Revue germanique internationale 6 (1996) Kant : philosophie de l’histoire .....

Revue germanique internationale 6 (1996) Kant : philosophie de l’histoire ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Karlfriedrich Herb Contrat et histoire.La transformation du contrat social de Rousseau à Kant ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Karlfriedrich Herb, « Contrat et histoire.La transformation du contrat social de Rousseau à Kant », Revue germanique internationale [En ligne], 6 | 1996, mis en ligne le 09 septembre 2011, consulté le 10 octobre 2012. URL : http://rgi.revues.org/583 ; DOI : 10.4000/rgi.583 Éditeur : CNRS Éditions http://rgi.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://rgi.revues.org/583 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés Contrat et histoire. La transformation du contrat social de Rousseau à Kant K A R L F R I E D R I C H H E R B Il semblerait que Kant ait voulu faciliter le travail de ses interprètes en plaçant sa philosophie politique dans le courant de la pensée contrac- tualiste. En incorporant « l'idéal de Hobbes » et 1' « idéal du contrat social» 1 rousseauiste à sa philosophie de l'État, il se fait partisan du contractualisme moderne. Selon sa démarche méthodologique, les prin- cipes du droit politique se justifient à partir du modèle de l'état de nature et de celui du contrat. Si l'on examine la pensée juridique de Kant dans son élaboration progressive, on est forcé de constater que l'achèvement systématique du contractualisme moderne, que beaucoup de commentateurs - avec l'ap- pui de l'auteur lui-même - ont vu s'opérer chez Kant 2, va quand même de pair avec un changement remarquable des fonctions légitimatrices des modèles de l'état de nature et du contrat social. C'est dans son œuvre tar- dive, la Métaphysique des mœurs de 1797, que Kant relativise le statut de l'argumentation de l'état de nature hobbien en la fondant sur un nou- veau principe : la théorie du « mien et tien extérieur » qui figurait doré- navant comme base intégrale de tout le droit public 3. En supposant en quelque sorte l'analyse de la notion de la propriété comme sphère de réa- lisation de la subjectivité juridique individuelle je veux mettre l'accent 1. Kants Gesammelte Schriften, hg. v.d. (königlich-preußischen / deutschen / göttingischen) Akademie der Wissenschaften, Berlin 1900ff, AA, t. X I X , p. 99. C o m m e dans toutes références faites ici à l'œuvre de Kant, nous renvoyons à la Akademie-Ausgabe (AA, tome, page) et à la traduction fran- çaise de la Pléiade ( Œuvres philosophiques III : Les derniers écrits, édition publiée sous la direction de Ferdinand Alquié, Paris, 1986) (OP, tome, page). 2. V o y . sur ce point Peter Baumanns, Hobbes und die praktische Philosophie der Neuzeit (du même, Einführung in die praktische Philosophie, Stuttgart, Bad Cannstatt, 1977, p. 36 ; Günther Maluschke, Philosophische Grundlagen des Verfassungsstaates, Freiburg/Brsg., München, 1982, p. 107). 3. Cf. Karlfriedrich Herb, Bernd Ludwig, Naturzustand, Eigentum und Staat - Immanuel Kants Relativierung des « Ideal des hobbes» (Kant-Studien 83. Jg., 1993, p. 283-316). Revue germanique internationale, 6/1996, 101 à 112 sur quelques conséquences qui résultent de cette nouvelle fondation du droit public, notamment en ce qui concerne son interprétation du concept du contrat social et sa vision contractualiste de l'histoire. Il est notoire que Rousseau a exercé une grande influence sur la genèse intellectuelle de Kant : « Rousseau m'a mis sur le bon chemin » , confesse- t-il après la lecture des œuvres de Rousseau. C'est notamment l'Emile qui a inspiré le jeune Kant, surtout dans Bemerkungen über das Gefühl des Schönen und Erhabenen et Träume eines Geistersehers, où la « méthode rousseauiste » sert à développer l'anthropologie morale, partie empirique de la doctrine de la vertu 1. A cette même époque, au cours des années 1764-1766, on trouve les premières traces de la lecture du Contrat social : Kant en tire la notion clef de son droit public : « Der Social contract (Bürgerbund) oder das ideal des Staatsrechts. » 2 Dans ces notes courtes, rares et disséminées - qui sont loin de donner une image claire de l'influence que Rousseau a eue sur lui — Kant transforme