UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II) SÉANCE 15 TRAVAUX DIRIGÉS – DROIT CIVIL Co
UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II) SÉANCE 15 TRAVAUX DIRIGÉS – DROIT CIVIL Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS - 1 - LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES FICHE RETOUR ___________________________________________________ Vous trouverez ci-dessous des éléments de corrigé concernant l’ensemble de la Séance 15 : fiche de suivi, pressage de citron, et dissertation. Dans la mesure du possible, ces éléments tiennent compte des questions que vous avez posées à la fin de la fiche de suivi. Si toutefois vous ne trouvez pas de réponse à vos interrogations – que vous les ayez formulées dans votre fiche de suivi ou qu’elles apparaissent à la lecture de ce corrigé –, n’hésitez pas à vous rapprocher de vos chargés de TD respectifs. Ils sont là pour vous. I.- Fiche de suivi Q1. Teffaine et Jand’heur. L’arrêt Teffaine marque l’admission du principe général de la responsabilité du fait des choses sur le fondement de l’article 1384, al. 1er anc., mais ne précise ni les choses qui relèvent de ce principe de responsabilité, ni la nature de la présomption qui pèse sur le gardien de la chose (présomption de faute ou présomption de responsabilité ?). L’arrêt Jand’heur met fin à ces hésitations : il permet d’affirmer que l’article 1384 al. 1er ne distingue pas selon le type de choses (le fait que la chose soit actionnée ou non par la main de l’homme, ou qu’elle soit viciée, est indifférent) ; et il pose une présomption de responsabilité pesant sur le gardien de la chose. Q2. Causes d’exonération dans Jand’heur. L’arrêt Jand’heur ne vise que deux causes d’exonération possibles : (i) un cas fortuit ou de force majeure ; et (ii) une « cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ». Ce qui veut dire, a contrario, que le gardien ne peut s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. D’où l’on déduit que la responsabilité du fait des choses est une responsabilité sans faute / de plein droit / objective, ces trois termes devant être tenus pour synonymes. Ø Pour aller plus loin : v. ci-dessous le focus consacré aux causes d’exonération en matière de responsabilité du fait des choses (II). Q3. Conception de la garde dans Franck. L’arrêt Franck pose les critères de la garde, qui se caractérise par la réunion de l’usage, du contrôle et de la direction de la chose ayant causé le dommage. Une telle définition oblige à distinguer la garde à la fois de la propriété et de la détention de la chose : on dit qu’il s’agit d’une conception matérielle de la garde, par opposition à une conception juridique qui aurait attribué la qualité de gardien de la chose à celui qui dispose d’un droit (par exemple, de propriété) sur celle-ci. Q4. Garde collective. La notion de garde est exclusive : il ne peut y avoir qu’un seul gardien d’une même chose, à un même moment. Il reste qu’il existe des hypothèses où plusieurs personnes ont, au moment de la réalisation du dommage, une maîtrise commune de la chose : dans ces cas-là, la question qui se pose porte sur le point de savoir qui doit être tenu pour gardien. C’est l’hypothèse du Document n° 4 où la Cour de cassation considère que l’ensemble du groupe de chasseurs participait à une « action commune » en exécutant des « actes connexes et inséparables » : ils sont donc considérés comme ayant formé une entité unique. L’admission de la garde collective, comme celle de la causalité alternative, UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II) SÉANCE 15 TRAVAUX DIRIGÉS – DROIT CIVIL Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS - 2 - décharge la victime de la preuve impossible d’identifier l’auteur du dommage parmi un groupe de personnes déterminées, qui seront ainsi condamnées in solidum à réparer le dommage. C’est bien une logique indemnitaire qui guide la solution. Cette garde collective n’est cependant retenue que de façon exceptionnelle : le Document n° 5 démontre que la Cour de cassation s’efforce d’identifier le gardien en appréciant les pouvoirs respectifs exercés, en l’espèce, par les co-pilotes du side-car. Ø Pour aller plus loin : v. ci-dessous le focus consacré à la notion de garde collective (II). Q5. Gardien privé de discernement. Le Document n° 8 retrace l’évolution de la jurisprudence qui a consisté à déterminer si les personnes privées de discernement pouvaient être considérées comme gardien d’une chose. Dans l’arrêt Escoffier, la Cour de cassation avait jugé que la notion de garde impliquait nécessairement une faculté de discernement : par sa référence à la notion d’ « imputation » de la responsabilité, elle marquait son attachement à une conception subjective