Répertoire de droit immobilier Section 1re - Notions générales sur les volumes
Répertoire de droit immobilier Section 1re - Notions générales sur les volumes Art. 1er - L'ensemble immobilier complexe § 1er - Incompatibilité des formules traditionnelles 1. La nécessité de profiter au maximum des possibilités de construire afin de répondre à l'explosion démographique et économique de la période suivant les années 1950 a conduit les praticiens, pour éviter tout gaspillage de constructibilité, à utiliser au maximum l'espace tant en élévation qu'en tréfonds, en réalisant des ouvrages ayant des affectations très différenciées mais réunis dans une même structure technique indivisible que l'on a appelée ensemble immobilier complexe (EIC). 2. L'ensemble immobilier complexe rassemble un nombre plus ou moins élevé de « volumes » juridiquement autonomes, imbriqués les uns dans les autres et sans aucune partie commune entre eux. L'ensemble immobilier complexe peut être très important, comme l'opération d'Épinay-sur-Seine ou de la Défense ou, au contraire, très limité comme la plupart des réalisations actuelles, l'ère du gigantisme en urbanisme étant révolue. 3. Dans l'ensemble immobilier complexe, l'architecte dispose d'une grande liberté de conception puisqu'il n'est plus soumis à la rigueur de la division parcellaire. Cette liberté est toutefois limitée par la nécessité de rester raisonnable dans la conception des formes et de tenir compte des servitudes qui présenteront un caractère intangible et détermineront la règle de répartition des charges d'entretien, de réparation et de consommation. 4. L'architecte va calculer les volumes affectés aux différentes fonctions, assembler et articuler les volumes entre eux, définir et structurer les éléments, tout en respectant une certaine harmonie générale. L'architecte fait partie de l'équipe qui entoure l'aménageur et qui comprend l'aménageur, l'entrepreneur principal, l'assureur, le géomètre et le notaire. Ce dernier devra traduire en langage juridique la pensée de l'architecte. 5. Pour cette nouvelle structure technique, il a fallu envisager une formule juridique originale en raison, notamment, de l'inadaptation des formules classiques qu'il s'agisse de l'indivision, des baux de longue durée (bail emphytéotique et bail a construction), de la concession, du lotissement, de la société et même de la copropriété. 6. L'imbrication de fonctions très différentes (habitation, commerce, voie publique, etc.) ne pouvait que très difficilement se concevoir à l'intérieur d'une communauté organisée telle que la copropriété. 7. Il est vrai que le législateur a prévu des palliatifs pour alléger la lourdeur du régime de la copropriété en autorisant l'éclatement du syndicat principal par la création de syndicats secondaires (L. no 65-557 du 10 juill. 1965, art. 27, D. 1965.222), la division de la copropriété en plusieurs copropriétés (art. 28) et la création d'unions de syndicats (art. 29) et pourtant, le régime de la copropriété ne convient pas car il existe une incompatibilité profonde entre l'esprit de la copropriété communauté homogène et l'ensemble immobilier complexe qui se caractérise par son hétérogénéité. On doit constater que la copropriété se caractérise par une absence d'organisation pendant la période de construction alors que le montage en volumes permet au contraire de gérer cette période. 8. Par ailleurs, la copropriété est incompatible avec le domaine public (de Laubadère, Venezia et Gaudemet, Traité de droit administratif, t. 2, 9e éd., no 374 bis ; J.-P. Marty, Contributions à l'étude du droit de superficie, 1979, no 215, p. 292, LGDJ). Les règles de la copropriété, dont de nombreuses prescriptions sont d'ordre public, sont dans certains cas contradictoires avec celles du domaine public. Ainsi l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit la possibilité de l'aliénation d'une partie du terrain commun par une décision majoritaire des associés réunis en assemblée générale alors que le domaine public est inaliénable. 9. Dans une copropriété, le juge a été amené à considérer que les locaux appartenant à une personne publique situés dans un immeuble en copropriété ne peuvent appartenir au domaine public alors même qu'ils seraient affectés à un service public (CA Paris, 20 juin 1989, RD publ. 1990.545, obs. F. Llorens, JCP 1990.II.21506, note J.-F. Davignon). Cette décision que l'on a pu critiquer affirme que le régime de la copropriété est exclusif du régime de la domanialité publique. Elle a été confirmée par l'arrêt du Conseil d'État du 11 février 1994 (Mon. TP 4 mars 1994, p. 37 ; P. Sablière, Domaine public, ouvrage public et copropriété, CJEG, mai 1994, p. 197 et s. ; G. Vigneron, Domanialité publique et copropriété, Loyers et copr., mai 1994, p. 1) qui rappelle l'incompatibilité des règles de la copropriété tant avec la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. C'est un argument quant à la nécessité de rechercher un autre cadre juridique comme celui des volumes. § 2 - Volumes et domanialité publique 10. L'ensemble immobilier complexe resta une solution juridique adaptée à un montage comportant des immeubles affectés au domaine public. Relevons toutefois que l'existence de volumes affectés à l'intérêt public n'est pas une condition sine qua non de la validité de l'ensemble immobilier complexe mais qu'elle justifie son choix. 