1 COURRIER ELECTRONIQUE: COMMANDANT DE LA POLICE CANTONALE ME CHRISTIAN VARONE
1 COURRIER ELECTRONIQUE: COMMANDANT DE LA POLICE CANTONALE ME CHRISTIAN VARONE CAPITAINE, RESPONSABLE L’ADMINISTRATION GENERALE ME BENOIT ANTILLE SION, LE 15 AOUT 2014 NOTICE D’INFORMATION RELATIVE A LA PROTECTION DE LA PERSONNALITE DES AGENTS DE POLICE DANS L’EXERCICE DE LEURS FONCTIONS S’AGISSANT DE LA PRISE D’IMAGES (COPWATCHING) Monsieur le Commandant, Monsieur le Capitaine, Chers Confrères, Faisant suite à notre dernier entretien, je vous soumets ci-après une petite notice d’information relative à la problématique suivante : FILMER DES POLICIERS EN INTERVENTION (COPWATCH - COPWATCHING) : EST-CE LEGAL ? SOMMAIRE : I. LIMINAIREMENT ET CONTEXTUELLEMENT II. DU POINT DE VUE DU DROIT DE LA PERSONNALITE III. DU POINT DE VUE DU DROIT PENAL ET DU DROIT DE PROCEDURE PENALE IV. DU POINT DE VUE DU DROIT PUBLIC CANTONAL ET COMMUNAL V. DU POINT DE VUE DU DROIT CANTONAL ET FEDERAL DE LA PROTECTION DES DONNEES VI. CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS 2 I. Liminairement et contextuellement : 1. Avec le développement des smartphones (ex : iPhones), devices (ex : iPad), et autres appareils de prise de vue en tous genres, les agents de Police sont de plus en plus fréquemment filmés lors de l’exercice de leur fonction et ces réalisations postées sur le Net. Ce phénomène se nomme « copwatch » ou « copwatching ». 2. Le copwatch peut être défini comme « le fait pour des citoyens ordinaires d’observer publiquement et de documenter l’activité de la police. Concrètement, il s’agit de suivre, de regarder et le plus souvent de filmer des policiers dans leurs interventions. De nombreux motifs sont invoqués pour justifier le fréquent usage de cette activité1 : empêcher les violences policières et les abus d’autorité ; obliger les policiers à rendre aux citoyens des comptes sur leur travail ; jauger l’efficacité des politiques de sécurité au niveau local ; inciter la population à revendiquer son droit de regard sur la police. Certains groupes considèrent cette pratique comme un mode de résistance et de contestation face à l’établissement politique et social »2. 3. Il existe également des personnes (dénommées copwatchers) qui en ont fait une activité quasi professionnelle avec création de sites web en vue de la publication de différentes vidéos, de photographies, de témoignages, etc. 3. Ces sites ont généré plusieurs jurisprudences, en France notamment4. 1 L’origine du copwatching militant est difficile à établir. Le concept actuel apparaît cependant durant les années 1990 avec la naissance aux États-Unis de réseaux locaux de surveillance de la police, caractérisés par la revendication du terme « Cop Watch », la publication de bulletins d’information (copwatch report) et l’organisation de sessions d’entraînement pour les bénévoles. Par l’utilisation du suffixe anglais d’action, j’établis une distinction entre le geste de filmer la police (copwatching) qui est mon objet de recherche ; et le réseau organisé d’activistes nord-américains (copwatch). Meyer Michaël, « Copwatching et perception publique de la police. L’intervention policière comme performance sous surveillance. », in : ethnographiques.org, Numéro 21 – novembre 2010 [en ligne] consulté le 15 juillet 2014. 2 MEYER Michaël, « Copwatching et perception publique de la police. L’intervention policière comme performance sous surveillance. », in : ethnographiques.org, Numéro 21 – novembre 2010 [en ligne], consulté le 15 juillet 2014. 3 Cf. notamment: http://www.berkeleycopwatch.org 4 Il s’agit des jurisprudences du Tribunal de Grande Instance de Paris des 14 octobre 2011 et 10 février 2012 (CopWatch1 FAI Free, Orange, Bouyges, SFR, Numericable, Darty et CopWatch2 dont les parties à la cause sont identiques) disponibles à cette adresse: http://toutelajurisprudencelcen.over-blog.com/tag/copwatch/ 3 4. La problématique du copwatching réside principalement dans le respect du droit à la personnalité et à l’image des agents de police, lorsqu’ils sont filmés dans l’exercice de leur fonction publique, sur le domaine public ou dans un lieu privé5. 5. Font exception à la présente analyse les interventions impliquant des unités d’élite (EDELWEISS, COUGAR, DARD, SKORPION, TIGRIS…), qui n’officient pas à visage découvert. II. Du point de vue du droit de la personnalité (art. 28 ss CC) : 6. En premier lieu, l’art. 28 CC6, protège toute personne contre toute atteinte illicite à sa personnalité, y compris donc les agents de police. L’« atteinte » au sens de la loi est réalisée par tout comportement humain, tout acte de tiers, qui cause de quelque façon un trouble aux biens de la personnalité d’autrui en violation des droits qui la protègent7. Les biens de la personnalité qui intéressent plus particulièrement les médias sont l’honneur, la vie privée (dont on distingue les trois sphères : intime, privée et publique), l’image, la voix, le nom, le sentiment de piété et la liberté. 