la notion rousseauiste en une idée purement juridique, en écar- tant toute dimension historique et en faisant passer à l'arrière-plan toutes les questions concernant le processus technique de l'acte du contrat et les motifs des contractants : « D e r Contractes originarius ist nicht das Prinzip d e r Erklärung des Ursprungs des status civilis, s o n d e r n w i e er seyn soll... contractus originarius non est principium fiendi ( E r r i c h t u n g s g r u n d ) , sed cognoscendi ( V e r w a l t u n g s g r u n d ) des Staates. » 3 Du point de vue kantien cette détermination du statut du concept sem- blait être d'autant plus nécessaire que dans son ensemble la position de Rousseau révèle une profonde ambiguïté. Paradoxalement, Rousseau s'approche le plus des exigences méthodologiques de Kant, alors qu'il est le plus éloigné de sa propre conception future du Contrat social. Dans l'ar- ticle de l'Encyclopédie Économie politique de 1755, il présente la notion de volonté générale à la manière kantienne. Elle apparaît à la fois comme un impératif moral et comme principium diiudicationis du gouvernement. Elle est « la règle du juste et de l'injuste » pour le citoyen et l'État ; elle est aussi le principe supérieur, d'où « découlent les règles les plus universelles et les plus sûres sur lesquelles on puisse juger d'un bon ou d'un mauvais gouvernement, et en général, de la moralité de toutes actions humaines » 4 . Mais, ici Rousseau ne pose pas encore son problème fonda- mental 5. Il ne s'agit que de la détermination du gouvernement, c'est-à- 1. Cf. Klaus Reich, Rousseau und Kant, Tübingen, 1936, p. 7. Cf. la contribution de M m e Brigitte Geonget dans ce volume Le concept kantien d'insociable sociabilité. Eléments pour une étude généalogique : Kant entre Hobbes et Rousseau. 2. AA, t. X I X , p. 99. 3. AA, t. X I X , p. 504, 564. 4. Économie politique, OC, t. III, p. 245. Les références aux textes de Rousseau seront don- nées selon l'édition de la Pléiade : Œuvres complètes, édition publiée sous la direction de Bernard Gagnebin et Marcel Raymond, Paris, 1959 sq. (OC, tome, page). 5. Contrat social I 6, OC, t. III, p. 360. dire du pouvoir exécutif par la volonté générale dont la constitution par contrat reste indéfinie. Dans le Discours sur l'inégalité, de la même année, on trouve quelques réflexions critiques sur la justification contractualiste de l'État (Grotius, Hobbes, Pufendorf) basées sur une reconstruction génétique de l'état de nature et intégrées dans une «histoire hypotétique des gouvernemens » 1 . La notion de « l'origine de la société » 2 conçue comme contrat reste flot- tante. Cette « o r i g i n e » figure à la fois comme origine d'un devenir et comme principe d'une construction normative 3. L'historiographie scep- tique du genre humain d'une part et la critique juridique de la tradition jusnaturaliste d'autre part ne trouvent pas de réconciliation théorique. C'est dans l'exposition du problème du Contrat social que Rousseau annonce son intention de prendre ses distances vis-à-vis de toute perspec- tive historique et génétique, seule la légitimité de l'État ( « les fers » de la liberté naturelle) est alors en jeu. A l'écart de cette exposition claire - et d'ailleurs mal suivie - Rousseau se montre plutôt avare de réflexions méthodologiques. Le statut de ses notions fondamentales n'est guère défini, il se détermine - intentio obliqua - par les divers moments de son contenu 4 et en plus par le fait que ces notions font partie d'une théorie normative qui tend à résoudre le problème de la légitimation des obliga- tions civiles. C'est dans cette perspective qu'il convient de lire une note précédant la version abrégée du Contrat social dans le livre V de l'Emile. « Avant d'observer, il faut se faire des régies pour ses observations : il faut se faire une échelle pour y rapporter les mesures qu'on prend. Nos principes de droit politique sont cette échelle. Nos mesures sont les loix politiques de chaque pays. » 5 uploads/S4/ contrat-et-histoire-la-transformation-du-contrat-social-de-rousseau-a-kant.pdf

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  • Publié le Dec 28, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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