Introduction générale 1. Le droit du commerce international évoque les mosaïque
Introduction générale 1. Le droit du commerce international évoque les mosaïques de Ravennes. 2. Comme une mosaïque, il rassemble des émaux de formes et de couleurs différentes. En premier lieu, les sources du droit du commerce international sont très diversifiées et se combinent pour produire des résultats parfois surprenants : droit national et droits étrangers, conflit de lois et règles matérielles de droit du commerce international, droit éta- tique ou interétatique et lex mercatoria issue de la communauté des mar- chands, principes et règles tatillonnes, règles et décisions, liberté des opérateurs et souveraineté des États... D’un point de vue académique, le droit du commerce international est donc un terrain propice à une réflexion sur les sources du droit. En second lieu, le droit du commerce international emprunte aux différentes branches du droit, bien définies dans le monde académique, mais entremêlées dans la vie des affaires : droit commercial, droit international privé, droit international public, droit des contrats, droit douanier, droit de la procédure... 3. Comme une mosaïque, le droit du commerce international fait preuve d’une grande unité transcendant la diversité des éléments qui le composent. L’unité du droit du commerce international repose sur une méthode d’analyse, parfois inductive, nécessaire pour appréhender les problèmes juridiques soulevés par les opérations internationales. Il faut « réunir les morceaux du puzzle, accepter d’examiner comme un ensemble ce manteau d’arlequin »1. 4. Comme une mosaïque, le droit du commerce international doit aussi savoir faire oublier sa technicité à qui le contemple. L’opérateur, accompagné par des conseils avisés, aspire en effet à la réalisation de ses projets dans des conditions raisonnables de prévisibilité et de coût. Utilisant un vocabulaire contemporain, un Européen féru de droit 1. Ph. FOUCHARD, « La conception d’une nouvelle discipline » in Ph. FOUCHARD, L. VOGEL (dir.), L’actualité de la pensée de Berthold Goldman, Paris, Panthéon-Assas, 2004, p. 21 s. communautaire rechercherait la sécurité juridique tandis qu’un Améri- cain féru d’économie du droit2 rechercherait l’abaissement des coûts de la transaction. En d’autres termes, une ingénierie juridique sophistiquée est souvent nécessaire pour garantir la fluidité de l’opération de com- merce international. 5. Comme une mosaïque, le droit du commerce international doit être observé à bonne distance. Contemplée de trop loin, la mosaïque perdrait de sa richesse et les formes se confondraient. C’est pourquoi le droit du commerce international se dérobe au bachotage et à la lecture rapide. Le lecteur prendra soin d’analyser les différents mécanismes ou contrats et de se reporter à la bibliographie sélectionnée figurant au fil du texte en notes de bas de page. Mais à l’inverse, l’œil attiré par un éclat, contem- plant la mosaïque sans recul, l’observateur perdrait de vue l’architecture de l’ensemble et les différentes interactions. Un tel péril est aussi dange- reux pour l’étudiant et le praticien. C’est pourquoi ce manuel ne prétend pas à une exhaustivité de toute façon illusoire même dans une encyclo- pédie tant les monographies sont nombreuses sur chacun des sujets abordés. 6. Comme une mosaïque, le droit du commerce international est enfin caractérisé par sa grande permanence, au-delà des modes doctrina- les, des évolutions économiques et techniques. Certes, sur un plan aca- démique, la formation de cette branche du droit est récente, sous l’impul- sion de pionniers3. Certes, selon le moment et l’angle d’observation, les questions apparaissent sous un nouveau jour. Mais il est rare que ces questions, nées des pratiques commerciales, soient complètement nou- velles pour qui connaît l’histoire du droit commercial4 et du droit inter- national. Un solide raisonnement juridique et une saine compréhension des mécanismes techniques et commerciaux doivent permettre de trouver une solution sans céder aux sirènes de la nouveauté et du crépuscule du droit. 7. Dans une première approche, nous examinerons trois facettes du droit du commerce international qui contribuent à son originalité : d’abord, les sources du droit du commerce international (§ 1), ensuite, 16 Droit du commerce international 2. R.-H. COASE, La firme, le marché et le droit, Paris, Diderot éditeur, 1988 ; Le coût du droit, Paris, PUF, 2000. 3. D’abord P. ARMINJON, Droit international privé du commerce international, Paris, Dalloz, 1948, puis Y. LOUSSOUARN, J.-D. BREDIN, Droit du commerce international, Paris, Sirey, 1969, dans une optique privatiste ; B. GOLDMAN, Droit du commerce inter- national, Paris, Les cours du droit, 1970, dans une perspective pluraliste. 