7. Dans le cadre de cette recherche, les biens de la personnalité qui importent principalement sont le droit au respect de la vie privée des policiers dans la sphère publique et dans la sphère privée, ainsi que leur droit à l’image lors d’intervention sur le domaine public et dans des lieux privés. S’agissant de cette dernière hypothèse, il convient d’opérer un distinguo entre deux cas distincts : 1/ l’auteur de la prise de vue est le prévenu 2/ l’auteur de la prise de vue est un tiers non impliqué dans la procédure. Cela impacte le résultat de l’analyse, car il incombe également à la police de préserver les droits du prévenu et de son entourage et d’interdire toute prise de vue (de son intérieur par exemple). Lors d’affaire présentant un caractère d’actualité et intéressant l’opinion publique, il existe à l’évidence un risque accru de prise de vue et de photographies opérées par des tiers. 5 À titre exemplatif, il est possible d’évoquer le fait qu’une personne qui ferait l’objet d’une arrestation à son domicile décide de la filmer intégralement l'intervention, respectivement qu’une tierce personne présente agisse ainsi. 6 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (= CC; RS. 210). 7 TERCIER Pierre, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1985, N. 550; ATF 120 II 369, JdT 1997 I 314 (rés.), consid. 2. 4 8. Au vu de l’art. 28 CC, chacun a droit au respect de sa propre image dont font partie : le droit à ne pas être photographié contre sa volonté, à ne pas être caricaturé, et à ne pas être représenté par des acteurs. C’est donc l’image reconnaissable par tout un chacun qui est ainsi protégée8. 9. Concernant les prises de photos, le seul fait de photographier une personne sans son consentement ou sans intérêt public prépondérant est illicite. De même, on peut rapprocher le fait de prendre une photo à celui de filmer une personne qui porte d’ailleurs une atteinte supérieure au droit à l’image de tout individu. La loi vise la protection de l’image prise, soit le risque de diffusion, de conservation et de reproduction de celle-ci. L’atteinte peut provenir de la prise de vue par un appareil photographique, une caméra, un téléphone mobile ou appareil incluant de tels dispositifs9. C’est notamment le cas, en l’espèce, lorsque des individus filment des agents de police en pleine intervention. 10. Cependant, la protection de la vie privée de chaque individu est différenciée selon la sphère personnelle qu’elle touche. On distingue trois sphères : intime, privée et publique. En l’espèce, c’est la sphère publique et la sphère privée de chaque individu qui nous intéresse in casu, étant donné que notre recherche porte sur les interventions policières sur le domaine public ou dans un lieu privé. Ainsi qu’il a été relevé précédemment (cf. § II/7) un distinguo, doit être opéré entre une prise d’image effectuée par un tiers de celle effectuée par l’individu arrêté. Tant qu’aucune condamnation pénale au sens strict du terme n’est intervenue, les informations relèvent de la sphère privée de l’individu. 11. La sphère publique se rapporte à tous les événements accessibles à la connaissance de quiconque et pouvant être divulgués sans autorisation, étant donné qu’il se produisent en public ou parce que l’individu leur donne une certaine publicité10. En principe, la sphère publique n’est pas protégée par l’art. 28 CC. De même, selon le Tribunal fédéral, les faits de la vie publique peuvent être « connus de chacun et divulgués sans autorisation »11. C’est pourquoi les faits relevant de la vie publique paraissent échapper à l’application de l’art. 179quater du Code pénal (cf. également ci-après 8 BARRELET Denis / WERLY Stéphane, Droit de la communication, 2ème éd., Berne 2011, N. 1495 ss. 9 ATF 117 IV 31, JdT 1992 IV 128 (rés.), consid. 2 b); Petit Commentaire du Code Pénal, DUPUIS / GELLER / MONNIER et al., Bâle 2012, art. 179 quarter N. 10. 10 BARRELET Denis / WERLY Stéphane, Droit de la communication, 2ème éd., Berne 2011, N. 1509; STEINAUER Paul Henri / FOUNTOULAKIS Christiana, Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte, Berne 2014, N. 537; JEANDIN Nicolas, CoRo, Bâle 2010, art. 28 N. 42. 11 ATF 97 II 97, JdT 1972 I 242/245 [trad.], consid. 3. 5 § II/17)12. Aussi, au vu de l’art. 13 al. 3 de la loi sur la protection des données13, « il n’y a pas atteinte à la personnalité lorsque la personne concernée a rendu les données accessibles à tout uploads/S4/ copwatching-notice-d-x27-information.pdf
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- Publié le Mar 31, 2021
- Catégorie Law / Droit
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