Cours : Institutions et principes fondamentaux du procès civil Auteur : Sylvie
Cours : Institutions et principes fondamentaux du procès civil Auteur : Sylvie DURFORT Leçon n° 2 : La juridiction : l'organisation judiciaire Après une présentation de l'organisation judiciaire et des règles de compétence gouvernant l'intervention des juridictions, cette première partie traitera des actes du juge et de la spécificité de la fonction juridictionnelle. L'organisation et le fonctionnement des institutions judiciaires doivent répondre à un certain nombre de conditions et de principes généraux. Après avoir passé ces principes en revue, nous présenterons les différentes juridictions appelées à statuer en matière civile. Enfin, les professions qui contribuent au fonctionnement de la Justice civile seront étudiées dans la leçon 3. Section 1. Principes généraux de fonctionnement des institutions judiciaires civiles Tout d'abord, l'organisation judiciaire doit respecter les principes issus de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dont il découle que doit être garanti le droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. Jurisprudence : Cass Civ. I, 30/6/04 :le droit à un procès équitable relève de l'ordre public international au sens de l'art 27 de la Convention de Bruxelles modifiée. Remarque : Nous ne développerons pas davantage à ce niveau le contenu de ces principes, mais nous en examinerons la mise en oeuvre concrète à chaque fois qu'a été discutée à leur égard la pertinence et la conformité de règles internes de droit judiciaire privé. Les principes gouvernant l'organisation de notre justice civile sont les suivants : principe de séparation de pouvoirs, d'égalité devant la Justice, de gratuité de la Justice, de collégialité et de permanence des juridictions, de célérité, les principes de classification et de hiérarchie des juridictions. § 1. Séparation des pouvoirs Le principe a été édicté dans le but de garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire (La Constitution de 1958 fait référence aux pouvoirs législatif et exécutif et, dans ses articles 64 à 66, 1 UNJF - Tous droits réservés traite de l'autorité judiciaire, dans une perspective de protection des libertés individuelles. L'article 6 de la Convention EDH peut aussi en constituer un fondement puisqu'il contient cette même exigence d'indépendance. Ce principe se traduit par une interdiction faite au pouvoir judiciaire d'attenter aux prérogatives du législatif ou de l'exécutif, tout en protégeant son indépendance vis-à-vis de ces mêmes pouvoirs. A. Interdiction d'attenter aux prérogatives du législatif et de l'exécutif Diverses dispositions permettent d'éviter un excès de pouvoir, susceptible de résulter d'un empiétement de l'autorité judiciaire sur les compétences du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif . 1. Pas d'empiétement du judiciaire sur le législatif • La première illustration est l'interdiction des arrêts de règlement, posée par l'article 5 du Code civil. • Ensuite, les juges ne peuvent apprécier la constitutionnalité des lois, ni refuser de les exécuter : ils doivent les appliquer, en vertu des articles 1 du CCiv et 12 du NCPC. Un juge ne peut rendre de décisions de portée générale. Il ne peut raisonner qu'au cas par cas, sans faire référence aux précédents comme en droit anglo-saxon. Mais le juge doit interpréter les lois et il a même l'obligation de suppléer à leur silence : c’est l’interdiction du déni de justice (art 4 CCiv). En pratique la jurisprudence, née de la répétition et de l'autorité de certaines décisions, notamment émanant des juridictions supérieures, n'en est pas moins une source de droit. Un juge peut toutefois refuser d'appliquer un règlement qu'il considérerait comme illégal car portant atteinte à la liberté individuelle ou au droit de propriété. Il peut aussi, en vertu de l'article 55 de la Constitution, refuser d'appliquer une loi contraire à un traité, cela même s'il s'agit d'une loi postérieure au traité (Arrêt Jacques Vabre : Mixte 24 mai 75, D 75 497 concl Touffait - Arrêt Nicolo : CE 20 oct 89, JCP 89 II 21371 concl Frydman) . Cette solution a été étendue aux règlements (CE 24/9/90, JCP 90 IV 357) et aux directives communautaires (Arrêts Rothman et Philipp Morris: CE 28/2/92, JCP 92 II 21859 Teboul). 2. Pas d'empiétement du judiciaire sur l'exécutif • Le juge ne peut prendre de décision politique, sous peine d'être sanctionné pour excès de pouvoir. • Il ne peut non plus apprécier la validité des actes administratifs, ni connaître du contentieux administratif. La règle a été posée par la loi des 16 et 24 août 1790. B. Protection de l'indépendance de l'autorité judiciaire 2 UNJF - Tous droits réservés Le juge doit être protégé à la fois contre les immixtions du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. 