1 A MONSIEUR LE PRESIDENT PRES LA COUR PENALE INTERNATIONALE, A MONSIEUR LE PRO
1 A MONSIEUR LE PRESIDENT PRES LA COUR PENALE INTERNATIONALE, A MONSIEUR LE PROCUREUR PRES LA COUR PENALE INTERNATIONALE, ET POUR INFORMATION A MADAME LA HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROTIS DE L’HOMME, Le 9 mars 2011 MEMORANDUM SUR LA SITUATION HUMANITAIRE ET DES DROITS DE L’HOMME EN REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE RELEVANT DE LA COMPETENCE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE Mémorandum établi à la demande de Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire et du gouvernement ivoirien par : - Maître Jean-Paul Benoit, Avocat au barreau de Paris, Député européen honoraire ; - Maître Jean-Pierre Mignard, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit, Maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Lysias Partners) ; Conseils de la République de Côte d’Ivoire Ont participé, sous la direction de Maîtres Jean-Paul Benoit et Jean-Pierre Mignard, à la rédaction du mémorandum : - des avocats et juristes ivoiriens dont l’identité n’est pas révélée pour des raisons de sécurité ; - Maître Jean-François Marchi, Avocat au barreau de Marseille, Docteur en droit, Maître de conférences à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille (Lysias Partners), Maître Pierre-Emmanuel Blard, Avocat au barreau de Paris (Lysias Partners) et M. François Negrel-Filippi, Docteur en droit, Chargé de cours à l’Université Paris Est 2 Propos introductifs Nous avons l’honneur de vous transmettre, en notre qualité de conseils de la République de Côte d’Ivoire, le mémorandum ci-dessous qui reprend l’ensemble des éléments que nous avons déjà fait parvenir ainsi que les plus récents dont nous avons pris connaissance et qui traduisent une détérioration gravissime de la situation en République de Côte d’Ivoire faisant apparaître des crimes de nature à être déférés à la Cour pénale internationale. Ce mémorandum articule les faits, les qualifications pénales ainsi que les moyens par lesquels il nous semble que la Cour pénale internationale peut et doit se saisir dès maintenant pour faire la lumière sur les évènements déjà connus et d’autres à prévenir. Ce mémorandum se situe dans le prolongement de la lettre du Président Alassane Ouattara adressée au Président de la Cour pénale internationale, au Procureur près la Cour pénale internationale et au Greffier en chef de la Cour pénale internationale en date du 14 décembre 2010, soit un peu plus de deux semaines après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle en République de Côte d’Ivoire. Ce mémorandum se focalise sur les faits commis depuis le 28 novembre 2010 jusqu’à la date de son envoi, précisément pour acter du caractère aigu de la crise politique et humanitaire depuis les trois derniers mois. Il nous apparaît notamment que la reconnaissance par la Cour pénale internationale de sa compétence sur les évènements en cours placerait chacun face à ses responsabilités à propos des graves conséquences pénales de leurs actes pour l’avenir et aurait un effet dissuasif pour les violences futures. Ce mémorandum rejoint les préoccupations de Madame Fatou Bensouda, Procureur adjointe chargée des poursuites près la Cour pénale internationale, qui a affirmé, le 5 mars 2011 : « si les choses continuent à ce niveau-là, je pense que la CPI va agir très vite, sur saisine des Nations unies ou non »1. 1 AFP, 5 mars 2011. 3 Sommaire : Propos introductifs I. SUR LA COMPETENCE FORMELLE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE (ART. 12 DU STATUT) ET LA RECEVABILITE DE LA REQUETE (ART. 17 DU STATUT) I-1. Sur la reconnaissance de la compétence de la CPI par la République de Côte d’Ivoire a. Sur la signature du Traité de Rome en 2002 et sa portée avant ratification (art. 12 par. 1 du Statut) b. Sur la déclaration de reconnaissance de la compétence de la CPI du 18 avril 2003 et sa confirmation le 14 décembre 2010 (art. 12 par. 3 du Statut) I-2. Sur la recevabilité de la requête au regard du principe de complémentarité (art. 17 du Statut) I-3. Sur l’impossibilité de tirer une quelconque conséquence juridique des coups de forces qui frappent la Côte d’Ivoire II. SUR LA COMPETENCE RATIONE MATERIAE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE II-1. Sur l’établissement des faits commis sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire II-2. Sur la qualification juridique de crimes contre l’humanité 4 I. SUR LA COMPETENCE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE EN VERTU DE L’ARTICLE 12 DU STATUT I-1. Sur la reconnaissance de la compétence de la CPI par la République de Côte d’Ivoire a. Sur la signature du Traité de Rome en 2002 et sa portée (art. 12 par.1 du Statut) 1. L’article 12 du Statut de Rome est ainsi rédigé : « Conditions préalables à l’exercice de la compétence 1. Un État qui devient Partie au Statut reconnaît par là même la compétence de la Cour à l’égard des crimes visés à l’article 5. 