de la garde. Elle a ensuite affirmé le contraire s’agissant des déments dans l’arrêt Trichard, puis a étendu sa solution aux infans dans l’arrêt Gabillet. La garde devient donc, comme la faute, une notion objective : l’usage, le contrôle et la direction de la chose suffit à qualifier le gardien, qu’il soit ou non privé de discernement. Q6. Responsabilité du fait des choses inertes. En matière de choses inertes, la victime du dommage doit, pour obtenir réparation, prouver le rôle actif de la chose dans le dommage en prouvant son caractère anormal ou défectueux. C’est ce qu’indique le Document n° 9 lorsqu’il retient que l’escalier était l’instrument du dommage car il « présentait un caractère dangereux et une position anormale ». Le Document n° 10 adopte la même solution ; mais en l’espèce, la Cour de cassation n’a pas considéré que la piscine, qui était « suffisamment éclairée pour que son emplacement et ses dimensions puissent être distinguées », était dans une position ou dans un état anormal. Q7. Concurrence du législateur. Le législateur est venu concurrencer le pouvoir créateur de la jurisprudence en créant des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses. Les deux exemples principaux sont la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation (dite loi Badinter), et la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (dont les dispositions ont été insérées dans le Code civil aux articles 1386-1 anc. / 1245 nouv. et suivants). Q8. Acceptation des risques. Traditionnellement, celui qui avait accepté les risques inhérents à l’utilisation d’une chose – au cours d’une activité sportive, par exemple – ne pouvait pas ensuite demander réparation au gardien de celle-ci si un dommage se produisait. La Cour de cassation est cependant revenue sur sa position, en affirmant d’abord que la victime était considérée n’avoir accepté que les risques normaux inhérents à une activité (Cass. civ. 2ème, 8 mars 1995), avant de supprimer, en matière de fait des choses, toute possibilité d’exonération du gardien par l’acceptation des risques (Cass. civ. 2ème, 4 novembre 2010). Cette solution est par exemple appliquée dans le Document n° 5 (side-car) et dans le Document n° 12 (essais préparatoires à une course automobile). Le législateur est ensuite intervenu par la loi du 12 mars 2012 relative à l’organisation des manifestations sportives pour exclure la responsabilité du gardien en cas de dommage matériel causé à un autre pratiquant à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive, y compris à l’entraînement (C. sports, art. L. 321-3-1). La loi est donc allée bien au-delà de la jurisprudence antérieure : le gardien n’est tout simplement pas responsable du dommage matériel. Il reste en revanche évidemment responsable de tous les dommages corporels qu’il occasionnerait. UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II) SÉANCE 15 TRAVAUX DIRIGÉS – DROIT CIVIL Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS - 3 - Q9. Projet de réforme. Dans sa grande majorité, l’article 1243 projeté codifie l’acquis jurisprudentiel en matière de responsabilité du fait des choses (responsabilité de plein droit, conception matérielle de la garde, preuve du rôle causal selon que la chose soit inerte ou en mouvement…). Mais il restreint, dans le même temps, ce régime de responsabilités aux « dommages causés par le fait des choses corporelles » : seraient donc exclues, a contrario, les choses incorporelles, c’est-à-dire immatérielles. Cette exclusion est une nouveauté et marque un important départ de l’arrêt Jand’heur. Elle peut interroger, car on pourrait parfaitement envisager, dans nos sociétés contemporaines, qu’un dommage puisse être causé par le fait d’une chose incorporelle : un logiciel, un virus informatique, un brevet, ou même – pourquoi pas – une intelligence artificielle. II.- Questions fréquentes Vous trouverez ci-dessous des éclairages correspondant aux thèmes ayant soulevé le plus de questions de la part des étudiants. Trois ont été retenus dans le cadre de cette séance : la notion de garde collective ; les causes d’exonération en matière de responsabilité du fait des choses ; et la distinction entre la garde de structure et la garde de comportement. Focus n° 1 : La notion de garde collective En principe, la garde a un caractère exclusif, et ne peut donc être cumulative. Ainsi, lorsque plusieurs personnes exercent des pouvoirs sur la chose, il faut identifier parmi elles celle qui réunit les trois conditions de la garde au moment de la réalisation uploads/S4/ f15-fiche-retour.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 08, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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