Groupe ISP - Droit pénal La famille et le droit pénal (annales 2003) La famille
Groupe ISP - Droit pénal La famille et le droit pénal (annales 2003) La famille a pu être considérée comme la « pépinière de l’Etat » : la formule signale que le cercle familial est un lieu privilégié de socialisation et de sa cohésion dépend en partie la stabilité sociale à venir. De là l’intérêt naturel que porte le droit pénal, gardien de l’intérêt général, à la famille. La famille consiste dans un groupe de personnes reliées entre elles par des liens fondés traditionnellement sur le mariage et la filiation. Il s’agit d’une réalité à la fois sociologique, économique et juridique qui a connu de forts bouleversements au cours de l’histoire. D’abord, on observe un phénomène général de rétrécissement de la famille, qui s’est traduit par un dépérissement du lignage au profit du foyer. Ainsi, à Rome, le paterfamilias disposait à l’origine d’une autorité sur l’ensemble de sa gens. Ensuite, les familles se composent et recomposent aujourd’hui selon de nouveaux schémas, comme en témoigne la loi du 15 novembre 1999 sur le concubinage et le PACS. Enfin, on observe un relâchement de la hiérarchie familiale au profit d’une conception plus individualiste, soucieuse de garantir l’autonomie de chaque individu au sein de la famille. Ces évolutions ont été enregistrées par le droit civil naturellement, auquel se rattache principalement le droit de la famille, mais aussi le droit pénal. Ainsi, la famille n’est plus le lieu privilégié d’exercice des pouvoirs de sanction, en raison de l’avènement de la justice publique, et seul un pouvoir limité de correction des parents sur leurs enfants survit de façon coutumière. Quant à la responsabilité familiale, qui provoquait l’affrontement clan contre clan dans le cycle de la vengeance privée, elle apparaît aujourd’hui comme un archaïsme qui a jeté ses derniers feux avec la loi des suspects d’octobre 1793. C’est désormais le principe de responsabilité individuelle qui prévaut. Au terme de ces évolutions, la famille demeure essentiellement l’objet d’une protection du droit pénal, car le respect des prérogatives familiales et la garantie de la cohésion familiale importent, aujourd’hui comme hier, à l’intérêt général. Cependant cette protection de la famille par le droit pénal emprunte des voies différentes selon les intérêts en jeu. En effet, lorsqu’une infraction porte atteinte à une valeur essentielle comme c’est le cas des infractions contre les personnes, le droit pénal s’immisce dans la sphère familiale afin de rappeler les interdits fondamentaux qui fondent tant la vie familiale que sociale. La famille est alors le cadre particulier de l’infraction. En revanche, lorsque la valeur sociale lésée paraît moins importante que la protection de la cohésion familiale, le droit pénal refuse de s’immiscer dans la sphère familiale et le lien familial devient source d’impunité : tel est le cas en matière d’atteintes aux biens ou aux intérêts de la Nation, pour lesquelles des immunités familiales permettent de neutraliser ponctuellement la répression. Les deux méthodes ne sont pas contradictoires car il s’agit dans l’un et l’autre cas de protéger la famille, tantôt en s’immisçant dans la sphère familiale, tantôt en campant dans une position de retrait qui préserve les secrets de famille. Cette dialectique se retrouve si l’on considère l’impact du lien familial sur les incriminations pénales (I) et la répression pénale (II). I - L’impact du lien familial sur les incriminations pénales En cas d’atteintes à des valeurs hautement protégées, comme c’est la cas des infractions contre les personnes qui figurent au sommet de la hiérarchie du nouveau Code pénal, le droit pénal intervient dans la sphère familiale qui devient alors le cadre spécifique de l’incrimination. Si l’on excepte la substitution, la simulation et la dissimulation d’enfant (Article 227-13), qui ont surtout pour objectif de protéger l’état civil de l’enfant, le Code pénal incrimine ainsi essentiellement les atteintes aux prérogatives familiales (A) et les atteintes à la cohésion familiale (B). http://www.prepa-isp.fr Groupe ISP - Droit pénal A - L’incrimination des atteintes aux prérogatives familiales Les atteintes aux prérogatives familiales sont regroupées dans le Chapitre VII du Titre II du Code pénal, intitulé « des atteintes aux mineurs et à la famille ». Le droit pénal, droit sanctionnateur, vient garantir l’effectivité des règles de droit civil relatives notamment à l’autorité parentale et aux conséquences du divorce. Les principales incriminations sont la non représentation de mineur et le délaissement de mineur de quinze ans, les hypothèses variées d’abandon, enfin les divers types de provocation du mineur à commettre des infractions, ces deux dernières