* De la Société royale du Canada. Professeur titulaire à la Faculté de droit de

* De la Société royale du Canada. Professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. La conférence à l’origine de ces lignes s’est tenue le jeudi 6 novembre 2008 au salon des professeurs de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. L’au- teur tient à remercier Monsieur David Éthier, alors étudiant au baccalauréat, pour l’assistanat sur le plan de la recherche documentaire tant en bibliothèque que sur le terrain. L’auteur a également pu compter sur la généreuse collaboration des collègues suivants, qui ont bien voulu lui fournir des documents, des informations, des impres- sions et des conseils : Me Luc Plamondon, du Centre de droit privé et comparé de McGill ; les professeurs Christine Bicquet-Mathieu (de l’Université de Liège), Rémy Cabrillac (de l’Université de Montpellier), Antoine Leduc (alors de l’Université de Montréal), Denis Mazeaud (de l’Université de Paris 2), Adrian Popovici, Stéphane Rousseau et le doyen Gilles Trudeau (tous trois de l’Université de Montréal). Abstract With the two obligation sources already recognized by article 1372 of the Civil code of Québec, law and contract, is there room for a third obligation source known as the undertaking by unilateral declara- tion of will ? This article strives to demonstrate that, far from being a “pointless question” , this problem may contain a practical and certain Résumé Y a-t-il, à côté des deux sources d’obligations offi ciellement recon- nues par l’article 1372 du Code civil du Québec, la loi et le contrat, place pour une troisième source d’obli- gations, l’engagement par déclara- tion unilatérale de volonté ? Cet article tend à démontrer que, loin de constituer une « question inu- tile », cette problématique peut être L’engagement par déclaration unilatérale de volonté : l’état du droit au Québec, à travers le prisme du droit comparé Didier Lluelles* 211 interest. After a review of the answers given to this question in comparative law, this article out- lines and analyzes, fi rst, the argu- ments opposed to the reception of this third obligation source, which are essentially put forward in the legal literature, and second, the arguments likely to promote it, stemming from jurisprudence. This article will defi ne the status of this notion in Quebec law. Finally, this study suggests a legal regime draft, likely to help the possible imple- mentation of the undertaking by unilateral declaration of will. d’un intérêt pratique certain. Après un aperçu des réponses apportées à cette question en droit comparé, l’article expose et analyse, sur le ter- rain du droit québécois, les argu- ments militant contre la réception de cette troisième source d’obliga- tions, arguments essentiellement mis de l’avant par certains éléments de la doctrine, d’une part, et les arguments susceptibles de la favori- ser, plus perceptibles en jurispru- dence, d’autre part. Enfi n, l’étude propose une esquisse de régime juridique susceptible d’être envi- sagé pour la mise en œuvre de l’engagement par déclaration unila- térale de volonté. Plan de l’article Introduction : La problématique ............................................................ 215 I. L’intérêt de la problématique ......................................................... 219 II. La légitimité de la problématique ................................................. 222 III. L’insaisissable droit positif............................................................. 226 A. Le droit québécois ..................................................................... 226 1. La doctrine québécoise ......................................................... 226 a) Un courant nettement hostile ............................................ 226 b) Un courant réservé ............................................................ 227 c) Un courant favorable......................................................... 228 2. La jurisprudence québécoise ................................................ 229 B. Le droit comparé ....................................................................... 235 1. Le droit français .................................................................... 236 a) La doctrine française ......................................................... 236 i) Un courant plutôt réticent ............................................. 237 ii) Un courant plutôt favorable ......................................... 238 b) La jurisprudence française ................................................ 240 i) La promesse d’exécuter une obligation naturelle ........... 240 ii) Les déclarations de l’employeur améliorant le sort des salariés .................................................................... 241 iii) L’établissement de fonds d’indemnisation volontairement établis par un secteur économique ..... 242 iv) Les loteries publicitaires ............................................... 242 c) Vers un nouveau droit légiféré des obligations en France .. 246 2. Le droit belge ........................................................................ 248 a) La jurisprudence belge ....................................................... 248 b) La doctrine belge ............................................................... 249 IV. L’assise juridique de l’engagement unilatéral .............................. 251 A. S’agit-il d’un lien obligationnel à proprement parler ? ........... 251 1. À la recherche d’une obligation véritable ............................ 