IOSR Journal Of Humanities And Social Science (IOSR-JHSS) Volume 21, Issue9, Ve

IOSR Journal Of Humanities And Social Science (IOSR-JHSS) Volume 21, Issue9, Ver. 4 (Sep. 2016) PP 13-29 e-ISSN: 2279-0837, p-ISSN: 2279-0845. www.iosrjournals.org DOI: 10.9790/0837-2109041329 www.iosrjournals.org 13 | Page De la justiciabilité des droits humains sociaux en droit international Par Alfred Mwenedata, Ph. D. I. INTRODUCTION GENERALE Cet article se propose d’étudier le contexte des droits humains économiques, sociaux et culturels et la question de leur justiciabilité. L’on ne parlera que de la reconnaissance judiciaire des droits sociaux. Il ne s’agit pas ici de savoir si la reconnaissance des droits de l’homme sociaux les constate ou les crée ; car le problème est d’ordre spéculatif. A supposer, en effet, que la reconnaissance acquiesce à des prérogatives qui lui sont antérieures, il reste que, concrètement, les droits individuels ne sont ni invocables ni utilisables tant qu’ils ne sont pas reconnus. Depuis plusieurs décennies, la communauté internationale intensifie ses efforts pour assurer l’intégration des droits de tous un chacun sans distinction aucune dans le dispositif de protection des droits humains. En effet, l’interprétation des normes du droit international relatives aux droits humains tiennent davantage compte des rapports sociaux et juridiques qui doivent exister entre les individus eux-mêmes et entre les individus et les Etats, comme le témoignent la Charte des Nations Unies adoptée en juin 19451 ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en décembre 1948.2 La division entre droits civils et droits sociaux tend, de nos jours, à être remis en cause: des mouvements sociaux n’hésitent plus à revendiquer en justice le droit à la nourriture, le droit à l’eau potable, le droit à la propriété, le droit au logement ou aux soins de santé, pour ne citer que peu ; des constructions intellectuelles nouvelles s’élaborent et repensent l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme3 ; certains juges, tant internationaux que nationaux, contribuent par leurs décisions à renforcer la justiciabilité, l’effectivité et l’opposabilité des droits sociaux.4 Ces mouvements d’évolution de la mise en exercice d’un Etat de droit social sont remarquables en Amérique du Sud, en Inde, en Afrique du Sud et se remarque également dans d’autres systèmes juridiques, notamment européens.5 Malgré le conservatisme de la primauté jadis accordée par les gouvernements occidentaux aux droits civils et politiques et la variété des objections et/ou opinions doctrinales adversaires au regard de la justiciabilité des droits sociaux, il faut combler le déséquilibre entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels pour placer les deux groupes des droits sur un pied d’égalité. Notre article vise à démontrer que les droits économiques, sociaux et culturels peuvent aussi bénéficier des mesures d’examen et des décisions de justice ; qu’il est souhaitable d’obtenir des tels jugements, et enfin qu’en pratique, des nombreux tribunaux à travers le monde ont déjà émis des tels jugements concernant plus ou moins directement les droits économiques, sociaux et culturels. Cette série des recherches témoigne notre volonté de reconnaître l’importance d’une approche spécifique et des méthodes cohérentes pour documenter la question de la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels. L’objet de la présente étude est axé sur trois grands points à savoir : Notions sur le concept des droits humains (chapitre premier), la précision du contexte des droits économiques, sociaux et culturels (chapitre 2), et le développement jurisprudentiel en matière de justiciabilité des droits sociaux (chapitre 3). 1 Voir les articles 1, 55, 56 de la Charte des Nations Unies adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1945. 2 Voir l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1945. 3 A. Neier, “Social and Economic Rights: A Critique”, in Human Rights Brief 13-2 (2006), 1-3. 4 G. Rosenberg, The Hollow Hope: Can Courts Bring About Social Change?, Chicago: University of Chicago Press, 1991, pp 2 et ss. 5 C. Tomuschat, “An Optional Protocol for the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights?”, in Weltinnenrecht-Liber amicorum Jost Delbrück, Duncker & Humblot, Berlin, 2005, pp. 815-834. De la justiciabilité des droits humains sociaux en droit international DOI: 10.9790/0837-2109041329 www.iosrjournals.org 14 | Page Chapitre premier : Notions sur le concept des droits humains Dans ce chapitre relatif aux notions sur le concept des droits humains nous allons insister sur trois points à savoir : l’introduction (section première), les droits humains définis par la philosophie du droit naturel (section 2), l’universalité et relativisme culturel (section 3). Section première : Introduction La notion des droits fondamentaux de l’homme est aussi rarement élucidée que fréquemment utilisée. Pour Levinet : « L’homme y signifie l’être humain au sens générique du terme. Il est vrai que