L’évolution de la politique législative de l’union de fait au Québec Alain Roy*

L’évolution de la politique législative de l’union de fait au Québec Alain Roy* INTRODUCTION GÉNÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 A. Éléments de droit québécois . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 1. La réforme du droit de la famille (1980) : l’entrée de l’union de fait dans la licéité . . . . . . . . . . . . . . 85 2. L’institution du patrimoine familial (1989) : la question de l’union de fait à l’ordre du jour . . . . . . 96 3. La réforme du Code civil du Québec (1991) : la confirmation d’un choix de société . . . . . . . . . . 101 4. La loi 32 sur les droits sociaux (1999) : l’uniformisation des définitions et la reconnaissance des conjoints de fait de même sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 5. L’avènement de l’union civile (2002) : la consolidation du régime juridique de l’union de fait . . . . . . . . . . 110 B. Éléments de droit comparé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 1. Le droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 81 * LL.D. Professeur agrégé à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Ce texte constitue l’expertise produite en 2008 pour le compte du Procureur général du Québec dans le dossier Lola c. Éric. a) La lente ascension du « concubinage » en droit civil français . . . . . . . . . . . . . . . . 121 b) Le droit social et fiscal . . . . . . . . . . . . . . . 124 c) La loi du 15 novembre 1999 introduisant le Pacte civil de solidarité... . . . . . . . . . . . . . . 126 d) ... et le concubinage . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 2. Le droit belge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 a) Un code civil emprunté, une évolution semblable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 b) Le droit social et fiscal . . . . . . . . . . . . . . . 135 c) La Loi du 23 novembre 1998 instituant la cohabitation légale . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 3. Le droit des provinces canadiennes de common law . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 a) Common law et droit statutaire . . . . . . . . . . 141 b) Le droit social et fiscal . . . . . . . . . . . . . . . 144 c) Le droit privé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 d) La loi néo-écossaise du 19 avril 2000 instituant le régime de « domestic partnership » . . . . . . . 147 CONCLUSION GÉNÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 82 XXe CONFÉRENCE DES JURISTES DE L'ÉTAT INTRODUCTION GÉNÉRALE Au Québec, la progression de l’union de fait figure au rang des phénomènes sociaux les plus fascinants des 30 dernières années. De 1981 à 2001, la proportion de couples vivant en union de fait est passée de 7,9 % à 28,8%1. Selon Statistique Canada, cette croissance se serait poursuivie entre 2001 à 20062. Chez nous, observe-t-on, plus du tiers des couples opteraient pour l’union de fait, une proportion nettement supérieure à celle que l’on peut observer dans les autres provinces canadiennes3. Dire que le droit reflète les changements sociaux est un lieu commun, mais un lieu commun qui se révèle plus véridique que jamais. Si le législateur québécois faisait autrefois preuve de grande retenue à l’égard de l’ensemble législatif dont il voulait préserver la cohérence, il n’hésite plus aujourd’hui à recourir au droit pour norma- liser les problématiques sociales émergentes4. L’évolution des règles juridiques applicables à l’union de fait est très révélatrice de cette tendance. Depuis 1980, le législateur québécois n’a pas cessé de s’intéresser à l’union de fait, non seulement pour consolider la légi- timité sociale nouvellement acquise par les conjoints de fait, mais également pour leur reconnaître un certain nombre de droits et d’avantages. Ce texte expose l’histoire législative récente de l’union de fait au Québec et tente d’en démontrer la spécificité à la lumière du droit étranger. À cet égard, il répond au document présenté par le pro- fesseur Benoît Moore intitulé « Nature et évolution historique du 83 1. Chantal GIRARD, La situation démographique au Québec – Bilan 2007, Institut de la statistique du Québec, Québec, 2007, p. 66. 2. STATISTIQUE CANADA, Portrait de famille : continuité et changement dans les familles et les ménages au Canada en 2006, Recensement de 2006, no 97-553-XF1, p. 10. 3. Guillaume BOURGAULT-CÔTÉ, « Le Québec, champion mondial de l’union libre », Le Devoir, 13 septembre 2007, disponible à <http://www.ledevoir.com/2007/09/13/ 156634.htmI>. 4. Christine MORIN, L’émergence des limites à la liberté de tester en droit québécois : étude socio-juridique de la production du droit, thèse de doctorat, Montréal, Faculté des études supérieures, Université de Montréal, 2007, p. 344-350. mariage ». Ensemble, les deux rapports devraient permettre de tra- cer un portrait relativement complet des règles régissant la conjuga- lité au Québec. La première partie recense les grandes étapes législatives au cours desquelles l’État québécois a contribué à façonner le cadre nor- matif de l’union de fait. Pour chacune des étapes identifiées, nous expliquerons la teneur, la portée et la finalité des règles adoptées en matière d’union de fait, en prenant soin de dégager le contexte social et politique à la base des innovations législatives. Nous puiserons l’éclairage nécessaire dans les travaux parlementaires et, le cas échéant, dans la doctrine et la jurisprudence5. Nous comparerons ensuite la loi québécoise au droit des princi- paux États de droit civil que sont la France et la Belgique et à celui des autres provinces canadiennes. Cet exposé devrait nous permettre de constater que le cadre légal à l’intérieur duquel évoluent aujour- d’hui les conjoints de fait québécois6 ne tient pas du déni de légitimité, mais qu’il procède plutôt d’une vision distinctive axée sur les valeurs de liberté et d’autonomie. Plus précisément, notre analyse nous amènera à conclure (voir la conclusion aux pages 152 à 154, suivie de notre curriculum vitæ aux pages 80 à 105) que : • Le choix politique de ne pas réglementer les rapports mutuels des conjoints de fait a été clairement affirmé lors de la réforme du droit de la famille de 1980 et ensuite reconduit avec force en 4 autres occasions ; 84 XXe CONFÉRENCE DES JURISTES DE L'ÉTAT 5. La présente étude n’a pas pour objectif de décrire les droits et obligations dont les conjoints de fait peuvent se prévaloir en vertu du droit commun ou en trouvant appui sur une interprétation libérale de la notion de l’intérêt de l’enfant, si appli- cable. En conséquence, nous ne traiterons pas des développements jurisprudentiels et doctrinaux relatifs à l’action en enrichissement sans cause et en partage d’une société tacite que certains conjoints de fait intentent. Nous n’analyserons pas davantage les décisions judiciaires où l’on a attribué certains droits dans la rési- dence familiale au conjoint de fait non propriétaire, en prenant appui sur le principe du meilleur intérêt de l’enfant, le cas échéant. À ce propos, le lecteur pourra consul- ter l’ouvrage de Jocelyne JARRY, Les conjoints de fait au Québec. Vers un encadre- ment légal, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 115-145 et le texte de Jocelyn VERDON, « L’égalité entre les enfants d’une union de fait et ceux du mariage. Réa- lité ou utopie ? », dans Conjoints de fait : leurs droits et leurs recours, Montréal CCH, mai 2008, p. 1. 6. Nous ne discuterons pas des éléments de définition de la notion de « conjoint de fait », si ce n’est de façon accessoire. Ainsi, nous présenterons l’évolution du droit des conjoints de fait sans faire référence aux critères de qualification que le législa- teur peut imposer aux couples en union de fait, que ce uploads/S4/ droit-de-famille-quebec.pdf

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  • Publié le Jul 01, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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