1. Protection du juge contre le pouvoir législatif • Une loi ne peut résoudre un procès spécifique et ne pourrait être adoptée à cette fin.Un risque existe en cas d'adoption de dispositions expressément rétroactives ou de lois de validation. En savoir plus : La Cour Européenne des Droits de l’Homme considère que les lois de validation sont susceptibles d'attenter à l'exigence de procès équitable, imposée par la Convention EDH (Cour EDH, Zielinski, 28 oct 99, RT 2000 obs. Marguénaud, Rev. Proc 00 n° 94). En droit interne, la Cour de cassation a souvent adopté une position plus nuancée : elle admet que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice afin d’influer sur le dénouement judiciaire des litiges en cours… Mais de tels motifs ont été retenus à diverses reprises (Ass. Plén. 24/1/03, 2 arrêts, D. 03 1648 note crit. S. Paricard-Pioux et Civ. I , 9/7/03, JCP 04 II 10016 : reconnaissance en l’espèce de l’existence d’impérieux motifs d’intérêt général - Ass. Plén, 23/1/04, JCP 04 II 10030, Proc. 04 n° 49, RT 04 341 n° 3 : application de la solution tant aux lois de validation qu’aux lois interprétatives - Com 14 déc. 04, Proc 05 n° 60 : inversion de la formulation et admission d’une application rétroactive en matière civile, et aux instances en cours, pour un impérieux motif d’intérêt général). Ce point de vue a été censuré par la Cour européenne, qui a prononcé récemment l’inconventionnalité d’une loi de validation, en l’occurrence, l’art. 87-1 de la loi du 12 avril 1996 dans l’affaire dite « des tableaux d’amortissement » en matière de crédit immobilier, avec effet rétroactif, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée. Il a été jugé indifférent que la loi en cause ait été déclarée conforme à la constitution, tout comme le fait que l’Etat soit partie ou non aux procédures. Selon la Cour, pour être compatible avec la Convention EDH, la loi rétroactive, qu’elle porte atteinte au droit à un procès équitable ou au droit de propriété, doit obéir à un impérieux motif d’intérêt général. Mais en l’espèce, le motif financier qui avait été retenu par la Cour de cassation n’a pas été validé (Cour EDH, 11/4/06, Cabourdin/France et Cour EDH 14 /2/06, Lecarpentier/France, JCP 06 I 164 § n° 4 et JCP 06 II 10171 note Thioye). Depuis, cette position a été reprise par la Chambre Sociale, en droit du travail, dans l’affaire dite des « heures d’équivalence » (Soc 13/6/07 (deux arrêts), D. 07 2439, note Pérès, L’avenir compromis des lois de validation consécutives à un revirement de jurisprudence). • C'est au juge qu'il revient d'interpréter les lois, d'où l'interdiction du référé législatif. 2. Protection contre l'exécutif 3 UNJF - Tous droits réservés Cette protection se traduit par des garanties d'indépendance sur les plans organique et fonctionnel. a) Garanties d'indépendance organique Les magistrats sont des fonctionnaires sous la dépendance du Garde des Sceaux. Pour exercer leurs fonctions en toute sérénité des conditions d'indépendance sont indispensables quant à leur nomination, leur avancement et leur discipline. Pour cette raison le principe d'inamovibilité des magistrats du siège est inscrit dans la Constitution (art 64 de la Constitution). La signification en est l'impossibilité de leur imposer une affectation territoriale nouvelle qu'ils n'auraient pas consentie . Mais la loi organique du 25 juin 2001 a néanmoins institué une obligation de mobilité. Leur indépendance est aussi garantie par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), qui comporte depuis 1993 deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du Parquet. En savoir plus : Consulter le site du CSM Sur le site du CSM : • dans la rubrique « présentation » voir les développements sur l'historique, la composition et les compétences du CSM • dans la rubrique « textes » peuvent être consultés les textes déterminant son statut et ses compétences Le CSM comportait autrefois 9 membres tous désignés par le Président de la République, qui en assure la présidence, le Ministre de la Justice étant vice-président. La création de ces deux formations en 1993 (Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27/7/93), constitue une première réforme allant dans le sens d'une plus grande indépendance et d'une unité de la magistrature. • La formation compétente à l'égard des magistrats du siège se compose de 5 magistrats du siège, d'un magistrat du Parquet, d'un Conseiller d'Etat désigné par le Conseil uploads/S4/ djp-2-l-x27-organisation-judiciaire.pdf
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- Publié le Mai 21, 2021
- Catégorie Law / Droit
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