Droit pénal international La matière est la même que l'on parle de DIP ou de DP
Droit pénal international La matière est la même que l'on parle de DIP ou de DPI : ce n'est que le point de vue qui change. Cheriff Bassiouni (internationaliste) dit dans son Introduction au droit pénal international (2002) qu'il s'agit de « deux revers d'une même matière ». Dans ce cours, il ne s'agit donc pas de reprendre le débat sur l'appellation de la matière. Article de Michel Massé (professeur à l'université de Poitiers), « À la recherche d'un plan, peut-être même d'un titre, pour une nouvelle discipline juridique », Mélanges à Claude Lombois : Apprendre à douter, Questions de droit, questions sur le droit (2004) SECTION 1 : DÉFINITION DU DROIT PÉNAL INTERNATIONAL Le droit pénal international peut être défini en reprenant les mots de Claude Lombois (Droit pénal international, Précis Dalloz, 1979) : c'est l'ensemble que forme la discipline juridique ayant pour objet les rapports du droit de punir et de la souveraineté des États. On est donc ici au milieu du droit pénal et du droit international : le droit de punir renvoie au droit pénal, tandis que la souveraineté des États renvoie au droit international. À partir de cette définition, Lombois distingue deux volets dans le DPI : le droit des infractions internationales : c'est en fait le droit pénal international stricto sensu ; le droit pénal extra-national : renvoie en fait à la saisine par des règles internes de situations infractionnelles présentant un caractère d'extranéité. L'objet du droit pénal international est donc double, puisque d'un côté il recouvre la définition et la punition des infractions internationales (ex: le génocide est l'infraction internationale par excellence, puni par la Cour pénale internationale), mais d'un autre côté c'est aussi la punition en droit interne des infractions ayant un caractère d'extranéité (ex: comment poursuivre le meurtre d'un Français commis par un Argentin au Japon?). En réalité, ces deux facettes ne sont pas toujours faciles à distinguer car elles s'entremêlent : les infractions internationales par nature (qui devraient rester dans la sphère internationale) trouvent en effet souvent un écho en droit interne. Ainsi par exemple, le génocide est défini par les textes internationaux (Convention sur le génocide de 1948 et statuts des tribunaux), mais il est également puni par le Code pénal français. Cet entremêlement entre le DPI stricto sensu et le droit pénal extra-national se connaît aussi à un autre niveau, inversé : il s'agit aussi des infractions internes qui se voient de plus en plus définies au niveau international (ex: le blanchiment d'argent puni par le droit français mais présentant des éléments d'extranéité, on a créé des conventions internationales sur le blanchiment d'argent ; de même pour le délit de fausse monnaie, ou encore la pollution). Pour marquer cette distinction, Lombois distinguait les infractions internationales par nature d'un côté, et les infractions internationales par le seul mode d'incrimination d'un autre côté : Les infractions internationales par nature renvoient aux agissements contraires au droit international public, et tellement nuisibles à l'ordre public international qu'on a décidé de les réprimer au niveau international. Il s'agit donc de comportements gravement contraires au droit international public. Elles sont donc internationales au sens matériel (car la valeur à laquelle elles portent atteinte est une valeur internationale), mais aussi au sens formel (car elles sont définies dans un texte de droit international). Les infractions internationales par le seul mode d'incrimination quant à elles renvoient à l'hypothèse d'un intérêt protégé n'appartenant pas à l'ordre international, mais commun à plusieurs voire à tous les États. Cette valeur commune qu'on souhaite protéger nécessite donc un texte international pour prévoir l'infraction correspondant à sa protection. Ces infractions ne sont donc 1 des infractions internationales qu'au sens formel (parce qu'un texte les prévoit) et non pas au sens matériel (elle n'est pas internationale, seulement commune à tous les États, ex: trafic de stupéfiants, blanchiment d'argent...). On peut critiquer cette distinction ; Lombois la pose ainsi pour marquer une différence de gravité entre les infractions internationales (génocide, crime contre l'humanité, crime de guerre, crime d'agression) et les autres. SECTION 2 : LES OBJECTIFS DU DROIT PÉNAL INTERNATIONAL Au delà de cette définition, le droit pénal international poursuit des objectifs précis. Dans tous les cas, il s'agit d'organiser la répression d'infractions qui débordent la compétence d'un seul État, soit parce que l'infraction implique plusieurs États, soit parce que l'infraction constitue une atteinte à l'humanité toute entière. Qu'on soit dans l'un ou dans l'autre cas de figure, le droit pénal international essaie