catégories ayant fait l’objet d’une intensification récente du maillage pénal. La non représentation de mineur, prévue à l’article 227-5 du Code pénal, incrimine « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer », qui « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». Cet article a pour but d’assurer par une sanction pénale l’exécution des mesures judiciaires ordonnées au sujet de la garde des enfants mineurs. Ce délit, qui exige une dissimulation effective du mineur et la preuve d’une intention délictuelle, ne s’applique que dans le cas particulier où il a été statué sur la garde de ce mineur par une décision de justice. Quant au délaissement de mineur de quinze ans (Articles 227-1 et 227-2), il consiste dans le fait de se soustraire à l’obligation de prendre soin de ses enfants, que cette démission des parents ait eu ou non une conséquence sur l’intégrité physique du mineur. Dans la catégorie composite des abandons figure d’abord l’abandon de famille. L’article 227-3 punit de deux ans d’emprisonnement et de 15000 € d’amende « le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, légitime, naturel ou adoptif, d’un descendant, d’un ascendant ou d’un conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature due en raison de l’une des obligations familiales » prévues par le Code civil. Cette incrimination suppose qu’il existe à la base de la poursuite correctionnelle une décision de justice civile déterminant le contenu et la portée de l’obligation de famille mise la charge du prévenu. En l’absence d’une exécution spontanée, les devoirs de solidarité familiale, et leurs corollaires pécuniaires, font l’objet d’une protection pénale. Ensuite, le Code pénal incrimine également l’abandon d’enfant (Article 227-12). C’est sur ce terrain que l’on trouve la sanction pénale de la maternité de substitution : non seulement une convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance est nulle d’une nullité absolue en raison de l’illicéité de son objet (AP 31 mai 1991), mais elle entre dans les prévisions de l’article 227-12. Enfin, ici comme ailleurs l’inflation législative fait sentir ses effets : l’abandon scolaire d’enfant a été créé par une loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire. Cette nouvelle incrimination, qui figure aux articles 227-17-1 et 227-17-2 sanctionne le fait pour les parents de ne pas inscrire leurs enfants, sans excuse valable, dans un établissement d’enseignement. Cette loi témoigne de la sollicitude du législateur contemporain à l’égard de l’enfant victime, mais elle constitue aussi un dispositif contre les sectes qui embrigadent des enfants en les soustrayant au système scolaire, dispositif qui a été complété par la loi du 12 juin 2001. S’agissant des incriminations de provocation d’un mineur à commettre une infraction, elles ont été renforcées par l’importante loi du 17 juin 1998. Ces incriminations figurent aux articles 227-18 à 227-22 du Code pénal : l’objectif est de lutter contre une délinquance juvénile en extension qui est parfois encouragée par le milieu familial et tend à développer des faits délictueux dans l’enceinte même des établissements d’enseignement, par exemple le commerce de stupéfiants. On voit donc que le droit pénal sanctionne les manquements aux prérogatives familiales et que cet encadrement pénal a été intensifié. Un phénomène identique se retrouve si l’on considère les plus graves infractions qui menacent la cohésion familiale. http://www.prepa-isp.fr Groupe ISP - Droit pénal B - L’incrimination des atteintes à la cohésion familiale La cellule familiale est menacée d’éclatement en cas d’atteintes sexuelles ou d’atteintes à la vie au sein de la famille. C’est pourquoi le droit pénal intervient depuis toujours de façon énergique afin de rappeler les interdits fondamentaux qui sont souvent autant de fondements anthropologiques de la famille. Qu’il s’agisse d’inceste, de parricide ou d’infanticide, ce sont les interdits de la « horde primitive », selon l’expression de Freud, que l’on retrouve ici. Cela recouvre à la fois les atteintes sexuelles et les atteintes à la vie au sein de la famille. S’agissant des atteintes sexuelles au sein de la famille, il faut d’abord souligner que l’existence d’un lien familial constitue dans plusieurs hypothèses une circonstance aggravante. Ainsi, l’inceste peut selon la matérialité des faits tomber sous le coup des incriminations d’agression sexuelle (article 222-28), d’atteinte sexuelle sans violence (227-26) ou de viol. Dans cette dernière hypothèse, l’article 222-24-4° dispose que le viol est puni de vingt ans de uploads/S4/ famille-et-droit-penal.pdf
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- Publié le Jui 14, 2022
- Catégorie Law / Droit
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