DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS Schématiquement présentée, la discipline traite d

DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS Schématiquement présentée, la discipline traite de trois questions juridiques cruciales se rattachant aux principaux biens utilisés par les personnes publiques dans l'exercice de leurs missions : celle du statut de ces biens (la domanialité publique), celles des travaux dont ils peuvent faire l'objet (les travaux publics), celle de leur acquisition éventuelle par une procédure exorbitante (l'expropriation). Le cours sera donc divisé en trois parties correspondant à cette distinction traditionnelle. PREMIERE PARTIE : LE DOMAINE PUBLIC Dans le cadre de la distinction classique entre droit public et droit privé, on pourrait être tenté d'assimiler le domaine public au patrimoine des personnes publiques en l'opposant à un domaine privé constitué par les propriétés des particuliers. I1 n'en va pas ainsi : dans la terminologie juridique habituelle, les biens des particuliers sont généralement désignés comme propriétés privées, alors que la notion de domanialité est réservée aux biens des personnes publiques, que l'on divise en domaine public et domaine privé. Soumis en principe à un régime juridique analogue à celui des propriétés privées, le domaine privé n'est pas dépourvu de particularités qui pourraient justifier des développements assez longs à son sujet. Pourtant, il n'est en général évoqué que subsidiairement, par opposition au domaine public qui, compte tenu du caractère exorbitant de son statut, constitue l'objet principal de notre discipline. L'étude du domaine public implique une double démarche: - en premier lieu, il convient de déterminer, parmi les biens des personnes publiques, ceux qui relèvent de la domanialité publique (titre I) - en second lieu, il convient d'analyser le régime juridique applicable à ces biens (titre II). Titre I: la notion de domaine public. Avant d'aborder ses critères (chapitre I) et son étendue (chapitre II), on exposera ses origines dans un bref préliminaire. Les origines de la domanialité publique : La distinction entre les biens des personnes publiques, si elle fait aujourd'hui l'objet d'une construction théorique élaborée, est née de longue date, en vue de faire face à des difficultés concrètes, notamment afin de protéger certains d'entre eux contre l'aliénation et la prescription acquisitive. Sous l'Ancien Régime, déjà, le domaine de la Couronne, bien que propriété du Roi, ne pouvait en principe être aliéné, le monarque n'en étant qu'une sorte d'administrateur (édit de Moulins, 1566). Cependant, certains théoriciens (Loyseau, Domat) avaient esquissé une distinction, en estimant que seuls les biens affectés à l'usage du public devaient bénéficier d'une protection étendue. 1 Sous la Révolution, le domaine de la Couronne devient le domaine national, régi par la loi des 22 nov. et 1er déc. 1790 qui, tirant les conséquences de la conception idéalisée d'une nation infaillible et souveraine, indique dans son préambule que "la maxime de l'inaliénabilité, devenue sans motif, serait préjudiciable à l'intérêt public ”, et autorise le législateur à céder, dans l'intérêt général, les éléments d'un patrimoine appelé tantôt domaine national, tantôt domaine public. Cette terminologie variable, initialement justifiée par le seul souci d'éviter dans le texte des répétitions fastidieuses, a été l'amorce d'une distinction juridique. En effet, progressivement, au sein du domaine national, la doctrine a séparé les biens en fonction de leur intérêt pour la collectivité et de la protection qui devait ainsi en résulter. Ebauchée par certains des premiers commentateurs du Code Civil (Pardessus, Duranton), la théorie a notamment été exposée par Victor Proudhon, qui, dans son Traité de droit public, de 1833, distingue le domaine public, inaliénable et imprescriptible, et le domaine de l'Etat, soumis au droit privé. La loi du 16 juin 1851 sur la propriété en Algérie a confirmé cette construction, si bien qu'en 1877, Ducroc (cours de droit administratif) peut écrire : " le domaine national se divise en deux parties distinctes: le domaine public et le domaine de l'Etat, ou domaine privé de l'Etat ". Avec l'accession progressive des collectivités locales à l'autonomie, la distinction ne pouvait s'appliquer exclusivement aux biens de l'Etat, si bien que les appellations initiales, au demeurant assez ambiguës, ont évolué, pour finalement partager les biens appartenant aux personnes publiques entre domaine public et domaine privé. Cependant, une fois le principe de cette séparation admis, il restait à déterminer ses critères. Chapitre I : Les critères de la distinction entre domaine public et domaine privé. L'article 538 du Code Civil, reprenant presque intégralement les termes de la loi de 1790, disposait, en 1804 que "sont considérés comme des dépendances du domaine national les chemins, routes et rues à la charge de l'Etat, les fleuves et rivières navigables et flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et, généralement, toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles