Droit privé comparé – Cours de Mme Robin-Olivier DROIT PRIVE COMPARE INTRODUCTI

Droit privé comparé – Cours de Mme Robin-Olivier DROIT PRIVE COMPARE INTRODUCTION I. Propos introductifs • Approche comparative Il ne s’agit pas d’étudier les ≠ droits étrangers. Nous nous pencherons sur un certain nombre de thèmes déterminés. Une des vertus du droit comparé  avoir un regard critique sur notre propre système de droit, pourquoi il a fait tel ou tel choix ; questions que soulève le droit français ou européen à travers l’observation d’autres droits  moyen de construire, comprendre le droit, mais aussi de remettre en cause les solutions acquises (en particulier dans un contexte de concurrence des lois), lutter contre le dogmatise, les stéréotypes, l’ethnocentrisme (fonction subversive du droit comparé  Muir-Watt) 1. Qu’est-ce que comparer ? Définition courante : « mettre en parallèle et faire apparaître des similitudes et des différences ». - Faire ressortir les similitudes  approche intégrative de la comparaison - Rechercher les différences fondamentales de certains droits, afin de montrer que des systèmes ne peuvent pas être rapprochés  approche différentialiste (Pierre Legrand, Droit comparé, PUF) : il existe des différences fondamentales entre certains systèmes et par conséquent il est exclu d’unifier les droits (exemple : Law and economics, critique au regard de l’économie ; Law and feminism, critique de la construction du droit en faveur des hommes).  il y a donc un certain enjeu politique. 1 Droit privé comparé – Cours de Mme Robin-Olivier Il ne s’agit pas d’une démarche neutre. Ces différences et ces similitudes dépendent des critères que l’on retient pour la comparaison. On détermine ces critères au regard des objectifs de la comparaison. (ex : recherche d’une équivalence afin de procéder à une substitution du droit étranger par le droit français ; recherche des valeurs d’un système de droit au regard de l’ordre public international français). On peut également comparer au sein du droit interne lui-même (ex : PACS/mariage). 2. Pourquoi comparer ? • Objectifs - apprendre des autres systèmes afin d’améliorer notre propre système - trouver les solutions à des problèmes juridiques nouveaux - convaincre par l’utilisation de la comparaison. - Comprendre les autres droits dans un contexte d’internationalisation des situations (autant droit privé que public, par ex négociation internationale de traités). 3. Histoire de la comparaison • Si l’on remonte à l’Antiquité : Solon (législateur athénien, 6e siècle avant JC), procédait déjà à une certaine comparaison. Aristote (4e siècle avant JC), dans la Politique, fait référence à une grande variété de constitutions et procède à une étude comparative des constitutions grecques et barbares pour mener ses analyses. • Au Moyen-Âge : travail commun des universités en Europe ayant amené à l’émergence du jus commune (réfléchir à des solutions qui pourraient être bonnes pour tous, en utilisant le droit romain, le droit canonique, coutumes). • + tard, Montesquieu, dans L’esprit des lois, compare les régimes politiques, notamment après un voyage en Angleterre, avec cette idée que l’on peut déterminer de bons principes de gouvernement à partir de la comparaison. 2 Droit privé comparé – Cours de Mme Robin-Olivier • En réalité, la législation comparée est devenue une discipline universitaire à partir du XIXe siècle (Henry Summer Maine) ; en 1831, est créée au Collège de France une chaire de législation comparée. En 1869, création de la Société de législation comparée ; en 1900, organisation du premier congrès international de droit comparé, par les 2 fondateurs du droit comparé en France (Édouard Lambert et Raymond Saleilles1). • L’intérêt premier a été porté au droit naturel : pour dégager des solutions justes, il ne faut pas s’intéresser au droit positif, mais considérer le droit naturel, qui serait conforme à la raison, à un certain état naturel des choses. • L’analyse comparative est une discipline jugée impossible par certains : il existe une telle variété de systèmes que l’on ne sait pas où chercher ; obstacle culturel, linguistique qui peut rebuter les chercheurs. Pour beaucoup, la connaissance du monde juridique est irréalisable. Afin de réduire la diversité : compiler les droits dans des grandes familles. • Au cours des dernières années, l’analyse comparative a acquis une vigueur nouvelle. Raisons de ce renouveau - tendance à rechercher des solutions dans les autres systèmes, avec l’idée que, si un problème se pose, on trouvera la solution dans d’autres droits positifs  au Sénat par exemple, analyse de certains droits étrangers avant la prise de décision. Pb : lorsque l’on souhaite « greffer » purement et simplement des solutions/institutions étrangères en droit français (legal transplants). Débat acharné à ce sujet entre Pierre Legrand et Allan Watson. - Utilisation du droit comparé pour convaincre au cours du processus de la réforme législative (voir réformes récentes : peines « plancher », tests ADN, flexibilité du contrat de travail…). Le doyen Carbonnier avait dénoncé cette tentation de s’inspirer d’autres droits. o Exemple en matière constitutionnelle : l’interprétation de la Constitution par référence aux solutions jurisprudentielles étrangères. Si on se penche sur les décisions du CCons, on ne trouve pas d’approche comparative (du moins explicite), ni par rapport à la jurisprudence étrangère, ni par rapport à la doctrine. Il y a eu en France une controverse sur laquelle le Doyen Vedel avait 1 Voir en particulier C. Jamin, RDC 2000, n°4 (« Le vieux rêve d’Edouard Lambert et Raymond Saleilles revisité »). 