PREMIÈRE PARTIE LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL 29 PREMIERE PARTIE En droit
PREMIÈRE PARTIE LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL 29 PREMIERE PARTIE En droit international comme en droit interne la question des sources et de leur éventuelle hiérarchie est fondamentale. C'est d'elle avant tout que dépend la solu- tion des différends ainsi que l'affirme l'article 38 du Statut de la Cour internatio- nale de Justice, principal texte de référence. L'ampleur des analyses doctrinales concernant les différentes sources du droit international, la richesse de la jurispru- dence et la vivacité des débats diplomatiques et politiques à propos de certaines d'entre elles - en particulier les résolutions des organisations internationales - met- tent en évidence l'intérêt à la fois théorique et très concret de cette question. Le plus difficile en droit international public est de savoir ce qui est effectivement droit (donc obligatoire) et ce qui ne l'est pas... Il s'agit ici de présenter les sources du droit international positif (de lege lata) et non pas d'un droit international prospectif (de lege ferendo) dans le cadre d'un « nouvel ordre international », sauf à évoquer cet aspect à l'occasion puisque le droit se situe nécessairement, sans se cristalliser définitivement, dans le jeu évolu- tif des rapports internationaux. En droit international positif, les seules sources sont celles qui créent des droits et des obligations - qui « obligent » les sujets de droit international, et notamment les États. On ne retiendra donc pas les principes ou règles relevant de la philosophie du droit, de la sociologie des relations internatio- nales, de la pratique diplomatique et, plus largement, de la morale internationale. Il est évidemment plus que souhaitable que le droit international positif s'imprègne de préoccupations de morale internationale et de véritable justice (cf. infra, l'équité), et que l'origine méta-juridique de la norme internationale continue d'être analysée. Le vocabulaire classique qui distingue les « sources formelles » et les « sources matérielles » renvoie à cette distinction. À s'en tenir aux sources formelles du droit international on notera, en cette fin de XX e siècle, une dangereuse ambiguïté en ce qui concerne 1'enumeration de ces sources. Il y a les sources formelles bien « constatées » et donc certaines parce que inscrites dans un texte international, et les sources plus ou moins « contestées » et par conséquent incertaines parce que laissées plus ou moins aux aléas de l'inter- prétation. Il va de soi que c'est la pratique internationale, l'accumulation diversifiée des strates de civilisation dans les rapports inter gentes, qui ont « fait » progressive- ment le droit international. Il a fallu cependant attendre le XX e siècle pour que ces « sources formelles » fassent l'objet d'une constatation écrite en 1920 dans le célèbre article 38, premier alinéa, du Statut de la Cour permanente de Justice inter- nationale, devenu, en 1946, le Statut de l'actuelle Cour internationale de Justice : « 1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les dif- férends qui lui sont soumis, applique : a) les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États en litige ; b) la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit ; c) les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; d) sous réserve de la disposition de l'article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de déter- mination des règles de droit. » 30 LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL Cet article 38 appelle trois observations : a) Ce n'est pas une création ex nihilo, mais la reprise d'un projet d'énumération des sources du droit international formulé pour la première fois à l'occasion de la création (avortée), en 1907, d'un tribunal international spécialisé : La Cour inter- nationale des Prises maritimes. Bonne occasion pour prendre la mesure de l'influence des rapports internationaux dans la formation du droit international. b) À la différence du projet précité de 1907, l'article 38 énumère les sources du droit international sans hiérarchisation : traités, coutumes et principes généraux de droit sont, par conséquent, placés sur un pied d'égalité au plan juridique. Ce sont, selon cet article, les sources directes du droit international ; en revanche, la jurisprudence internationale et la doctrine sont des « moyens auxiliaires » pour déterminer les règles de droit. Quant au jugement en équité (art. 38, par. 2) c'est une possibilité laissée à l'initiative des parties à un différend. c) Le corpus classique des sources formelles du droit international contempo- rain, l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, s'avère