DROIT DES SÛRETÉS DE L’ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DE

DROIT DES SÛRETÉS DE L’ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) M. THIOYE « C’est l’eau qui n’est pas couverte qui devient chaude » : pour être protégé, il faut s’entourer de quelques garanties ; « on ne prête pas sa hache à un insolvable » : le prêt exige la garantie (cf. M. Cabakulu, Maxi Proverbes africains, V° sous mot Garantie) INTRODUCTION I- Sources du droit des sûretés De la marche en ordre dispersé à l’harmonisation africaine du droit des affaires en général. Avec la Conférence de Berlin de 1885 qui a ouvert l’ère officielle du partage quasi général de l’Afrique entre les nations européennes, s’ouvrait, par là même, un processus d’implantation progressive, directe ou indirecte, forcée ou plus ou moins consentie, des droits et systèmes juridiques européens sur le continent africain dont les traditions étaient pourtant sensiblement différentes. Ainsi, l’Afrique a été pendant longtemps l’une des terres fertiles d’exportation du droit et même des juristes français1, « autant […] par l’embrasement de la conquête que par le rayonnement de la pensée »2. Du reste, même après l’accession des pays africains à la souveraineté internationale, il s’avère que la plupart des anciennes possessions françaises se sont lancées, sous le coup de certaines contraintes ou pour assouvir certains appétits nationaux, dans un mouvement d’imitation quasi pure et simple du droit de l’ancienne puissance coloniale. Il s’est ensuivi que, aujourd’hui encore, beaucoup de systèmes juridiques du « continent noir » demeurent encore « liés par le nombril »3 à celui de l’ancienne métropole hexagonale et, plus généralement, à celui de l’Occident. Néanmoins, quoique le droit (moderne) inspirateur fût presque le même dans tous les nouveaux Etats indépendants, ceux-ci restaient relativement dispersés dans leur mouvement ou œuvre de législation ou de codification. En effet, du lendemain de la décolonisation politique des pays africains de la zone franc jusqu’à une date très récente4, chacun de ces Etats continuait de faire son droit « dans son coin », sans véritablement se préoccuper 1 Cf. P. Lampué, L’influence du droit français et du droit coutumier sur les lois civiles africaines, in Dynamiques et finalités des Droits africains (sous la dir. G. Conac), Economica, 1980, p. 14 s. 2 E. Agostini, Droit comparé, Puf, 1988, n° 125, p. 243. 3 Selon l’expression de L. S. Senghor, Prière aux masques, in Œuvre poétique, Ed. du Seuil, p. 23. 4 Constatons, pour l’anecdote, que « le franc, la seule monnaie dont le nom se confondait littéralement avec une nation, est en quelque sorte [devenu] délocalisé. Il est devenu une monnaie d’Afrique [et non plus française], le franc suisse excepté » (F. Dia, Lettre ouverte d’un fils de tirailleur sénégalais à ses ci-devant parents gaulois, à paraître). M. THIOYE – Droit africain uniforme des sûretés 2 de ses voisins. Sans aucun doute, cette époque de la législation en solo a vécu, du moins dans certains secteurs juridiques. En effet, se souvenant que « l’union fait la force », certains gouvernants et juristes africains (ou africanistes) ont nourri et poursuivi le rêve de doter tout ou partie du « continent noir » d’outils de coopération voire d’uniformisation ou de communautarisation du droit. Cela sans préjudice des nécessités de rapprochement ou d’adaptation posées par ce qu’il a été convenu d’appeler la mondialisation ou globalisation. C’est ainsi qu’il fut esquissé et progressivement instauré, au-delà des droits purement internes, du droit international classique (né de conventions internationales bilatérales ou multilatérales) ou du droit anational (usances et pratiques du commerce international), un système juridique supranational (droit communautaire) dans lequel les Etats membres renoncent à une partie de leur souveraineté. La conception et la naissance de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires5 (OHADA, terme à consonance plutôt nippone) en atteste on ne peut plus pertinemment6. L’OHADA a été créée par le Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis. Celui-ci est ouvert à l'adhésion de tout Etat membre de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA, devenue l’Union Africaine depuis mai 2001) ainsi qu'à l'adhésion de tout autre Etat non membre de l'OUA invité à y adhérer du commun accord de tous les Etats parties. Le domaine géographique dépasse donc les frontières de la zone franc. A ce jour, seize Etats sont membres de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte 5 Cf. J. Issa-Sayegh et J. Lohoues-Oble, Ohada. Harmonisation du droit des affaires, Juriscope, Bruylant, 2002. 