Rapport pour le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSP
Rapport pour le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) La diffusion transfrontalière des œuvres adaptées en formats accessibles aux personnes empêchées de lire : obstacles et solutions envisageables Novembre 2013 Rapport établi par Catherine MEYER LERECULEUR Administratrice civile hors classe Chargée de mission à l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) Sommaire SYNTHÈSE ET AXES DES PRÉCONISATIONS ............................................................................................4 INTRODUCTION...................................................................................................................................................7 1. LES OBSTACLES À LA DIFFUSION TRANSFRONTALIÈRE DES ŒUVRES ADAPTÉES................8 1.1. LES RÈGLES RELATIVES À « L’EXCEPTION HANDICAP » AU DROIT D’AUTEUR FIXÉES PAR LES LÉGISLATIONS NATIONALES SE CARACTÉRISENT PAR UNE TRÈS GRANDE DIVERSITÉ...................................................................8 1.2. LES RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS DE DE LA CONVENTION DE BERNE NE FONT PAS L’OBJET D’UNE INTERPRÉTATION UNIFORME ET PARTAGÉE PAR LES PAYS UNIONISTES................................................................20 1.3. L’IMPRÉVISIBILITÉ DE LA LOI APPLICABLE ET L’INSÉCURITÉ JURIDIQUE EN DÉCOULANT A LIMITÉ JUSQU’ICI LES ÉCHANGES TRANSFRONTALIERS D’ŒUVRES ADAPTÉES................................................................24 2. LE NOUVEAU CONTEXTE CRÉÉ PAR L’ADOPTION DU TRAITÉ DE MARRAKECH ................36 2.1. L’HISTORIQUE DU PROJET DE TRAITÉ ........................................................................................................36 2.2. LE TEXTE ADOPTÉ LE 28 JUIN 2013 PAR LA CONFÉRENCE DIPLOMATIQUE ..............................................38 2.3. PORTÉE ET LIMITES DU TRAITÉ DE MARRAKECH .......................................................................................40 3. LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES .......................................................................................................43 3.1. LES SOLUTIONS REPOSANT SUR L’HARMONISATION DES LÉGISLATIONS NE POURRONT ÊTRE MISES EN ŒUVRE QU’À MOYEN TERME ..............................................................................................................................43 3.2. DES SOLUTIONS INDÉPENDANTES DE L’HARMONISATION PEUVENT ÊTRE MISES EN ŒUVRE À COURT TERME, DANS UN CADRE BILATÉRAL ET NATIONAL .......................................................................................................45 3.3. AUCUNE DES SOLUTIONS À DROIT CONSTANT N’EST SATISFAISANTE...........................................................50 ANNEXES..............................................................................................................................................................52 ANNEXE I - LETTRE DE MISSION.........................................................................................................................53 ANNEXE II - PERSONNES AUDITIONNÉES............................................................................................................55 ANNEXE III - ABRÉVIATIONS ET SIGLES..............................................................................................................57 ANNEXE IV - BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................59 ANNEXE V – CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, PARTIE LÉGISLATIVE (EXTRAITS) ..............................64 ANNEXE VI – CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (PARTIE RÉGLEMENTAIRE, EXTRAITS) .......................67 ANNEXE VII – LES DISPOSITIFS NATIONAUX RELATIFS À L’EXCEPTION HANDICAP...........................................71 ANNEXE VIII – TRAITÉ DE MARRAKECH DU 28 JUIN 2013................................................................................88 TABLE DES MATIÈRES...................................................................................................................................102 Synthèse et axes des préconisations Synthèse I) La conjugaison de la diversité des règles matérielles des législations nationales en matière d’exception handicap et des incertitudes quant au régime de la diffusion transfrontalière d’œuvres adaptées, conduit à une situation d’insécurité juridique, qui a jusqu’ici fait obstacle au développement de tels échanges. 1) La production d’œuvres adaptées dans des formats accessibles, ainsi que les modalités de leur diffusion aux personnes souffrant de déficience visuelle, sont régies par les législations nationales qui définissent, pour le territoire respectif de chacun des États, l’étendue des droits exclusifs d’auteur, tant positivement que par le périmètre de l’exception éventuellement admise au profit des personnes handicapées. À l’heure actuelle, ces législations, sont très diverses : non seulement le champ de l’exception varie d’un pays à un autre, mais seule une minorité de pays dans le monde prévoient une telle exception. 2) Les échanges transfrontaliers des œuvres adaptées en format accessibles, qui constituent des situations comportant - par définition - un élément d’extranéité, relèvent des règles internationales du droit d’auteur fixées par la Convention de Berne, l’accord ADPIC conclu dans le cadre de l’OMC en 1994 et le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, lesquelles protègent les œuvres hors de leur pays d’origine. 3) La Convention de Berne fixe un niveau minimum de protection, défini par les droits exclusifs qui doivent être reconnus aux auteurs et par les exceptions qui peuvent borner ces droits. L’exception au profit des personnes handicapées est ainsi autorisée par la Convention et les traités dérivés, dans la mesure où elle satisfait les conditions du test en trois étapes. En revanche, la Convention ne fixe aucune règle matérielle relative aux échanges d’œuvres adaptées sur le fondement des différentes législations nationales relatives au droit d’auteur. 