13 1 F ondements juridiques et responsabilités en matière d’atteintes causées à

13 1 F ondements juridiques et responsabilités en matière d’atteintes causées à l’eau et aux milieux aquatiques Les enjeux liés à la caractérisation du dommage écologique n Introduction n Sources et évolutions du droit de l’eau : vers une gestion intégrée visant à limiter les activités impactant les milieux n La prise en compte par le droit du dommage causé à la nature pour répondre aux comportements impactant les milieux n Les différents régimes de responsabilité permettant de réparer les préjudices résultant d’une atteinte à l’eau et aux milieux aquatiques n Conclusion n Fiche de synthèse 14 15 17 27 31 32 Introduction Les droits appréhendant la question des atteintes à l’eau et aux milieux aquatiques ont pour origine des sources de droit interne et externe (Encadré 2). Ils résultent en effet soit du droit international conventionnel ou coutumier, soit du droit européen, soit du droit national à travers la constitution ou les textes législatifs et réglementaires sur l'environnement en général, et l’eau en particulier. L’ensemble de ces dispositions juridiques sont intégrées dans ce que nous appelons l’ordonnancement juridique interne soit parce qu’elles émanent d’autorités françaises, soit parce que même si elles résultent d’autorités supranationales, elles ont fait l’objet d’une transposition en droit national via une loi nationale. L’ensemble de ces sources juridiques participent, comme nous le verrons, à la caractérisation des dommages écologiques parce qu’elles contribuent à les définir, à les préciser, à les traduire en droit pour les appréhender dans un processus juridique permettant de les aborder sous l’angle des différents régimes de responsabilité qui permettront aux juges administratif, civil et/ou pénal de s’en saisir et le cas échéant de les réparer. 14 La hiérarchie des normes Les règles de droit ont des origines diverses. Certaines sont internationales (les traités par ex.), européennes (directives, règlements, etc.), et d’autres sont nationales (Constitution, loi, règlement, coutume, jurisprudence, doctrine, etc.). La hiérarchie des normes est un classement hiérarchisé de l’ensemble des normes constituant le système juridique d’un État de droit. Elle permet de régler les problèmes de conflits de lois car, en principe, la norme d’un niveau inférieur doit être conforme à celle du niveau supérieur. La hiérarchie des normes, inspirée de la pyramide de Kelsen, révèle une superposition de strates enrichie par des éléments coutumiers ou convention- nels conduisant aujourd’hui à un ensemble complexe (le droit dit « post-moderne »). De manière synthétique, si le droit international impose certaines règles, le droit européen détermine de manière caractérisée le droit interne (national) lui-même hiérarchisé (Constitution, lois organiques, lois, décrets, arrêtés centraux ou locaux), avec des sources écrites, parfois aussi des sources non écrites dites coutumières. On notera aussi le rôle de la jurisprudence, assez significative en matière environnementale, qui résulte du rôle du juge chargé de trancher un conflit, de préciser des responsabilités et, souvent de déterminer le sens des règles applicables. Encadré 2 15 Sources et évolutions du droit de l’eau : vers une gestion intégrée visant à limiter les activités impactant les milieux Le droit de l’environnement, en sus des principes fondamentaux, est composé de plusieurs grands ensembles reposant sur des principes et des caractéristiques qui leur sont propres : n le droit de la protection du patrimoine naturel (protection des espèces et des espaces) ; n le droit de la protection des milieux (auquel appartient le droit de l’eau) ; n le droit de la lutte contre les pollutions et les nuisances (droit des installations classées…) ; n le droit de la prévention des risques (naturels ou technologiques). À l’instar du droit de l’environnement, le droit de l’eau est un droit qui a considérablement évolué au fil du temps principalement sous l’impulsion du droit européen et du droit international, à partir des années 1970. Le droit de l’eau est un droit original mais aussi complexe et particulier qui a pour principale fonction de faciliter la gestion et l’administration d’une ressource vitale, soumise à des usages multiples et sources de conflits potentiels et révélant des enjeux autant quantitatifs que qualitatifs (Loupsans & Drobenko, 2015). Ces éléments nécessitent une gestion équilibrée de la ressource en eau. Elle est traduite en droit français par l’article L. 211-1 du code de l’environnement qui est issu de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992. Ce mode de gestion doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Il doit également permettre de satisfaire ou concilier les différents usages, activités ou travaux mais aussi, la préservation des écosystèmes aquatiques, des zones