerait un étudiant à un tel risque. Mais le fait que l'idée soit sérieusement lancée par la personne concernée montre que l'art contemporain n'en a pas fini avec la surenchère moderne à la radicalité. Toutefois le raisonnement de cette étud iante-artiste est simple et efficace : cette maladie étant très rare, elle a toutes les« chances» d'être la première et la seule à en artialiser le phénomène. Elle tient là, en elle, comme l'assurance de sa singularité, ce qui est, en dehors de toute considération déonto logi- que, tout à fait exceptionnel. - Un troisième exemple parmi d'autres et d'un autre genre: un étudiant « avancé» apporte un travail intitulé: « l es vols de fragments, 1993-2002 ». Sa pratique consiste à prélever discrètement des échantillons d'œuvres dans les musées et expositions prestigieuses, et à les dérober pour ensuite reven- diquer comme artistique non le fragment lui-même, mais l'enchainement d'actes que constituent la déprédation, le vol et le recel3. 3. Quelques détails fournis par l'auteur: - 1993: vol de fragments (rouille) de «Arrêt de tramway », Joseph Beuys, 1976. Collection Marx, Berlin. lors de l'exposition J05eph Beuys au MNAM, Paris. Fragment conservé. - 2001 : vol de fragments (feuilles) du « moment des 6 ifs ,., Raymond Hains, 2001. lors de l'exposi- tion Raymand Hains. La lemalive. présentée au centre Pompidou .li Paris, galerie sud, du 27 juin au 3 septembre 2001 . Fragment déposé dans une rizière de la montagne de Kamogawa, Chiba. Japon, le 08.08.2001 . - 2002 : vol d'un fragment (feuille), titre non communiqué, Anselmo, MNAM de la Ville de Paris. col- Ie<:tions permanentes. Fragment renvoyé par courrier au MNAM, le 08,03.2002. A suivre ... l 'art a-t-il tous les droits? Chaque cas d'espèce est instructif; chaque « situation» est particulière_ D'ailleurs, les témoignages d'artistes poussés, pour des raisons diverses, à passer le R ubicon ne manquent pas_ J'en ai personnellement eu la tenta- tion en 1987: le lycée agricole où travaillait une amie ferma définitivement ses portes. Celle-ci se retrouva (je ne sais pourquoi) en possession de deux fœtus humains parvenus presque à terme et conservés par le formol dans deux grands bocaux étanches. Ne sachant trop qu'en faire, elle les avait remi- sés dans un placard de son garage et avait ensuite sans succès essayé de s'en débarrasser. Je les découvris par hasard etfeus immédiatement l'idée de les exposer tels quels dans une galerie. Mais très vite je me ravisai et renonçai à ce projet avant même d'avoir tenté la moindre démarche. Je m'étais cepen- dant posé la question de l'usage de cette future pièce car les raisons de ris- quer l'aventure ne manquaient pas: il eût été piquant de jouer avec la per- ception du public de la galerie en présentant ces fœtus, non comme ready- made mais comme des artefacts en laissant croire à quelque chose comme un objet hyperréaliste ; faire admettre aux visiteurs que ce qui apparaissait comme le fruit d'une genèse était en fait le résultat d'une poiëse, d'une fabri- cation dont l'habileté diabolique autoriserait les doutes et provoquerait un trouble tel qu'il faudrait, pour connaître la vérité, ouvrir le bocal. Il y aurait eu peut-être dépôt de plainte, enquête, saisie, etc. car tout ce qui touche au cadavre d'un petit enfant (même mort-né) peut, à juste titre, provoquer le scandale4 • On sait que les artistes sont des roublards, depuis Zeuxis et ses raisins, et tant d'autres après lui. J'avais l'occasion de retourner le trompe-l'œil comme un gant et de faire apparaître la uploads/S4/ conte-r-2010-l-x27-art-a-t-il-tous-les-droitsocr 1 .pdf

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  • Publié le Mar 24, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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