1 L’appréhension pénale du terrorisme Plan détaillé de la dissertation ENM 2014

1 L’appréhension pénale du terrorisme Plan détaillé de la dissertation ENM 2014 « Je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu'un terroriste » (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, tome I, 1849, p. 145). C’est par cette formule particulièrement violente que Chateaubriand exprimait sa répulsion envers le terrorisme. L’appréhension pénale désigne la façon dont le phénomène terroriste a été pris en compte par le pouvoir normatif. L’appréhension pénale du terrorisme est, tout d’abord, nationale. Ainsi, le terrorisme est défini par l’article 421-1 alinéa 1er du Code pénal comme englobant les infractions mentionnées par le texte, mais uniquement « lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». La première législation dédiée spécialement au terrorisme réside dans la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 adoptée suite à une vague d’attentats. Le texte instaure des règles de compétence dérogatoires à l’instar des cours d’assises sans jury compétentes pour juger les actes terroristes et aggravent les sanctions en matière de terrorisme tout en instaurant un statut de repenti qui permet soit une diminution de la sanction pénale, soit une absence de sanction selon les circonstances. Les infractions terroristes sont alors des infractions de droit commun commises avec un mobile terroriste. La réglementation relative au terrorisme figure alors exclusivement dans le Code de procédure pénale qui le définit. Le nouveau Code pénal ne rompt pas avec cette analyse, mais insère la définition des infractions terroristes, jusqu’ici figurant à l’article 706-16 du Code de procédure pénale, au sein du Livre IV du code pénal (loi n° 92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code pénal relative à la répression des crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique). Si cette innovation formelle paraît peu importante, il n’en demeure pas moins que quelques innovations, sur le fond, attirent l’attention. Ainsi, une infraction spécifique au terrorisme est créée, à savoir le terrorisme écologique (article 421-2 CP). Les réformes ultérieures ont progressivement allongé la liste des infractions terroristes. Ainsi en est-il des lois n° 96-647 du 22 juillet 1996, n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 et n° 2003-239 du 18 mars 2003 qui ont incriminé à titre autonome l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (article 421-2-1 CP), le financement du terrorisme (article 421-2-2 CP) et la non- justification de ressources correspondant à son train de vie tout en entretenant des relations habituelles avec un terroriste (article 421-2-3 CP). Pour s’adapter au terrorisme, le législateur est de nouveau intervenu par le biais de lois dédiées à savoir la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers qui permet, dans certaines conditions bien spécifiques, une garde à vue pouvant aller jusqu’à 6 jours en matière de terrorisme (article 706-88 CPP) et la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme qui crée notamment un cas de compétence spécifique au terrorisme (article 113-13 CP). L’appréhension pénale du terrorisme est, ensuite, internationale et européenne. La prise en compte internationale spécifique du terroriste est antérieure au droit national. Ainsi, les Conventions pour la prévention et la répression du terrorisme et pour la création d'une Cour pénale internationale de Genève datent du 16 novembre 1937. Elles s’avéreront être un échec. Par la suite de nombreuses autres Traités et Conventions ont été adoptés à l’instar de 2 la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif de New- York du 15 décembre 1997 ou encore la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de New-York du 9 décembre 1999. Pourtant, cette prise en compte n’est pas satisfaisante car, en l’absence de consensus international sur la notion même de terroriste et plus précisément de terrorisme d’Etat, le terrorisme ne figure pas parmi les infractions relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Le consensus est davantage marqué sur le continent européen. Ainsi, la Convention européenne pour la répression du terrorisme de Strasbourg du 27 janvier 1977 a été adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe. De même, une décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008 envisage également, dans le cadre de l’Union européenne, tous les aspects de la lutte contre le terrorisme. Toutefois, tous ces textes semblent constituer un aveu d’impuissance face à un phénomène protéiforme et particulièrement difficile à juguler. Il s’agirait même « d’un mur de papier face à une criminalité bien réelle » (expression