N° 399922 - 1 - CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux N° 399922 _________ GOOG
N° 399922 - 1 - CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux N° 399922 _________ GOOGLE INC. _________ Mme Christelle Thomas Rapporteur __________ M. Alexandre Lallet Rapporteur public __________ Séance du 13 mars 2020 Lecture du 27 mars 2020 __________ REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème chambres réunies) Sur le rapport de la 10e chambre Vu la procédure suivante : Par une décision du 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux sur la requête de la société Google Inc. tendant à l’annulation de la délibération n° 2016-054 du 10 mars 2016 par laquelle la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a prononcé à son encontre une sanction, rendue publique, de 100 000 euros, a sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur les questions de savoir : 1°) si le « droit au déréférencement » tel qu’il a été consacré par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 13 mai 2014 sur le fondement des dispositions des articles 12, sous b), et 14, sous a), de la directive du 24 octobre 1995, doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un moteur de recherche est tenu, lorsqu’il fait droit à une demande de déréférencement, d’opérer ce déréférencement sur l’ensemble des noms de domaine de son moteur de telle sorte que les liens litigieux n’apparaissent plus quel que soit le lieu à partir duquel la recherche lancée sur le nom du demandeur est effectuée, y compris hors du champ d’application territorial de la directive du 24 octobre 1995 ; 2°) en cas de réponse positive à cette première question, si le « droit au déréférencement » tel que consacré par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt précité doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un moteur de recherche est seulement tenu, lorsqu’il fait droit à une demande de déréférencement, de supprimer les liens litigieux des résultats affichés à la N° 399922 - 2 - suite d’une recherche effectuée à partir du nom du demandeur sur le nom de domaine correspondant à l’Etat où la demande est réputée avoir été effectuée ou, plus généralement, sur les noms de domaine du moteur de recherche qui correspondent aux extensions nationales de ce moteur pour l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne ; 3°) en outre, si, en complément de l’obligation évoquée au 2°, le « droit au déréférencement » tel que consacré par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt précité doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un moteur de recherche faisant droit à une demande de déréférencement est tenu de supprimer, par la technique dite du « géo-blocage », depuis une adresse IP réputée localisée dans l’Etat de résidence du bénéficiaire du « droit au déréférencement », les résultats litigieux des recherches effectuées à partir de son nom, ou même, plus généralement, depuis une adresse IP réputée localisée dans l’un des Etats membres soumis à la directive du 24 octobre 1995, ce indépendamment du nom de domaine utilisé par l’internaute qui effectue la recherche. Par un arrêt C-507/17 du 24 septembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur ces questions. Par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 novembre 2019 et 21 janvier 2020, la société Google LLC persiste dans ses conclusions. Elle soutient que la formation restreinte de la CNIL a entaché sa délibération d’une erreur de droit en retenant le principe d’un déréférencement mondial et que la solution technique mise en œuvre pour assurer le déréférencement satisfait aux exigences posées par le droit de l’Union européenne tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne. Par deux nouveaux mémoires en défense, enregistrés les 29 novembre 2019 et 6 février 2020, la CNIL conclut au rejet de la requête. Elle soutient que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne n’interdit pas qu’une autorité de contrôle nationale ordonne la mise en œuvre d’un déréférencement mondial et que la solution technique mise en œuvre par Google pour assurer le déréférencement ne satisfait pas aux exigences de protection effective des données personnelles. Par une intervention, enregistrée le 13 janvier 2020, Wikimedia Foundation Inc. demande que le Conseil d’Etat fasse droit aux conclusions de la requête de la société Google Inc. Elle soutient que la formation restreinte de la CNIL ne pouvait ordonner un déréférencement mondial qu’à l’issue d’une mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles et le droit à l’information propre à un cas d’espèce et non par un raisonnement de principe. Par une intervention, enregistrée le 28 janvier 2020, la société Microsoft Corporation demande que le Conseil d’Etat fasse droit aux conclusions de la requête de la société Google Inc. Elle soutient que la formation N° 399922 - 3 - restreinte de la CNIL ne pouvait ordonner un déréférencement mondial qu’à l’issue d’une mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles et le droit à l’information propre à un cas d’espèce et non par un raisonnement de principe et que la CNIL a commis une erreur de droit en écartant la solution technique de déréférencement proposée par la société Google qui satisfait aux exigences du droit afférent. Vu les autres pièces du dossier, y compris celles qui ont été visées par la décision du Conseil d’Etat du 19 juillet 2017 ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; - l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. contre Agencia Española de Protección de Datos, Mario Costeja González (C-131/12) ; - l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Google LLC contre CNIL (C-507/17) ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Google LLC., à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Wikimedia Foundation Inc, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Microsoft Corporation, à Me Haas, avocat de Reporters Committee for Freedom of the Press et autres, à la SCP Tapie, Rousseau-Tapie, avocat de l’association Article 19 et autres ; Considérant ce qui suit : N° 399922 - 4 - 1. Wikimedia Foundation Inc, et la société Microsoft justifient d’un intérêt suffisant à l’annulation de la délibération attaquée. Ainsi, leurs interventions sont recevables. 2. Il résulte de l’instruction que, par une décision du 21 mai 2015, la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mis en demeure la société Google Inc., lorsqu’elle fait droit à une demande d’une personne physique tendant à la suppression de la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, de liens menant vers des pages web, d’effectuer cette suppression sur toutes les extensions de nom de domaine de son moteur de recherche. Par une délibération du 10 mars 2016, après avoir constaté que la société ne s’était pas, dans le délai imparti, conformée à cette mise en demeure, la formation restreinte de la CNIL a prononcé à son encontre une sanction, rendue publique, de 100 000 euros. La société Google Inc. demande l’annulation de cette délibération. 3. D’une part, l’article 45 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée, dispose que : « I. - La formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut prononcer, après une procédure contradictoire, un avertissement à l'égard du responsable d'un traitement qui ne respecte pas les obligations découlant de la présente loi. Cet avertissement a le caractère d'une sanction. / Le président de la commission peut également mettre en demeure ce responsable de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu'il fixe. En cas d'urgence, ce délai peut être ramené à cinq jours. / Si le responsable du traitement se conforme à la mise en demeure qui lui est adressée, le président de la commission prononce la clôture de la procédure. / Dans le cas contraire, la formation restreinte peut prononcer à son encontre, après une procédure contradictoire, les sanctions suivantes : / 1° Une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues par l'article 47, à l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'Etat ; (…) ». Ces uploads/S4/ decision-du-conseil-detat-dereferencement-27-mars-2020.pdf
Documents similaires










-
25
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 03, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.1104MB