2. Dans les cas visés à l’article 13, paragraphes a) ou c)[2], la Cour peut exercer sa compétence si l’un des États suivants ou les deux sont Parties au présent Statut ou ont reconnu la compétence de la Cour conformément au paragraphe 3 : a) L’État sur le territoire duquel le comportement en cause s’est produit ou, si le crime a été commis à bord d’un navire ou d’un aéronef, l’État du pavillon ou l’État d'immatriculation; b) L’État dont la personne accusée du crime est un national. 3. Si la reconnaissance de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas Partie au présent Statut est nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’État ayant reconnu la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX ». 2 Article 13: Exercice de la compétence : La Cour peut exercer sa compétence à l'égard des crimes visés à l’article 5, conformément aux dispositions du présent Statut : a) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par un État Partie, comme prévu à l'article 14; (...) ; c) Si le Procureur a ouvert une enquête sur un ou plusieurs de ces crimes en vertu de l’article 15 ». Article 14: Renvoi d’une situation par un État partie : 1. Tout État Partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes particulières doivent être accusées de ces crimes. 2. ... ». Article 15: Le Procureur : « 1. Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour. 2. Le Procureur vérifie le sérieux des renseignements reçus. À cette fin, il peut rechercher des renseignements supplémentaires auprès d'États, d’organes de l’Organisation des Nations Unies, d’organisations intergouvernementales et non gouvernementales, ou d’autres sources dignes de foi qu’il juge appropriées, et recueillir des dépositions écrites ou orales au siège de la Cour. [Paragraphes 3 à 6 non reproduits] ». 5 2. La République de Côte d’Ivoire a signé le traité le 30 novembre 1998 mais ne l’a pas encore ratifié. En effet, le Conseil Constitutionnel ivoirien a décidé que l’autorisation de ratifier exigeait une révision constitutionnelle mais cette autorisation n’a pu intervenir étant donnée la crise qui frappe la Côte d’Ivoire. Pourtant, même si la ratification du Traité portant Statut de la Cour pénale internationale n’est pas encore intervenue, il ne fait pas de doute que la signature de la Côte d’Ivoire emporte déjà des effets juridiques. 3. En effet, selon la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités entre Etats, la signature d’un traité produit des effets juridiques avant même la ratification de celui-ci. L’article 18 de la Convention est ainsi rédigé : « Un Etat doit s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but : a) lorsqu’il a signé le traité sous réserve de ratification, d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité ; (…) » Cette disposition s’avère être une manifestation du principe de bonne foi qui lie les sujets de droit international dans toute transaction juridique, notamment avant la formation du lien conventionnel3. La Cour Permanente de Justice internationale avait d’ailleurs reconnu dès 1926, dans l’affaire des Intérêts allemands en Haute-Silésie Polonaise, l’existence et la réalité d’une obligation attachée à la signature d’un traité4. En 1969, dans l’affaire du Plateau continental de la Mer du Nord, des juges de la Cour internationale de Justice ont exprimé une opinion identique5. Plusieurs décisions de juridictions nationales confirment également l’existence, au regard du droit international général, de l’obligation énoncée à l’alinéa a) de l’article 18 de la Convention de Vienne6. On en déduit qu’un Etat qui souhaiterait que sa déclaration soit acceptée comme exprimant son intention de ne pas être lié doit, a contrario, et de bonne uploads/S4/ memorandum-cpi-cote-ivoire.pdf
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- Publié le Apv 14, 2021
- Catégorie Law / Droit
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