I : Introduction Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations popula
I : Introduction Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations populaires, d'ampleur et d'intensité très variable, qui se produisent dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010. L'expression de « Printemps arabe » fait référence au « Printemps des peuples » de 1848 auquel il a été comparé, tout comme le Printemps de Prague. Ces mouvements révolutionnaires nationaux1 sont aussi qualifiés de révolutions arabes, de révoltes arabes, ou encore de « réveil arabe » , certains vont jusqu’à parler d’une révolution Facebook , d’une révolution Twitter voire d’une révolution 2.0 tant l’usage des réseaux sociaux et des géants du Net aurait été important. Avec le recul, le pluriel « Printemps arabes » a également été privilégié pour mieux rendre compte de la diversité des mouvements regroupés sous cette appellation . Pendant toute l'année 2011, la totalité des États arabes sauf le Qatar connaissent des mouvements de contestations plus ou moins importants et qui s’encouragent les uns les autres. Les bouleversements dans le monde arabe ont été d'autant plus suivis que cette région présente un intérêt économique majeur, notamment du fait de l’industrie pétrolière, très présente dans ces régions. Des États non arabes ont enregistré aussi des manifestations ou procédé à des actions préventives, notamment l'Iran, mais l'ampleur de ces mouvements a généralement été moindre et l'influence des événements du monde arabe n'a pas toujours été clairement établie. Les principales causes de ces mouvements à forte dimension sociale sont le manque de libertés individuelles et publiques, la kleptocratie, le chômage, la misère, le coût de la vie élevé ainsi qu'un besoin de démocratie qui ne soit pas une simple façade. Cette vague révolutionnaire est comparée à divers moments historiques, comme le Printemps des peuples de 1848, la chute du rideau de fer en 1989, ou encore le Risorgimento italien . Les pays arabes sont ensuite plongés dans une transition qui n'est nulle part facile : l'après-printemps arabe se révèle une période particulièrement troublée. Dans plusieurs pays (Tunisie, Maroc, Égypte), les élections qui suivent les révolutions ou les mouvements de contestation sont remportées par les partis islamistes. Conjugué au renforcement des groupes djihadistes, cela conduit des commentateurs à juger qu'au « printemps arabe » a succédé un « hiver islamiste ». En Égypte, le président islamiste est renversé par un coup d'État militaire en 2013. En Syrie, le régime ne cède pas et la révolte dégénère en une guerre civile sanglante, l'impasse politique et militaire favorisant en 2014-2015 la montée en puissance de l'État islamique. La Libye et le Yémen ne parviennent pas à trouver la stabilité et s'enfoncent elles aussi, à partir de 2014, dans de nouvelles guerres civiles. Le chaos en Syrie et en Libye favorise en outre par ricochet la crise migratoire en Europe. II : Implications du printemps arabe sur la sécurité en Méditerranée La problématique de sécurité en Méditerranée est notamment marquée par des stratégies européennes consistant à préférer la stabilité et la sécurité à la démocratie. Ces préférences ont trouvé dans la nature autoritaire des régimes arabes un terreau idéal, d’où une convergence d’intérêts (évacuation de la question démocratique) entre l’Europe, mais aussi les États-Unis, d’une part, et les États autoritaires arabes de l’autre. En raison d’une tension persistante entre impératifs stratégiques et considérations éthiques, l’Europe et les États-Unis ont délaissé la promotion des valeurs démocratiques au profit de la sécurité en s’appuyant sur des régimes autoritaires. Ce faisant, ils ont pérennisé un statu quo que leurs politiques étaient censées modifier : les valeurs qu’ils étaient supposés promouvoir sont ainsi torpillées. Cette situation semblait d’autant plus figée que les menaces en Méditerranée relèvent de la soft security et sont appréhendées selon des prismes (migratoire, terroriste, islamiste) et que la thèse de l’exception arabe dominait, faute de mouvement de démocratisation arabe. L’idée d’une impossibilité de concevoir une démocratisation du monde arabe est devenue, pour l’Europe, une sorte d’obstacle épistémologique… Mais voilà que des événements soudains prennent tout le monde de court. Partant de la Tunisie, ils touchent par effet domino d’autres pays (Égypte, Libye, Yémen, Bahreïn et Syrie). Mais, en Libye et en Syrie, la révolte démocratique s’est militarisée, provoquant l’intervention étrangère en Libye, mais pas en Syrie où la guerre civile continue. Dans le premier pays, l’intervention fausse la dynamique du changement pacifique, alors que dans le second son absence renseigne sur le caractère sélectif de la « responsabilité de protéger ». En revanche, à Bahreïn, l’intervention avait un but tout autre : protéger le régime… Indépendamment de la nature de ces processus (révoltes endogènes pacifiques et révoltes hybrides endogènes-exogènes violentes aux trajectoires différenciées), et d’un schisme arabe (États transitionnels ultra-minoritaires versus États autoritaires majoritaires), c’est