4) En l’absence de règles internationales matérielles spécifiques, la diffusion transfrontalière des œuvres en format accessible relève des règles conventionnelles de droit international privé, qui permettent de déterminer, entre deux lois concurrentes, celle qui est applicable. En l’espèce, la règle de conflits de lois fixée par l’article 5(2) de la Convention de Berne et reprise par l’accord ADPIC et le traité de l’OMPI, donne compétence à la loi du pays où la protection est demandée1. 5) Cette règle de résolution des conflits de lois, expression du principe de territorialité 1 « L’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est réclamée. » des droits de propriété intellectuelle, est désormais très largement interprétée comme donnant compétence à la loi du pays pour lequel la protection est demandée, cette interprétation étant en particulier consacrée, au plan européen, par l’article 8 du Règlement du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit « Rome II »)2. Elle est également retenue, tant de manière générale que pour la loi applicable aux exceptions, par les « Principes de conflit de lois dans le domaine de la propriété intellectuelle », instrument de « droit souple » publié sous l’égide de l’Institut Max Planck. 6) En théorie, la règle de conflit bilatérale de l’article 5(2) de la Convention de Berne, ainsi interprétée, devrait permettre de résoudre une partie des questions posées par la circulation transfrontalière d’œuvres adaptées. Il en résulte en effet que la loi applicable à la diffusion dans un pays B, d’une œuvre adaptée dans un pays A, est la loi du pays B. Ainsi, la loi applicable à la diffusion, en France, d’une œuvre adaptée, dans n’importe quel autre pays, est la loi française. Réciproquement, la loi applicable à la diffusion, par exemple en Belgique, d’une œuvre adaptée en France, est la loi belge. Toutefois, en pratique, ces questions sont loin d’être résolues, la règle de l’article 5(2) faisant l’objet (au plan international, mais également au plan interne) de biens d’autres interprétations pouvant conduire à désigner une autre loi. La question de la loi applicable et ses conséquences sur l’invocabilité d’une exception aux droits exclusifs n’est d’ailleurs pas inédite : elle a fait l’objet de décisions de jurisprudence en France et en Belgique, dans des affaires où la société Google se prévalait de l’application de l’exception de fair use prévue par la législation américaine. 7) En l’absence, d’une part, de règles matérielles harmonisées au plan international, et, d’autre part, d’une interprétation uniforme de l’article 5(2) de la Convention de Berne par les juridictions des 167 États parties à la Convention, le régime juridique des échanges transfrontaliers est pour le moins incertain. À l’incertitude pesant sur la loi compétente s’ajoute en effet celle pesant sur l’interprétation du contenu matériel de cette loi, en particulier s’agissant de la portée des exceptions aux droits de distribution et de mise à disposition du public reconnues par la législation nationale applicable, ainsi que celle pesant sur les conditions d’épuisement du droit de distribution. 8) Ces incertitudes et leurs conséquences en termes de risque de qualification de contrefaçon (le cas échéant sur le terrain pénal, pour les États dont la législation n’admet pas de distinction selon que l’usage contrefaisant est ou non commercial) placent ainsi les échanges transfrontaliers dans une situation d’insécurité juridique majeure, qui a constitué jusqu’ici le principal obstacle aux échanges transfrontaliers. En pratique, ces échanges sont très limités, ce qui limite l’offre disponible pour les 2 « La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle est celle du pays pour lequel la protection est revendiquée ». personnes empêchées de lire, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. 9) Eu égard au caractère hautement improbable de l’établissement, au sein de l’OMPI ou de l’OMC, de règles conventionnelles univoques de résolution de confits des lois en matière de propriété intellectuelle, l’harmonisation des règles de droit matérielles paraît être la solution la plus adéquate du point de vue juridique. II) Le Traité adopté le 28 juin dernier à Marrakech par les 184 membres de l’OMPI constitue, malgré ses imperfections, une avancée majeure, dans la mesure où il instaure un cadre juridique contraignant. 10) En premier lieu, le Traité ne se borne pas à imposer aux États d’introduire dans leur législation nationale une exception au droit d’auteur au profit des personnes empêchées de lire, mais il en fixe précisément le contenu obligatoire, s’agissant, d’une part, des actes couverts par l’exception (droit de reproduction, droit de distribution et droit de mise à disposition du public »), et, d’autre part, de la définition des bénéficiaires finaux. Ce faisant, le Traité crée les conditions d’une harmonisation internationale des législations qui ne laisse plus de place aux querelles d’interprétation des règles de conflit de lois. Si la loi du pays A est identique à celle du pays B, peu importe quelle est celle de ces deux lois qui est applicable. 11) En second lieu, en imposant aux États d’introduire dans leur législation une disposition autorisant expressément la diffusion, dans un pays « B », des œuvres adaptées en format accessible dans le pays « A » (par distribution d’exemplaires matériels ou mise à disposition), sans autorisation des ayants droit, le Traité permet d’échapper aux incertitudes sur la légalité des échanges transfrontaliers. Il met fin aux débats uploads/S4/ cspla-diffusion-transfrontalie-re-des-oeuvres-adapte-es-en-format-accessible-nov-2013.pdf
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- Publié le Sep 20, 2022
- Catégorie Law / Droit
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