d'organiser au mieux les règles qui permettent la poursuite de tels comportements : qui est compétent pour poursuivre et juger ? Comment obtient-on des preuves ? Comment attraper les personnes mises en cause ? Comment permettre ou autoriser la punition, alors même que dans son propre pays la personne condamnée bénéficie d'une immunité ? Les juges eux-mêmes ne se sont pas encore prononcés sur toutes ces questions. À un second niveau, cet objectif de lutte contre l'impunité internationale contribue aussi à la préservation de la paix et de la sécurité internationale. En permettant à un État de réprimer une infraction qui a troublé son ordre public malgré de nombreux obstacles liés au caractère international de l'infraction, on dissuade aussi les États lésés d'agir directement sur un territoire étranger ; c'est ce qui contribue à apaiser les tensions internationales. Un bon contre-exemple de cette idée est l'affaire Eichmann, criminel de guerre nazi, l'un des responsables de la solution finale. À la fin de la seconde guerre mondiale, il trouve refuge en Argentine et a ainsi réussir à échapper au procès de Nuremberg : exfiltré par les agents du Mossad pour être jugé en Israël, il est condamné à mort en Israël. [Cf Hannah Arendt, Le procès Eichmann (concernant la banalité du mal).] Les Argentins se sont insurgés de cette capture au mépris des règles internationales : le Conseil de sécurité, dans une résolution n°138 du 23 juin 1960, a déclaré que « la répétition de tels actes, qui portent atteinte à la souveraineté d'un État membre, et en conséquence provoque des désaccords entre nations, peut menacer la paix et la sécurité internationale ». Aujourd'hui, on trouve des règles de plus en plus importantes relative à l'entraide internationale ; ces règles, qui visent à permettre la collaboration entre États membres pour punir les infractions internationales, tendent à gommer ces tensions. De même, le fait de définir au niveau international ces infractions, on contribue à un petit niveau à un retour à la paix. SECTION 3 : LES DIFFICULTÉS POSÉES EN DROIT PÉNAL INTERNATIONAL Ces difficultés sont dues d'abord à la définition de la matière, qui est complexe. Une seconde difficulté est due au fait que le droit pénal international est alimentée par des sources multiples. §1: Un carrefour entre droit pénal, droit pénal international, et relations internationales Cette matière se trouve à un point de rencontre entre droit pénal d'un côté, et relations internationales de l'autre. Le DPI est la discipline qui a pour objet les rapports entre le droit de punir et la souveraineté des États : il s'agit donc bien de punir par delà les frontières, mais en même temps cette branche du droit se heurte à certaines difficultés et certains principes issus du droit international public. De façon plus concrète, le droit pénal international se heurte aussi aux réalités des relations internationales 2 (droit éminemment politique). Le droit pénal international est encadré par le droit international public. En effet, le droit international public organise la préservation des souverainetés des États, et notamment le droit de punir. Dès lors, comment peut-on organiser l'idée de lutter contre l'impunité internationale, tout en le combinant avec la préservation de la souveraineté des États ? Un bon exemple est celui de la compétence universelle, qui se définit comme la compétence grâce à laquelle un État peut poursuivre et juger une infraction qui n'a pas de lien de rattachement avec lui. On est donc complètement dans la contrariété avec l'idée de souveraineté, qu'il y ait un lien territorial (infraction commise sur le territoire) ou un lien personnel (ressortissant d'un État). La conception de la compétence universelle poussée à son paroxysme est la conception belge : en Belgique, on a considéré que l'on pouvait poursuivre en Belgique tout grand criminel qui n'a ni la nationalité belge, ni aucun lien avec la Belgique (lois de 1993 et de 1999). Mais alors, une avalanche de plaintes et de pressions ont été déposées en Belgique contre des dignitaires étrangers (ex: plainte déposées contre la première guerre du Golfe) ; en 2003, la Belgique a donc supprimé sa loi de compétence universelle absolue. Aujourd'hui, en droit français la compétence universelle existe, mais elle est subordonnée à une condition : on peut juger tout individu étranger qui a commis un acte très grave (génocide, crime de guerre...) dès lors qu'on l'attrape sur le sol français. Le droit pénal international se heurte aux réalités que sont les relations internationales : les relations internationales influencent le droit pénal international, et inversement le droit pénal international influence les relations diplomatiques. uploads/S4/ droit-penal-international.pdf
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- Publié le Apv 02, 2021
- Catégorie Law / Droit
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