3 Droit privé comparé – Cours de Mme Robin-Olivier pris position avec une très grande réticence (certains avaient voulu faire référence à la constitution indienne) : « le droit comparé ne doit pas être invoqué pour ébranler les convictions qui étaient auparavant les nôtres. Il faut se défaire de l’idée que telle ou telle théorie, pratique, parfois issue d’une démocratie juvénile doive s’imposer de la même façon qu’une mode vestimentaire ». Aux Etats-Unis, controverse par rapport à des décisions de la Cour Suprême faisant référence aux droits européens, voire à d’autres droits. Voire par exemple la décision de la Cour suprême, Lawrence v. Texas (2003), portant sur l’incrimination de la sodomie dans l’État du Texas. Les relations de ce type pouvaient faire l’objet de sanctions pénales au Texas, jusqu’à cette décision. Les personnes incriminées ont contesté la constitutionnalité de cette loi texane, sur le fondement du droit au respect de la vie privée (entre autres). Pour trancher dans le sens de la condamnation de cette loi texane, la Cour Suprême a fait référence à la jurisprudence de la CEDH. Par la suite, décisions portant sur la peine de mort concernant les mineurs, les malades mentaux, dans lesquelles la Cour suprême a de nouveau fait appel au droit étranger pour déterminer le domaine dans lequel cette peine peut s’appliquer. La Cour Suprême a donc interprété la constitution américaine en tenant compte des solutions adoptées par les autres pays. Ces décisions ont provoqué de vifs débats au Congrès – certains hommes politiques ont voulu interdire à la Cour Suprême d’interpréter la constitution américaine d’une telle façon – et même au sein de la Cour Suprême elle-même (Juge Scalia attaché à une interprétation originaliste de la constitution, c-a-d qui ne devrait pas tenir compte des évolutions sociales, mais plutôt s’attacher à la pensée des auteurs, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenir compte du droit étranger lors de l’écriture de la constitution, mais pour son interprétation il faut s’en tenir au texte originel. Au contraire, le juge Breyer est favorable à une interprétation évolutive : interprétation dynamique du texte de la constitution, c-a-d accepter qu’au cours du temps les interprétations puissent évoluer et puissent tenir compte de considérations retenues dans des solutions étrangères). On trouve 4 Droit privé comparé – Cours de Mme Robin-Olivier également cette tendance en Israël, en Afrique du Sud : s’inspirer des solutions retenues ailleurs et les inscrire, les insérer, les adapter au système national (sinon, critique tenant à la décontextualisation). Arguments à l’encontre de cette tendance : normalement, le pouvoir vient du peuple. Dès lors, quelle est la légitimité démocratique de telles solutions ? On peut rétorquer qu’il s’agit seulement de s’inspirer de solutions étrangères, pas des les appliquer en tant que telles. Quelle est la connaissance du droit étranger dont on prétend s’inspirer ? Quelle est le sens de retirer une solution étrangère de son contexte (dénaturalisation) ? Peut-on réellement prétendre connaître l’état du droit étranger ? La précaution est de mise lorsque l’on fait référence à des solutions de droit étranger. L’utilisation des décisions étrangères demande des développements substantiels (compte rendu de recherches ; contexte de l’élaboration des décisions étrangères). Risque d’arbitraire : pourquoi choisir tel droit plutôt qu’un autre, fondements de la sélection, quels critères de choix (valeurs démocratiques, sociales, politiques ?) ? Aujourd’hui, un certain nombre de Cours constitutionnelles sont en rapport les unes avec les autres : réseaux, conférences. o Exemple en matière civile : on constate l’adoption d’une démarche comparative dans les décisions de nature civile. Voir en particulier l’affaire Perruche (2000) : le rapport du conseiller rapporter et les conclusions de l’avocat général contiennent des développements relatifs aux solutions retenues dans d’autres systèmes – ceux-ci n’apparaissent cependant pas directement dans le uploads/S4/ droit-prive-compare-3.pdf

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  • Publié le Jan 22, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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