11. Pour une certaine doctrine (P. Allinne, Domanialité publique et ouvrages complexes, AJDA 1977.523) et selon la jurisprudence du Conseil d'État, la présomption de l'article 552 du code civil devait être transposée en droit public, ce qui revenait à remettre en cause la propriété privée des volumes contigus au domaine public. Le code civil énonce, en effet, que le propriétaire du sol l'est également du dessus et du dessous A cette assertion, il a été répondu fort judicieusement que le domaine public devait remplir les conditions suivantes, à savoir : être la propriété d'une collectivité publique, être affecté à l'utilité publique et, le cas échéant, être aménagé à cet effet, et qu'il n'était pas possible de l'étendre à des biens ne remplissant pas ces conditions d'autant qu'à la différence de la propriété privée, qui peut porter sur tout bien, le domaine public est limité et apparaît comme un régime d'exception qui ne peut être étendu car toute exception doit s'interpréter restrictivement (M. Waline, note sous CA Paris, 13 mai 1933, DP 1934.2.101 ; Denoix de Saint-Marc et Labetoulle, obs. AJDA 1970.351 ; P. Allinne, article préc.). Le professeur Y. Gaudemet (La superposition des propriétés privées et du domaine public, D. 1978, chron. 293) relève le paradoxe qu'il y aurait à étendre une prérogative de droit privé à un régime d'exception qui irait à l'encontre du droit privé lui-même. 12. Le domaine public ne résulte pas de son classement en tant que tel mais de son affectation de fait (Y. Gaudemet, chron. préc., no 13 et s.). En réalité, la jurisprudence du Conseil d'État, plutôt confuse dans une première phase, a évolué pour retenir l'extension du domaine public à des éléments accessoires. Cette théorie administrative de l'accessoire du domaine public est que l'accessoire suit le principal selon l'adage accessorium sequitur principale. Sont considérés comme accessoires des éléments contigus du domaine public et naturellement liés à celui-ci dans la mesure où l'accessoire présente un caractère d'utilité par rapport au principal (H. Charles, Accessoires et domaine public en droit administratif français, in Mélange Stassinopoulos, p. 87 et s. ; P. Nicolay, Cours de droit administratif, 1976, t. 1, p. 76). 13. Désormais doctrine et jurisprudence considèrent que la domanialité publique est limitée dans l'espace à ce qu'exige son affectation. Il en résulte que la propriété des volumes de droit privé ne peut pas être remise en cause par le non-usage d'un volume ouvrage public. La coexistence sur une même assiette de volumes privés et de volumes affectés à la domanialité publique est valable et ne nécessite aucun acte administratif. 14. On peut donc conclure que la superposition de deux domanialités différentes, dans des ouvrages complexes qu'affectionne l'urbanisme moderne, ne se heurte à aucune difficulté de principe (Y. Gaudemet, chron. préc., p. 296). Il ne fait pas de doute que le juge administratif reconnaît la validité de la superposition et de l'imbrication des propriétés privées et du domaine public (M.-J. Aglaé, Division en volumes et propriété privée sur le domaine public, RD imm. 1993.313 ). § 3 - Représentation abstraite de la propriété du sol 15. En réalité, le montage juridique en volumes n'a pu être mis en place que grâce aux ressources de la technologie moderne qui permettent de définir chaque volume par référence aux cotes de nivellement général de la France (NGF). Comme l'avait si bien relevé le regretté Doyen Savatier, dans son ouvrage sur les métamorphoses économiques et sociales du droit privé d'aujourd'hui (t. 2, no 41 et s.), « dans l'histoire actuelle de notre civilisation, les techniques juridiques se font de plus en plus solidaires des autres techniques scientifiques qui façonnent notre société ». Ces techniques scientifiques permettent d'appréhender l'immeuble non plus en deux dimensions mais en trois. On passe de la géométrie plane à la géométrie dans l'espace qui est, par définition, beaucoup plus précise que la première. Cette évolution du concept du bien immobilier n'a fait que renforcer la représentation abstraite de la propriété du sol car, dans le système des volumes, le terrain disparaît si l'on ose dire, même si la référence cadastrale de base subsiste. 16. Le volume est une abstraction mathématique qui se matérialise sous forme d'un prisme ou d'une pyramide uploads/S4/ division-en-volume.pdf
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- Publié le Sep 26, 2021
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