Lyon, le 7 janvier 2021 Mon Cher Confrère, Vous nous interrogez, par courrier d
Lyon, le 7 janvier 2021 Mon Cher Confrère, Vous nous interrogez, par courrier du 14 décembre, au sujet d’une occupation domaniale. La commune de Vendres possède un terrain dépendant du domaine public. Elle envisage d’installer deux « locataires » dont l’activité serait, d’une part, un ranch équestre, et, d’autre part, une activité commerciale de paintball et gonflable. Vous nous indiquez que l’activité de ranch équestre est « déjà en place sans aucun titre ni loyer depuis + 30 ans ». Vous écrivez : « j’ai déconseillé à cette commune d’établir un bail commercial et je pense qu’une cession du domaine public limitée dans le temps serait une meilleure solution ». Vous souhaitez savoir si cette solution est possible et quel type de contrat serait le plus adapté. A titre liminaire, il nous semble important de rappeler la définition du domaine public et ses critères d’identification. La définition du domaine public immobilier a connu une évolution législative importante, avec l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), le 1er juillet 20061. Au titre de l’article L. 2111-1 de ce Code, « le domaine public d’une personne publique […] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ». Cependant, l’entrée en vigueur du Code n’a pas eu d’effets rétroactifs si bien que les critères jurisprudentiels anciens de qualification du domaine public continuent à s’appliquer pour les biens immobiliers des personnes publiques construits avant le 1er juillet 20062. Le domaine privé, quant à lui, est défini de façon négative par rapport au domaine public. L’article L. 2211-1 du CGPPP dispose que « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier ». Vous nous avez indiquez que les terrains que la commune entend « louer » relève du domaine public. En l’absence de plus amples informations à ce sujet, nous tiendrons ce point pour acquis. I. Exclusion du bail commercial sur le domaine public Nous partageons votre avis sur l’impossibilité pour la commune d’autoriser l’occupation de ses terrains relevant du domaine public dans le cadre de baux commerciaux. Nous rappelons, en effet, que la conclusion d’un bail commercial est illégale et frappée de nullité sur le domaine public3. Le régime de l’utilisation privative du domaine public revêt obligatoirement un caractère précaire et temporaire4, ce qui fait obstacle à toute application du droit au renouvellement que le statut d’ordre public confère au preneur dans le cadre d’un bail commercial5. II. Exclusion d’une vente « temporaire » d’un bien relevant du domaine public La technique imaginée de la vente « temporaire » (« limitée dans le temps ») des terrains relevant du domaine public ne nous semble pas non plus possible à mettre en œuvre. Il faut rappeler, en premier lieu, que le domaine public est « inaliénable »6. La vente des terrains suppose donc, au préalable, que la commune mette en œuvre la procédure de sortie des biens du domaine public prévue par l’article L. 2141-1 du CGPPP qui dispose : « un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ». Pour pouvoir sortir du domaine public, les biens doivent faire l’objet d’une désaffectation matérielle et d’un déclassement juridique. Sur ce point nous rappelons que « la désaffectation est la cessation de l’utilisation du bien par le public ou par le service public tandis que le déclassement est l’acte juridique par lequel l’autorité compétente de la collectivité publique décide expressément de faire sortir un bien du domaine public. Par cet acte, elle authentifie, officialise la désaffectation »7. Pour que le bien soit matériellement désaffecté, il doit perdre sa destination d’utilité publique : « la dépendance du domaine public doit faire l'objet d'une désaffectation dans les faits. Le bien n'est effectivement plus affecté à l'usage direct du public ou à un service public : le bâtiment est fermé, les voies ferrées ne sont plus praticables, l'équipement public est détruit, etc. Autrement dit, le bien ne satisfait plus à la condition essentielle de la domanialité publique, celle de l'affectation »8. Une fois la désaffectation matérielle réalisée, l’autorité gestionnaire doit procéder à son déclassement juridique. Le déclassement est obligatoire9. Il doit revêtir un caractère exprès pour permettre le transfert du bien du domaine public au domaine