humides, la protection contre les pollutions et la restauration de la qualité des eaux, le développement et la protection de la ressource en eau (art. L. 211-1 c. env.). Mais très vite, il est apparu qu’il ne suffisait pas de règlementer les usages de l’eau ou les activités qui en compromettent la qualité et la quantité. Ainsi l’évolution du droit français vers une gestion intégrée marque la prise de conscience de la nécessité d’élargir le panel des interventions publiques. La gestion intégrée peut être décrite comme un processus social et politique qui consiste à coordonner les décisions et les actions sur l'eau, les milieux aquatiques et plus largement sur les différents éléments qui composent une unité hydrologique et qui ont un impact sur la qualité et les flux d'eau. Elle implique la prise en compte sur un bassin ou un sous-bassin du maintien en quantité de la ressource en eau, la valorisation de l’eau comme ressource économique et valeur sociale, la protection de la qualité des eaux, la préservation des écosystèmes aquatiques sans oublier la prévention du risque inondation (Loupsans, 2014). Ce principe de gestion intégrée a été évoqué pour la première fois lors de la conférence internationale sur l'eau et le développement à Dublin en 1992. Il s'inscrit dans le paradigme du développement durable (Rapport Bruntland, 1987) qui La pollution de l'eau et ses problèmes juridiques, Paris, Librairies techniques, 1968, 204 pages Michel Despax présente dans cet ouvrage de 1968, l’ensemble des problèmes juridiques posés par la pollution de l'eau et les solutions qui y sont apportées en droit français et en droit international. II est le premier à avoir exploré un domaine longtemps négligé par le juriste alors que le monde scientifique s'inquiète depuis de longues années déjà de toutes les formes de dégradation du milieu naturel qui sont la rançon du développement industriel et technique incontrôlé. L'ouvrage de Michel Despax a permis de faire l'inventaire des outils juridiques dont nous disposions à l’époque pour combattre un phénomène dont la gravité n'échappe désormais plus à personne, de mesurer leur efficacité ou de détecter leur insuffisance. Il ressort de cet ouvrage, dont on pourrait dire qu’il n’a pas pris une ride, que les outils ne manquent pas pour combattre la pollution et ses conséquences. Encore faut-il, nous montre-t-il au fur et à mesure de son exposé, qu'ils soient pleinement utilisés. Encadré 3 Principales évolutions du droit de l’eau en France. Figure 2 envisage une meilleure intégration des multiples facettes du développement en respectant les milieux naturels. La gestion intégrée de l’eau exige donc une politique publique et un cadre juridique qui tiennent compte de la dyna- mique environnementale, sociale et économique de la ressource. Cela implique très souvent de dépasser les seuls enjeux nationaux, si bien que le défi pour l’ensemble des acteurs nationaux, européens et internationaux est d’arriver à concilier ces trois dimensions en produisant des principes, des règles et des procédures adaptées aux différentes échelles et ceci dans une optique coopérative. C’est pourquoi l’Union européenne (UE) et, avant elle, la Communauté économique européenne (CEE) ont, depuis 1972, fait un effort de codification pour proté- ger la ressource et les milieux (Loupsans, 2013). Cette incitation a amené le législateur français à inscrire, dès 1992, le droit français de l’eau dans son contexte européen et à élargir les orientations données par la loi de 1964 en enrichissant les fondements de cette politique publique, en la dotant d’outils de planification et en instaurant un contrôle renforcé des activités impactant le milieu. La directive cadre européenne sur l’eau (DCE), transposée en droit français par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA, 2006) s’inscrit dans ce mouvement. Elle complète et approfondit les dispositions de 1992 et fixe le cadre des missions notamment de contrôle affectées à l’Onema, qu’elle crée à cette occasion (Figure 2). 16 Codes napoléoniens Propriété de l’eau Pas de préoccupations liées à l’environnement Loi du 8 avril 1898 Régime de contrôle des usages par l’État Objectif : usages et salubrité publique Décrêt d'application de 1905 et le décrêt loi de 1935 sur la protection des eaux souterraines Loi sur l’eau du 16 décembre 1964 Satisfaction des usages parallèlement à une meilleure pré- servation des milieux Loi du 10 juillet 1976, loi pêche du 29 avril 1984 : la protection de la nature, la pré- servation des milieux aquatiques et du patrimoine piscicole sont d’intérêt général Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 Des écosystèmes en bonne santé pour satisfaire durablement uploads/S4/ cpa2017dommage-chp1.pdf

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  • Publié le Apv 27, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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