aujourd'hui incomplet et subit les assauts de la modernité internationale. D'une part, il ne fait pas mention des Actes des organisations internationales intergouvernementales qu'on ne saurait ignorer, à commencer par les résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies. D'autre part, l'idée d'une certaine hiérarchisation des sources du droit international semble s'affirmer de plus en plus, par-delà l'hypothèse bien connue de l'article 103 de la Charte des Nations Unies : le concept de jus cogens (Vienne, 1969) et celui de Traité multila- téral général (cf. infra) vont dans ce sens. Pour une vue d'ensemble sur les sources du droit international contemporain, il faut donner une place prioritaire aux accords internationaux (Titre I), rassembler les autres sources formelles dans leur diversité (Titre II), et essayer de faire le point (Titre III) sur le débat général en cours. 31 Titre I Les traités et accords internationaux Plusieurs Constitutions contemporaines utilisent les deux expressions, traité et accord, dans les quelques articles qu'elles consacrent au droit international. C'est dire que le vocabulaire en ce domaine est très (trop ?) laxiste et qu'il n'est pas, à coup sûr, un critère scientifique. Plus de trente expressions, en effet, plus ou moins synonymes, désignent ce qu'on appelle globalement en droit un « engagement international » : traité, accord, convention, protocole, acte final, etc. Néanmoins, le vocabulaire est à l'origine de certaines classifications importantes qu'il faut connaître et qui illustrent la place dominante prise par les accords internationaux. Après avoir rappelé les notions générales essentielles, on évoquera la vie d'un traité, c'est-à-dire les étapes de sa conclusion, de son application et de sa modifica- tion et/ou terminaison. On s'en tiendra aux thèmes généraux sans entrer dans le détail d'une réglementation technique et spécialisée, qui risque toujours d'être modifiée au coup par coup. Mais, par-delà les circonstances nationales ou locales, il y a un droit général des traités. 33 Chapitre 1 : Notions générales Contrairement aux apparences, la réponse à la question « qu'est-ce qu'un traité ? » n'est pas simple. Il faut savoir à l'occasion débroussailler le vocabulaire technique et connaître les nuances apportées par la pratique diplomatique et politique. Trois points méritent d'être évoqués afin de mieux comprendre les analyses techniques ultérieures du droit des traités : les définitions (Section I), la classification (Section II) et les efforts d'harmonisation du droit des traités (Section III). SECTION I : DEFINITIONS Un traité, au sens large, est « un accord de volonté entre sujets de droit interna- tional et soumis au droit international ». Quelle que soit la formulation donnée en doctrine c'est cette idée qui est fondamentale. 1. Cette définition que l'on retouve exprimée en termes à peu près identiques dans la doctrine contemporaine (ainsi en France chez Charles Rousseau, Paul Reuter, Suzanne Bastid et dans les manuels plus récents) est aussi celle retenue, pour les traités inter-étatiques, par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (art. 2, al. 1 a)) : « Article 2 : Expressions employées 1. Aux fins de la présente Convention : a) l'expression « traité » s'entend d'un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particu- lière. » On notera que ni la forme de l'accord ni son appellation officielle ne sont des cri- tères de qualification. On relèvera aussi que la Convention de Vienne, pas plus que la Charte des Nations Unies, n'interdit pas la conclusion de traité « oral » (Convention de Vienne, art. 3) ; mais, à l'époque contemporaine, il s'agit d'une forme d'engagement qui est vraisemblablement très rare (à supposer que les parties fassent connaître l'existence de leur engagement non écrit) et qui, à notre avis, s'apparenterait à la technique des traités dits « secrets », lesquels ne sont toujours pas interdits en droit positif {cf. infra). 2. La définition précitée renvoie à la notion de droit international public et à la notion de sujet de droit international. Un accord international ne peut lier que deux ou plusieurs sujets de droit international public, c'est-à-dire qui ont la capacité juri- 34 NOTIONS GÉNÉRALES dique de s'engager (ils ont le treaty-making power), et de se placer sous l'empire du droit international. Toute autre situation relève du « droit transnational » (accord entre un sujet de droit international et une personne privée, par exemple une multi- nationale, une ONG, etc.) uploads/S4/ droit-international-public 7 .pdf
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- Publié le Mai 27, 2022
- Catégorie Law / Droit
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