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VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 16/05/2020 13:10 | UNIVERSITE DE SAVOIE Droit d'amendement et navette parlementaire : une évolution achevée Issu de Revue du droit public - n°2 - page 293 Date de parution : 01/03/2006 Id : RDP2006-2-002 Réf : RDP 2006, p. 293 Auteur : Par Jean-Pierre Camby, Professeur associé à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne L'article 45 de la Constitution, qui organise la navette, c'est-à-dire les mouvements successifs d'un texte d'une assemblée parlementaire à l'autre, jusqu'à son adoption définitive contient deux expressions, distinctes mais proches : selon son premier alinéa, la navette est effectuée « en vue de l'adoption d'un texte identique », tandis qu'au second alinéa, l'objectif assigné à la Commission mixte paritaire (CMP) est « de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ». A contrario, mais fort logiquement, celles des dispositions pour lesquelles un vote identique des deux assemblées est intervenu ne restent pas en discussion. Devant chaque chambre, le débat se restreint, au fur et à mesure des lectures successives d'un texte, sur les points de désaccord, tandis que ceux des articles adoptés en termes identiques sont exclus de la navette. Connue sous le nom de principe de l'entonnoir, cette règle, presque tautologique, qui restreint le champ du débat parlementaire, au fur et à mesure des étapes de la navette, aux seules dispositions « restant en discussion » sur lesquelles l'accord entre les deux chambres n'est pas réalisé, est détaillée par les règlements des deux assemblées. Selon ces textes, elle vaut quelle que soit la phase de la navette. La discussion est ainsi la plus large en première lecture, puis se limite aux articles sur lesquels les deux assemblées n'ont pas voté en termes identiques. L'article 108 du Règlement de l'Assemblée nationale dispose ainsi : « Au cours des deuxièmes lectures et des lectures ultérieures par l'Assemblée nationale des projets et des propositions de loi, la discussion a lieu conformément aux dispositions des chapitres IV ou V du présent titre, sous les réserves suivantes (...). La discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique. En conséquence, les articles votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte identique ne peuvent faire l'objet d'amendements qui remettraient en cause, soit directement, soit par des additions incompatibles, les dispositions adoptées. Il ne peut être fait exception aux règles ci-dessus édictées qu'en vue d'assurer la coordination des dispositions adoptées ou de procéder à une rectification matérielle ». L'article 42 du Règlement du Sénat contient des dispositions similaires. Selon la règle de l'entonnoir, la navette est donc commandée par une logique stricte, cohérente avec le deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution : seules les dispositions pour lesquelles il n'y a pas eu de vote en termes identiques restent en discussion, même principe que celui qui détermine le champ de compétence de la Commission mixte paritaire. La règle de l'entonnoir ne fait donc pas de distinction entre la recherche d'un texte identique et la limitation de cette recherche aux seuls points de désaccord. Il est logique qu'on ne puisse recommencer, à chaque étape, la totalité du débat : une fois un accord trouvé entre les assemblées, celui-ci, est, au regard de la procédure parlementaire, définitif. Pourtant, pendant longtemps le Conseil constitutionnel n'a pas partagé cette approche : par une jurisprudence très favorable au gouvernement, qui seul maîtrise le droit d'amendement lorsqu'une commission mixte paritaire aboutit, il admettait que le droit d'amendement de celui-ci n'était pas limité aux seules dispositions restant en discussion. Même des cas dans lesquels, une fois la CMP réunie, un amendement revenait sur un article adopté conforme par les deux assemblées, ne donnaient pas lieu à censure1, même si cet amendement supprimait purement et simplement un article adopté conforme dès la première lecture par les deux assemblées2. Cette jurisprudence, qui s'en tenait à une lecture littérale du troisième alinéa de l'article 45 de la Constitution, qui ne restreint pas expressément le droit d'amendement du gouvernement après la tenue de la CMP, avait pour inconvénient majeur de déséquilibrer, sans limite, le débat au profit de l'exécutif. Alors même qu'un accord en CMP _ d'où le gouvernement est absent _ lie les deux assemblées, dont les membres ne disposent plus librement du droit d'amender, et que le champ du débat, pour celles-ci, ne porte plus que sur les seules dispositions pour lesquelles un accord n'a pas été trouvé, le gouvernement pouvait, lui, remettre en cause cet accord, ajouter des dispositions nouvelles, retrancher, voire revenir sur les décisions qui, au regard des votes des assemblées, étaient définitives. À cet argument du déséquilibre entre les acteurs du processus législatif, il faut en ajouter un autre, plus matériel : après la première lecture, et a fortiori après la CMP, le débat parlementaire est plus sommaire3 : à ce stade les dispositions additionnelles sont, dans la plupart des cas, discutées beaucoup plus rapidement que celles qui sont situées dans le projet de loi initial. On sait que cette jurisprudence a conduit à l'amendement « Seguin » où fut ajouté, après CMP, tout un texte correspondant à celui d'un projet d'ordonnance que le Président de la République refusait de signer. À un stade du débat où les parlementaires étaient expressément privés du droit d'amendement sans accord du Gouvernement, celui-ci, selon cette jurisprudence, pouvait en revanche à sa guise supprimer, ajouter, ce qu'il fit en l'occurrence, ou revenir sur des dispositions adoptées en termes identiques. Cette jurisprudence excessivement permissive pour le gouvernement a dû alors conduire le Conseil à mettre en place, d'une manière générale des « limites inhérentes au droit d'amendement »4, limites jurisprudentielles, qualitatives _ mais nulle part précisées _ pour résoudre un problème procédural. On sait qu'une fois ces limites posées, le Conseil n'a jamais, par la suite, prononcé de censure en application de cette jurisprudence. Celle-ci était provoquée par la jurisprudence antérieure admettant l'existence d'amendements portant articles additionnels après la réunion de la CMP. À l'occasion de l'un de ses très rares revirements de jurisprudence, le Conseil constitutionnel a abandonné cette solution, au profit d'un système respectant, après la tenue de la CMP, la logique du débat en entonnoir. C'est en l'espèce la décision du 25 juin 19985 qui représente la première inflexion : « Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que, toutefois, il ressort de l'économie de l'article 45 que des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire ; qu'en effet, s'il en était ainsi, des mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions, pourraient être adoptées sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ; Considérant que, à la lumière de ce principe, les seuls amendements susceptibles d'être adoptés à ce stade de la procédure doivent soit être en relation 1/3 directe avec une disposition du texte en discussion, soit être dictés par la nécessité d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ; que doivent, en conséquence, être regardées comme adoptées selon une procédure irrégulière les dispositions résultant d'amendements introduits après la réunion de la commission mixte paritaire qui ne remplissent pas l'une ou l'autre de ces conditions ». Mais les choses ne pouvaient en rester là. En effet, la « relation directe avec une disposition du texte en discussion » n'excluait pas nécessairement la suppression d'un article voté conforme en première lecture, pratique pourtant peu respectueuse de la logique même du débat parlementaire et du rôle de conciliation de la CMP. Une nouvelle étape a donc été franchie avec la décision du 29 juin 20006 : « Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 que des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire ; qu'en effet, s'il en était ainsi, des mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions, pourraient être adoptées sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ; qu'il ressort en outre du deuxième alinéa de cet article que des dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire ne sauraient, en principe, être modifiées après cette réunion ; Considérant, en conséquence, que les seuls amendements susceptibles d'être adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire doivent être soit en relation directe avec une uploads/S4/ droit-damendement-et-navette-parlementaire-une-evolution-achevee-16-05-2020-13-10-17.pdf

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  • Publié le Oct 15, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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