6 « Ce traité a pour principal objectif de remédier à l'insécurité juridique et judiciaire existant dans les Etats Parties. L'insécurité juridique s'explique notamment par la vétusté des textes juridiques en vigueur : la plupart d'entre eux datent en effet de l'époque de la colonisation et ne correspondent manifestement plus à la situation économique et aux rapports internationaux actuels. Très peu de réformes ont été entreprises jusqu'alors, chaque Etat légiférant sans tenir compte de la législation des Etats de la zone franc. A cela s'ajoute l'énorme difficulté pour les justiciables comme pour les professionnels de connaître les textes juridiques applicables. L'insécurité judiciaire découle de la dégradation de la façon dont est rendue la justice, tant en droit qu'en matière de déontologie, notamment en raison d'un manque de moyens matériels, d'une formation insuffisante des magistrats et des auxiliaires de justice. Outre la restauration de la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques en vue de restaurer la confiance des investisseurs, de faciliter les échanges entre les Etats Parties, le Traité poursuit les objectifs suivants : - mettre à la disposition de chaque Etat des règles communes simples, modernes adaptées à la situation économique ; - promouvoir l'arbitrage comme instrument rapide et discret des litiges commerciaux ; - améliorer la formation des magistrats et des auxiliaires de justice ; - préparer l'intégration économique régionale ». M. THIOYE – Droit africain uniforme des sûretés 3 d'Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée- Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Objectifs du Traité. « Ce traité a pour principal objectif de remédier à l'insécurité juridique et judiciaire existant dans les Etats Parties. L'insécurité juridique s'explique notamment par la vétusté des textes juridiques en vigueur : la plupart d'entre eux datent en effet de l'époque de la colonisation et ne correspondent manifestement plus à la situation économique et aux rapports internationaux actuels. Très peu de réformes ont été entreprises jusqu'alors, chaque Etat légiférant sans tenir compte de la législation des Etats de la zone franc. A cela s'ajoute l'énorme difficulté pour les justiciables comme pour les professionnels de connaître les textes juridiques applicables. L'insécurité judiciaire découle de la dégradation de la façon dont est rendue la justice, tant en droit qu'en matière de déontologie, notamment en raison d'un manque de moyens matériels, d'une formation insuffisante des magistrats et des auxiliaires de justice. Outre la restauration de la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques en vue de restaurer la confiance des investisseurs, de faciliter les échanges entre les Etats Parties, le Traité poursuit les objectifs suivants : - mettre à la disposition de chaque Etat des règles communes simples, modernes adaptées à la situation économique ; - promouvoir l'arbitrage comme instrument rapide et discret des litiges commerciaux ; - améliorer la formation des magistrats et des auxiliaires de justice ; - préparer l'intégration économique régionale ». Acte uniforme portant organisation des sûretés. Sur la base du traité OHADA et dans ce cadre intégré, les Etats membres dont le Sénégal, ont ainsi pu adopter un ensemble de textes parmi lesquels compte l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (ci-après l’AUS), adopté le 17 avril 1997 à Cotonou au Bénin7. 7 Voici, à ce jour, les divers Actes uniformes : - Acte uniforme adopté le 17 avril 1997 relatif au droit commercial général; - Acte uniforme adopté le 17 avril 1997, relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; - Acte uniforme adopté le 17 avril 1997, portant organisation des sûretés ; - Acte uniforme, adopté le 10 avril 1998, portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; - Acte uniforme, adopté le 10 avril 1998, portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ; - Acte uniforme, adopté le 10 avril 1998, portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ; - Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage adopté le 11 mars 1999 ; M. THIOYE – Droit africain uniforme des sûretés 4 « Droit français sous les tropiques ». Sans conteste, l’influence du droit français sur le droit uniforme de l’OHADA, même si elle n’est ni parfaite ni intégrale, constitue une réalité d’évidence. En effet, sans reproduire toutes les règles hexagonales, le législateur communautaire ne s’en est pas moins fortement inspiré. Cette démarche présente beaucoup d’avantages, notamment le bénéfice de l’expérience acquise dans un pays dont le droit est très avancé. Cela dit, l’originalité qu’ont parfois voulu montrer les rédacteurs des Acte uniformes – sans doute pour tenir uploads/S4/ cours-de-suretes-moussa-thioye.pdf

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  • Publié le Nov 05, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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