de propriété privée ". L'article 539 ajoutait à cette liste tous les biens vacants et sans maître. En 1807, l'idée de nation s'étant dépréciée, le terme "national" avait été remplacé par "public". Il était donc envisageable de définir la notion de domaine public à partir de l'énumération du Code Civil. Toutefois, cette définition législative présentait l'inconvénient de lier la portée de la distinction entre domaine public et domaine privé au contenu d'un texte rédigé longtemps avant son apparition. Manifestement, les rédacteurs du code avaient pour seul souci d'opposer les biens publics à ceux des particuliers (d'où leur référence aux biens insusceptibles de propriété privée), et n'entendaient pas consacrer des différences de statut au sein du patrimoine public. Faute de loi applicable, c'est finalement la doctrine qui, avec la jurisprudence, sera à l'origine des critères de la distinction au sens où on l'entend actuellement. Section I : La genèse des critères. L'évolution des critères du domaine public témoigne d'une tendance à l'extension progressive de la protection accordée par la domanialité publique à des biens de plus en plus nombreux. Dès les origines de la notion, deux conceptions complémentaires se sont affrontées. Elles prenaient toutes deux en considération l'affectation (l'utilité) des biens pour justifier leur 2 inclusion dans le domaine public, mais divergeaient dans l'appréciation de son étendue. La plus restrictive a d'abord prévalu, jusqu'à ce que la plus extensive s'impose elle aussi. 1) La conception restrictive initiale: Défendue par Proudhon, puis par quelques pères fondateurs du droit administratif français (Th. Ducroc, Berthélémy not.), elle intègre dans le domaine public les biens des personnes publiques insusceptibles de propriété privée, les autres constituant le domaine privé. Cette conception se réclamait parfois de manière peu convaincante des formules de l'art. 538 du Code Civil, ou de la nature purement physique des biens concernés, qui les rendrait matériellement insusceptibles de propriété privée. Le plus souvent, cependant, ses tenants se référaient à l'utilisation du bien, son affectation à l'usage de tous. Ainsi, dans leur Traité de la fortune publique (1850), Macarel et Boulatignier écrivaient : " L'une des branches du domaine national à laquelle on donne le nom de domaine public comprend toute cette portion des biens qui restent en jouissance commune et dont les étrangers peuvent profiter eux-mêmes comme les nationaux ". L'usage est ici entendu comme l'utilisation effective par la collectivité des citoyens, et non comme une simple utilité. C'est pourquoi cette conception intègre essentiellement dans le domaine public les lieux de circulation: voies navigables, rivages, voies publiques. En revanche, les bâtiments publics, même affectés à l'intérêt général (mairies, écoles, etc.), et utilisés par le public, sont considérés comme ne différant pas suffisamment des biens des personnes privées. Pour Berthélémy, par exemple (Traité élémentaire de droit administratif, 1902) "une école publique ne se distingue pas, à la vue, d'une école privée, un presbytère ne se distingue pas d'une maison d'habitation quelconque; une forêt domaniale ne se distingue pas d'un bois particulier". Ces biens, malgré leur utilité, n'étaient pas "hors commerce", estimait-on. La jurisprudence a longtemps consacré cette conception restrictive. Ainsi, à propos de la qualification d'un hôtel de préfecture, la C. A. de Paris affirmait: " loin de soustraire au droit commun les propriétés de ce genre, la loi les soumet expressément aux mêmes prescriptions que les propriétés particulières ce qui implique qu'elles sont dans le commerce ; l'affectation à un service public de constructions susceptibles, par leur nature, d'une destination différente, n'en change pas le caractère " (18 fév. 1854, Préfet d'Eure et Loir, D. 1854 p.178). 2) La conception extensive: Elle intègre dans le domaine public non seulement les biens affectés à l'usage direct du public, mais aussi ceux affectés à une activité d'intérêt général. C'est pourquoi elle a été développée par l'école dite du service public. Pour Hauriou, par exemple, "toute la domanialité publique repose sur l'idée de l'affectation des choses à l'utilité publique". Duguit, lui aussi, considère que "le fondement de la domanialité publique est l'idée d'une affectation à un service public". I1 reste que l'adoption d'un critère aussi extensif risque d'entraîner l'intégration dans le domaine public de la quasi totalité des biens des personnes publiques, et, donc, un alourdissement excessif de leur gestion, compte tenu de la protection dont ils devraient bénéficier. Aussi les tenants de cette conception ajoutent-ils généralement à l'affectation un critère complémentaire : pour Hauriou, par exemple, ce doit être une décision administrative expresse de classement dans le uploads/S4/ dadb.pdf

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  • Publié le Nov 08, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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