les instruments juridiques internes et internationaux l’envisagent souvent réduits à une catégorie d’êtres : citoyen, femme, enfant, travailleur, étranger, réfugié, etc. En outre, ils sont parfois relatifs, non pas aux seuls individus, mais à des groupements considérés comme tels : associations (dont les formations politiques), syndicats et autres groupements à caractère professionnel, etc. Mais les difficultés de telle ou telle catégorie d’homme ne différent pas fondamentalement de problèmes soulevés par les droits de l’être humain. Toutefois, cette dernière notion s’avère floue, d’une imprécision qui est tantôt substantielle, tantôt temporelle ».6 Jusqu’à l’heure actuelle, les auteurs ne conçoivent pas de la même façon le concept des droits fondamentaux de l’homme. Certains, à l’instar de Clapham, invoquent que « les droits fondamentaux constituent une demande morale de rectifier toute sorte d’injustice dans la vie courante ; pour d’autres, ce n’est plus qu’un slogan d’être traité avec suspicion, ou bien même hostilité ».7 D’autres, quelquefois, considèrent que les droits fondamentaux de l’homme représentent presqu’un terme d’art, se référant aux détails du droit national ou international des droits de l’homme, comme c’est l’idée de Jacques Mourgeon qu’ « aucune description du contraire n’ayant été effectuée à cet effet, que la personne est par nature dotée des prérogatives, c’est-à-dire des facultés de consciemment faire ou agir, s’abstenir ou refuser, réclamer, obtenir et, surtout, se protéger. Par elles-mêmes, elles ne sont points des droits ».8 Pour accéder à leur qualité, les prérogatives doivent faire l’objet d’un statut particulier : le statut juridique. Il est nécessaire, et suffisant, que la règle y touche de quelque manière : par l’acceptation, la limitation, l’organisation, la régulation, l’obligation ou l’interdiction : point de droit sans droit, et point de droit qui ne soit une prérogative, mais pas nécessairement l’inverse. Mais, si les prérogatives touchées par le droit sont constitutives des droits, ceux-ci ne sont pas tous les droits de l’homme. Les relations sociales comportent intrinsèquement l’exercice des droits qui concrétisent la sociabilité.9 Beaucoup ne sont pas directement relatifs à la personne, mais à un acte juridique tel qu’un contrat, ou à une chose : ainsi en est-il des droits du créancier à l’encontre de son débiteur, ou du propriétaire au regard de son bailleur, ou inversement. En effet, les droits fondamentaux de l’homme ne sont analysables que par la description de leur nature, et de leur contenu, en dehors de toute interprétation théorique, voire philosophique.10 Pour Alland, D., le concept des droits fondamentaux de l’homme apparaît en définitive comme un concept de civilisation.11 Ainsi, l’auteur poursuit sa théorie en ces termes : « Le concept des droits fondamentaux de l’homme indique ce qu’il y a de spécifiquement humain dans les droits des sociétés. Il peut se traduire dans diverses cultures dont la richesse doit être préservée. Son adoption n’implique pas l’uniformisation des droits positifs, mais l’intégration dans chacun d’eux des exigences d’une identité proprement humaine dont on ne peut nier l’universalité, et dont l’effectivité doit être assurée».12 D’autres chercheurs comme Leah Levin n’ont pas explicitement utilisé le terme « prérogatives », mais font recours au terme « droits moraux » : 6 M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles: Bruylant, 2006, p. 163; A. Roberston et J. Merrils, Human Rights in the World, Manchester : Manchester University Press, 1996, pp.1 et ss. 7 Andrew Clapham, Human Rights: a very short Introduction, Oxford : Oxford University Press, 2007, p.1; P. Gregorio, Théorie générale de droits fondamentaux, Paris : LGDJ, 2004, p. 271; R. Degni-Segui, Les droits de l’homme en Afrique noire francophone: théorie et réalités, Abidjan : Imprimob, 1997, pp. 4-5 ; Mireille Delmas-Marty, Le relatif et l’universel, Paris : Seuil, 2004, p. 3 et ss. 8 Jacques Mourgeon, Les droits de l’homme, 1ère édition, Paris : PUF, 1978, p. 6 ; F. Jullien, « Universels, les droits de l’homme ? » in Le Monde Diplomatique, février 2008, p. 24. 9 L. Favoreu, et al., Droit des libertés fondamentales, 3ème édition, Paris : Dalloz, 2005, p. 14. 10 P. Wachsamann, Les droits de l’homme, 4ème édition, Paris : Dalloz, 2002, p. 50 ; Marcello Raffin, « Pour une généalogie de la question des droits de l’homme » in Aspects, n° 1, 2008, pp. 133-140. 11 D. Alland, Droit international public, Paris : PUF, Collection Droit Fondamental, 2000, p. 577. 12 Michel Villey, Le droit et les droits de l’homme, Paris : PUF, 1998, pp. 2 et ss. De la justiciabilité des droits humains sociaux en droit international DOI: 10.9790/0837-2109041329 www.iosrjournals.org 15 uploads/S4/ de-la-justiciabilite-des-droits-humains-sociaux-en-droit-international 1 .pdf

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  • Publié le Jul 14, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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