privé10. Certes, il est possible, en l’espèce, que la commune déclasse les terrains qui relèvent de son domaine public en vue de les vendre aux opérateurs économiques concernés. Lors de la vente, elle devra respecter les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 2241-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui dispose « toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité »11. Néanmoins, la vente « temporaire » de ces terrains pose à notre avis des difficultés juridiques très importantes et ne nous semble pas appropriée. En effet, il existe un régime d’utilisation temporaire du domaine public qui permet au commune de « louer » des terrains relevant du domaine public12. Les difficultés juridiques d’une vente temporaire des terrains sont de plusieurs ordres : Au plan civil, la légalité de l’opération est loin d’être assurée. Pour R*** L******** : « le droit français ne conçoit pas l'idée de cession temporaire. Transférer la propriété, que ce soit par vente, donation ou autrement, c'est toujours investir un autre des pleins pouvoirs sur la chose, c'est-à-dire substituer le cessionnaire au cédant dans son appropriation. Or le cessionnaire ne saurait être considéré comme un plein propriétaire si cet investissement n'est que temporaire »13. Le contrat de vente n’est pas un contrat « temporaire » ; il a vocation à transférer la propriété d’un bien de manière définitive. A cet égard, il ne nous semble donc pas possible de considérer que le contrat ainsi rédigé pourra recevoir la qualification de « vente d’immeuble » au sens du Code civil (et qu’il produira les effets juridiques assortis à cette qualification). Au plan administratif, plusieurs difficultés se présentent : • il importe, d’abord, que la commune démontre l’intérêt général d’une telle opération de vente et de « rétrocession » (ou « rachat » dont nous ne connaissons pas les conditions financières) des parcelles (que nous imaginons construites) à la commune. La légalité des délibérations du conseil municipal est effectivement subordonnée à la poursuite de l’intérêt général. • s’il s’avère qu’un intérêt général est démontré (récupérer un terrain aménagé pour une activité de loisirs, équestre par exemple), le montage présenterait un risque de requalification en contrat de la commande publique14, dont la passation est subordonnée à des règles de publicité et de mise en concurrence (et qui expose les parties, en cas de non-respect, à un risque civil d’annulation du contrat15 et à un risque pénal de délit de favoritisme16). • enfin, si les terrains aménagés par les acquéreurs ont, dès l’origine, vocation à réintégrer le domaine public une fois que la vente « temporaire » (dont la légalité est loin d’être assurée au plan civil) aura pris fin, l’opération de déclassement – condition préalable à la vente – pourrait être déclarée illégale sur le fondement de la jurisprudence Préfet de la Meuse, qui condamne les sorties « temporaires » du domaine public, en vue d’une réaffectation future des biens « rétrocédés » à l’utilité publique17. En toute état de cause, si la conclusion de cette « vente temporaire » a pour objectif de contourner les nouvelles exigences de mise en concurrence domaniale qui s’imposent aux personnes publiques dans la conclusions de convention d’occupation du domaine public à « objet économique »18, la délibération du conseil municipal serait entachée d’illégalité pour détournement de procédure. Conclusion : en raison des risques juridiques importants qui pèsent sur cette opération de vente « temporaire » de biens relevant actuellement du domaine public, nous vous déconseillons de régulariser une telle opération contractuelle. Dans votre situation, il nous semble beaucoup plus approprié de recourir aux conventions d’utilisation privative du domaine public (dont la sécurité juridique ne fait pas de doute), spécialement conçues pour permettre à une personne publique de donner la jouissance privative d’un bien relevant du domaine public à un tiers. III. Possibilité de conclure une convention d’occupation du domaine public La commune peut envisager de conclure, avec des tiers, une convention d’occupation du domaine public, afin de leur permettre uploads/S4/ cridon-4.pdf
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- Publié le Mai 07, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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