de Mireille Delmas-Marty). De cette façon est posée la difficulté pour un Etat de droit d’endiguer un tel phénomène. En effet, soit l’Etat de droit traite le terrorisme comme l’ensemble des infractions et le risque est celui d’une relative impuissance ; soit il adopte une législation spécifique destinée à être efficace et atténue la protection juridique des terroristes et donc, d’une certaine façon, cède face au phénomène. Le législateur a fait le choix de concilier les impératifs de sécurité tout en ne sacrifiant pas les droits de la personne poursuivie. Le droit positif apparaît donc comme étant particulièrement mouvant bien que les juridictions pénales, le Conseil constitutionnel et même la Cour européenne des droits de l’homme veillent au respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles. Dans quelle mesure l’appréhension pénale du terrorisme permet-elle de lutter efficacement contre le phénomène tout en respectant l’Etat de droit ? La réponse à cette question est particulièrement délicate. Alors que la lutte par le droit positif a été initiée par le biais de dispositions spécifiques de procédure pénale ayant conduit à l’adoption de règles de droit pénal de fond. Il semble désormais établi qu’un consensus se dégage autour de la nécessité de renforcer la répression du terrorisme (I.). A l’inverse, le droit pénal de forme est fréquemment modifié et donne lieu à quelques censures par les juridictions en raison des atteintes portées aux droits des personnes poursuivies. La légitimité des règles procédurales est donc davantage discutée (II.). I) Les certitudes autour de la nécessité de renforcer la répression du terrorisme Faute d’un véritable consensus international face à un phénomène transfrontalier, l’appréhension du terrorisme par le droit pénal est essentiellement nationale. Le législateur a donc dû étendre la compétence des juridictions françaises (A.) mais a également choisi d’instaurer des peines dissuasives en adaptant la répression (B.). A) Une compétence étendue 1) L’existence classique de compétences universelles 3 Les cas de compétence universelle figurent aux articles 689-2 et suivants CPP. Pour être applicables, il est nécessaire qu’il existe une Convention internationale transposée par une loi, que la personne n’ait pas déjà été jugée et qu’elle soit arrêtée en France. Deux dispositions prévoient une telle compétence en matière de terrorisme, d’origine internationale d’une part (article 689-3 CPP), et européenne, d’autre part (article 689-9 CPP). 2) La consécration d’une compétence personnelle étendue La loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 crée un article 113-13 CP nouveau qui dispose : « La loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'actes de terrorisme et réprimés par le titre II du livre IV commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français ». La compétence personnelle active s’étend donc aux étrangers dès lors qu’ils vivent habituellement en France. La France ne peut donc pas constituer un Etat refuge pour les terroristes. B) Des pénalités adaptées 1) Des infractions de droit commun commises avec un mobile spécifique L’article 421-1 alinéa 1er CP contient une liste d’infractions de droit commun dont la sanction est aggravée dès lors qu’elles sont commises avec un mobile terroriste. Dans le même temps, existe un statut de repenti qui permet aux terroristes d’échapper à la sanction pénale s’ils permettent d’éviter l’acte ou de voir celle-ci diminuée s’ils parviennent à minimiser les conséquences de celui-ci (article 132-78 CP). 2) Des infractions spécialisées Depuis l’insertion dans le nouveau Code pénal du terrorisme, le législateur a également créé des infractions spécifiques au terrorisme. Il crée notamment des infractions-obstacles en incriminant des actes préparatoires. Il en est notamment ainsi de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (article 421-2-1 CP), mais également d’une infraction créé par la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012, à savoir l’article 421-2-4 CP qui punit : « Le fait d'adresser à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d'exercer sur elle des pressions afin qu'elle participe à un groupement ou une entente prévu à l'article 421-2-1 ou qu'elle commette un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 est puni, même lorsqu'il n'a pas été suivi d'effet ». La tendance du législateur est donc univoque et conduit à une pénalisation croissante de tous les agissements liés au terrorisme alors que les dispositions procédurales donnent lieu à davantage de uploads/S4/ droit-penal-et-terrorisme.pdf

  • 28
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jul 15, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.3274MB