251 2. Qui dit « lien obligationnel » dit présence d’un débiteur mais aussi d’un créancier… ................................................. 252 B. L’engagement unilatéral fait-il partie de l’ordonnancement juridique québécois ? ................................................................. 255 1. Le problème de l’article 1372 du Code civil du Québec ....... 255 2. Idées d’assises juridiques ...................................................... 258 a) L’article 1458 C.c.Q. .......................................................... 258 b) Les « principes généraux du droit » .................................... 260 V. Esquisse d’un régime juridique pour l’engagement unilatéral .. 261 Conclusion : De lege lata ou de lege ferenda ? ........................................... 267 N.B. Un numéro d’article sans précision est un renvoi au Code civil du Québec. L’engagement par déclaration unilatérale de volonté au Québec 215 La problématique La question posée est fort simple : une personne peut-elle s’obliger envers une autre personne, par la seule déclaration de sa volonté ? Dans une magnifi que étude consacrée à cette question, le professeur Jestaz, résumait avec un sens de la formule que n’aurait pas réprouvé Monsieur Mayrand : « Si on admet [la] validité [de l’engagement par déclaration unilatérale de volonté], il s’agira d’une obligation comme les autres ou presque, que le débi- teur ne pourra révoquer, qui se transmettra à ses héritiers en cas de décès et qui, bien sûr, devra être exécutée. Sa seule particularité est d’exister dès avant l’acceptation du créancier »1. Cette obligation naîtrait donc de manière immédiate, serait dès lors à la fois irrévocable et transmissible, non seulement sur le plan passif (au détriment des héritiers du prétendu « débiteur »), mais aussi, ce que ne précise pas la formule du professeur Jestaz, sur le plan actif (à l’avantage des héritiers du probable « créancier »)2. Il s’agirait alors, pour reprendre les propos des auteurs Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, d’une espèce d’« acte [juridique] unilatéral qui créerait des obligations de la même manière que le contrat est une espèce de convention, une convention qui crée des obligations »3. Mais cela se 1 Philippe Jestaz, « L’engagement par déclaration unilatérale de volonté », dans Les obli- gations en droit français et en droit belge. Convergences et divergences, Éditions Bruylant Dalloz, 1994, p. 3, à la page 3. Voir aussi : Adrian Popovici, La couleur du mandat, Montréal, Éditions Thémis, 1995, p. 28 : « Est-ce qu’une personne qui décide de s’en- gager par acte juridique unilatéral est obligée de remplir cet engagement et, consé- quemment, responsable du préjudice qui résulte de son défaut ? L’obligation juridique existe-t-elle sans acceptation par le créancier virtuel ? ». 2 Voir : Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 8e éd., Paris, Association Henri Capi- tant, PUF, 2000, vo Engagement unilatéral de volonté, p. 334 : « Nom parfois donné soit à l’acte juridique unilatéral par lequel une personne manifeste la volonté de s’obliger envers une autre, soit à l’obligation qui en résulte pour son auteur, au moins dans le système juridique qui admet qu’un individu puisse, par une manifestation de sa seule volonté, se rendre débiteur (de la part de laquelle on ne constate ni ne suppose aucune acceptation expresse ou tacite) » (nos soulignés) ; voir aussi : Paul-André Crépeau (dir.), Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues, Cowansville, CRDPCQ, 2003, vo Engagement unilatéral (de volonté), p. 138 : « Acte unilatéral imposant une obligation à la charge de son auteur ». 3 Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck, Les obligations, 2e éd., Paris, Defrénois, 2005, no 431, p. 210. 216 (2011) 45 R.J.T. 211 peut-il ? Et, d’abord, cela est-il nécessaire ? Enfi n, quel serait le régime juri- dique de pareil engagement ? La question posée, on l’aura remarqué, emploie les termes « engage- ment » (et non « promesse »), « s’obliger » ou « s’engager » (et non « pro- mettre »), « débiteur » (et non « promettant »), créancier (et non « bénéfi ciaire »)4. Il convient, en effet, de ne pas suivre les traces d’une cer- taine doctrine, voire d’une certaine jurisprudence de France5 ou de Bel- gique6, qui, dans le cadre de notre problématique, recourt à la terminologie axée autour du vocable « promesse ». En effet, il importe d’éviter toute confusion avec la promesse de contracter qui, en droit positif, constitue un contrat, donc un acte juridique bilatéral, advenant même que cette pro- messe de contracter soit unilatérale (avant la levée de l’option). La soi- disant promesse dont il est question ici n’est, en aucune façon, un acte juridique bilatéral. C’est donc sans hésiter que nous adoptons l’appellation du professeur Jestaz : « engagement par déclaration unilatérale de volonté ». Certains auteurs parlent aussi d’un « engagement par volonté unilatérale »7 ou d’un « engagement unilatéral de volonté »8 ou, plus simplement d’un « engagement unilatéral »9. Quoique plus concise, l’appellation « engage- ment unilatéral » est moins précise que celle qu’emploie Monsieur Jestaz : elle présente l’inconvénient de ne pas souligner le fait que ce n’est pas tant la décision même de uploads/S4/ declaration-de-volonte.pdf

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  • Publié le Nov 12, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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