incontestablement une mutation historique dans le monde arabe. Ces processus politiques n’en sont qu’à leur début et il est difficile de prévoir leurs effets sur la sécurité en Méditerranée, mais on peut néanmoins suggérer une piste de réflexion en proposant deux scénarios. Le premier est celui du vacillement des processus de transition ; une panne des transitions ou un achoppement sur des questions politiques (place de la religion et de l’islamisme, problématique de justice transitionnelle, restauration de l’ancien régime – cas égyptien), économiques (crise aiguë déstabilisant la transition) ou sécuritaires (terrorisme, État de milices – cas libyen). Le second est celui de dynamiques transitionnelles évoluant vers l’établissement de régimes démocratiques. Le premier scénario constitue une sorte de retour à la case départ, celle de la prééminence de la stabilité/sécurité sur la démocratie, tandis que le second correspond à une révolution dans les affaires régionales mettant les pendules stratégiques en Méditerranée à l’heure démocratique. Pour cerner cette problématique, on analysera d’abord le positionnement de l’Europe et ses préférences stratégiques structurelles : primauté des impératifs stratégiques – du court et moyen termes – sur les considérations démocratiques du long terme. Des préférences qui minent le rôle de promoteur de la démocratie que l’UE entend endosser. On analysera ensuite l’impact du printemps arabe sur la sécurité en Méditerranée selon deux scénarios, en essayant de cerner concrètement ses conséquences sur le modèle relationnel euro-méditerranéen. Dans le premier scénario, on proposera une typologie de la stabilité autoritaire qui détermine in fine la conduite de l’Europe vis-à-vis du voisinage, en tenant compte de la variable islamiste. Cela nous conduit à conclure à une tentation autoritaire, voire à un certain accommodement européen avec l’autoritarisme. Dans le second scénario, on se focalisera sur les implications du printemps arabe sur des enjeux régionaux (prolifération, migration…) de premier plan pour la sécurité en Méditerranée. Les révoltes arabes induiront, dans l’optique de ce scénario, une redéfinition des dispositifs régionaux de coopération offrant à l’Europe une opportunité pour refonder sa relation avec son voisinage, dans la perspective de l’élargissement de l’aire démocratique, pour peu qu’elle dépasse son obstacle épistémologique et ses prismes. III : La situation des droits de l'Homme dans les pays d'Afrique du Nord, avant le "printemps arabe". Recueillies jusqu'en décembre 2010, les données sur les atteitnes aux droits de l'homme permettent de mieux comprendre les origines des mouvements de contestation dans les pays arabes. Quelques exemples. Tunisie Amnesty International met en avant les nombreuses restrictions qui pesaient sur la liberté d'expression du temps du président Ben Ali. Prémonition? Les nouvelles technologies, et Internet en particulier, étaient particulièrement surveillés. De nombreux internautes et des journalistes critiques étaient arrêtés avant de subir des procès inéquitables et des châtiments physiques. Les arrestations arbitraires sont d'ailleurs un thème qui revient souvent à l'évocation des droits de l'Homme dans ce pays. Les défenseurs de ces droits étaient pour leur part systématiquement harcelés et menacés, signe d'une grande tension en Tunisie. Egypte Avant la chute d'Hosni Moubarak, la situation des droits humains en Egypte était extrêmement préoccupante selon Amnesty International. Les arrestations arbitraires et l'incarcération pendant de nombreuses années, sans jugement ni procès, étaient monnaie courante. L'usage de la torture était également très répandu. Ces violations du droit étaient rendues possibles par le maintien de l'état d'urgence et de lois d'exception. La situation des femmes, victimes de violences et de harcèlement sexuel n'est également pas enviable, en particulier dans les nombreux bidonvilles. Syrie Le régime de Bachar el-Assad n'a pas attendu ces dernières semaines pour éliminer physiquement ses dissidents. L'ONG dénonce dans son rapport au moins huit cas de personnes mortes en détention et 49 prisonniers disparus. Déjà fermé aux associations de défense des droits de l'Homme, le pays n'accordait aucune autorisation officielle aux partis d'opposition. La minorité kurde a également été réprimée en 2010, et ne bénéficiait pas du même accès que les autres Syriens aux droits économiques, sociaux et culturels. Libye Paradoxalement, la Libye a été élue en mai 2010 au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Quelques mois avant la répression sanglante menée par Mouammar Kadhafi contre l'insurrection populaire les autorités ne toléraient pourtant pas la dissidence selon Amnesty International. Des centaines de prisonniers étaient maintenus en détention arbitraire pour des motifs de sécurité. Toute contestation du pouvoir, même pacifique, était passible de condamnation pénale allant jusqu'à la peine de mort. Yémen En 2010 uploads/S4/ droit-de-l-homme.pdf
Documents similaires










-
37
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 16, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.2224MB