4. R. SZRAMKIEWICZ, Histoire du droit des affaires, Paris, Montchrestien, 1990 ; J. BART, « La lex mercatoria au Moyen Âge : Mythe ou réalité ? » in Mélanges Kahn, 2000, p. 9 ; A. GOURON, « Commerce et diffusion du droit romain », Études H. Cabrillac, 1968, p. 205. la conciliation des intérêts dans les opérations commerciales internatio- nales (§ 2), enfin la dialectique entre actualité et permanence des ques- tions rencontrées (§ 3). §1. Le jaillissement des sources 8. Le droit du commerce international est le cadre privilégié d’une réflexion sur le pluralisme des sources du droit, réflexion magistralement entamée en droit interne par Geny5, avant d’être poursuivie dans l’ordre international par Goldman6. Dans les lignes introductives qui vont suivre, il ne saurait être question d’esquisser une hiérarchie ou même une classi- fication des sources du droit du commerce international car une entre- prise aussi ambitieuse mobilise la doctrine7 depuis plus de cinquante ans. Nous en livrerons plutôt une présentation pédagogique en opposant, selon une formule sans doute réductrice, le construit (A) et le donné (B), avant d’esquisser une méthode de combinaison (C). 9. L’opposition entre le « droit construit » d’une part, et un droit moins formalisé constitué de principes d’autre part est une dialectique classique de la théorie du droit. Tantôt le Doyen Geny8 oppose-t-il au « construit » le « donné », accueillant à la fois les fruits d’une approche réaliste et d’une approche jus-naturaliste. Tantôt Hayek9 oppose-t-il au « droit construit » le « droit spontané », émanant cette fois de l’ordre spontané du marché, formalisé ensuite dans la loi ou resté à l’état d’usage. Tout en soulignant les limites de cette dialectique qui n’insiste pas assez sur les interactions entre ces deux corps de normes10, nous en conserverons l’approche en raison de leur valeur pédagogique. Introduction générale 17 5. F. GENY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, Paris, LGDJ, 2e éd., 1919, Reprint, 1996. 6. Infra no 20. 7. D. BUREAU, Les sources informelles du doit dans les relations privées internatio- nales, thèse Paris II, 1992. 8. F. GENY, Sciences et techniques en droit privé positif, 4 vol., Paris, Sirey, 1914-1924. 9. F. VON HAYEK, Droit, législation et liberté, trad. R. Audoin, Paris, PUF, 2e éd., 1989. 10. M. VILLEY, « François Geny et la renaissance du droit naturel », in Faculté de droit et de sciences économiques de Nancy, Le centenaire du Doyen François Geny, Paris, Dalloz, 1963, p. 39. Encore que Geny lui-même souligne que l’interprète doit combiner les sources du droit proprement dites et les simples autorités. A Le construit 10. Par droit construit, nous visons les normes élaborées dans l’en- ceinte d’une institution et revêtues, le plus souvent, de la force obliga- toire qui est leur est conférée par l’auteur de la norme. 11. Le droit étatique (lois11 et règlements tels qu’interprétés par la jurisprudence nationale) constitue bien sûr la première source du droit construit. Son application relève de la méthode du conflit de lois pour l’essentiel des règles de droit privé, ou de la méthode unilatérale qui consiste à rechercher la volonté d’application d’un texte dans l’espace. Il faut ensuite distinguer les règles ordinaires de droit interne (par exem- ple le droit des contrats), les règles matérielles de droit du commerce international voulues par le législateur ou dégagées par le juge12, et les lois de police qui entendent régir la situation internationale en raison de son lien territorial ou personnel avec la Nation. 12. Au droit étatique, il faut lier le droit interétatique adopté par la communauté des États. Figurent au premier rang les Conventions inter- nationales, d’abord négociées et signées par les États, puis ratifiées. Elles viennent alors s’insérer dans la pyramide de la hiérarchie des normes, le plus souvent à son sommet, en tout cas au-dessus de la loi13. En l’ab- sence de mécanisme donnant une compétence interprétative à une juri- diction internationale, il appartient aux juridictions nationales de l’inter- préter dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle. Il n’est pas nécessaire que les juridictions françaises sollicitent l’interprétation gou- vernementale. Si elles la sollicitaient, elles ne seraient de toute façon pas liées par cette interprétation gouvernementale14. La jurisprudence, tant du Conseil d’État que de la Cour de cassation, est en ce sens. Ainsi, la Cour de cassation décide qu’« il est de l’office du juge d’interpréter les traités internationaux (...) sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’avis d’une 18 Droit du commerce international 11. Il faut toutefois noter que la loi, présentée comme la source du droit par excellence, formule de moins en moins de règles de droit. Le législateur contemporain, qui cède vite à l’actualité en élaborant une « législation d’émotion », y développe parfois des déclara- tions de principe dépourvues de uploads/S4/ droit-de-commerce-international 2 .pdf
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- Publié le Dec 19, 2021
- Catégorie Law / Droit
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