Graduate Institute Publications Les sanctions des Nations unies et leurs effets

Graduate Institute Publications Les sanctions des Nations unies et leurs effets secondaires | Djacoba Liva Tehindrazanarivelo Chapitre I. L’origine des effets secondaires : les sanctions du chapitre VII de la Charte p. 17-69 1 2 Texte intégral Section I. La nature juridique des mesures du chapitre vii : mesures politiques ou sanctions ? L’on sait que les effets secondaires, objet de notre étude, proviennent de l’application des sanctions prévues au chapitre vii de la Charte. Le mot « sanction » n’est toutefois mentionné nulle part dans la Charte, encore moins dans son chapitre vii qui réglemente les actions de l’ONU en cas d’atteinte à la paix et à la sécurité internationales. Ce chapitre ne parle que de « mesures » ou de « mesures préventives et coercitives ». Sur la base de ce constat, et d’autres arguments que nous aurons l’occasion de mentionner plus tard, certains auteurs avancent que ces actions ne constituent pas des sanctions au sens juridique du terme. Il s’agit seulement pour ceux-ci de mesures politiques ou de mesures de police. D’autres auteurs avancent au contraire que celles-ci peuvent bien être des sanctions juridiques. Étant donné que les développements qui vont suivre prennent comme postulat le caractère de sanction des mesures du chapitre vii de la Charte, comme le montre l’utilisation des termes « sanctions des Nations Unies » dans les différents titres de notre étude, la clarification de la nature juridique de ces mesures nous paraît être un préalable indispensable (Section I). Une fois cette clarification faite, il s’agira alors, pour bien comprendre comment les effets secondaires se produisent, d’examiner d’une part le processus de déclenchement des sanctions (Section II) et d’autre part les modalités d’exécution des sanctions ainsi décidées, notamment les obligations des Etats à cet égard, quelles que soient leurs positions quant aux effets secondaires constatés (Section III). La réponse à cette question controversée passe par la clarification de la notion de sanction. En effet, qu’est-ce qu’une sanction si l’on se place d’un point de vue 3 4 § 1. La notion de sanction A. Une définition liée à la place que l’on accorde à la sanction dans un ordre juridique strictement juridique, et quel type de mesures mérite cette qualification ? Les mêmes critères de qualification opèrent-ils pour tout ordre juridique, aussi bien interne qu’international, ou existe-t-il une définition spécifique de la sanction en droit international ? (§1). La question peut effectivement se poser quand on regarde les différences de structure entre la société étatique et la société internationale, et la différence entre les réactions à l’illicite observées dans les relations internationales et celles que l’on voit en droit interne. C’est sur la base des critères dégagés dans les réponses à ces questions que nous examinerons si les mesures prévues au chapitre vii de la Charte des Nations Unies constituent ou non des sanctions (§2). Il n’est pas dans notre propos de s’attarder sur les différentes conceptions de la sanction dans la théorie juridique. Il s’agit avant tout de déterminer la nature juridique des actions des Nations Unies pour le maintien de la paix et la sécurité internationales, prévues au chapitre vii de la Charte. De cette détermination découlent plusieurs conséquences importantes pour notre étude. A l’analyse de la doctrine, on constate d’abord qu’il y a plusieurs définitions ou conceptions de la sanction. On peut ensuite remarquer que cette multitude de définitions vient d’une différence de perception de la place de la sanction dans un ordre juridique. C’est dire que la définition d’une sanction est liée à la conception même que l’on a du droit, c’est-à-dire du rôle accordé à la sanction par rapport à l’existence du droit. La définition que nous allons retenir sera alors celle basée sur la conception du droit qui nous semble la plus appropriée pour la société internationale.fi 5 6 7 la Sanction d’une règle, en inclinant à l’obéissance à son égard, lui confère une valeur pratique, que, sans elle, trop souvent, la règle risquerait de rester lettre morte. On ne peut donc certes faire fi de la Sanction, mais il faut la ramener à sa juste place, le domaine pratique, qui demeure considérable. Elle est ainsi associée à la règle pour faciliter son application, sans se confondre avec elle26. Il est impossible de s’accorder sur une définition de la sanction si l’on ne part pas de la même prémisse quant à la conception du droit et notamment de la place de la sanction dans cette conception. En effet, si l’on part de la conception selon laquelle la sanction est une condition d’existence du droit, que le droit est « un ordre de contrainte »22, on arrivera à une définition de la sanction comme étant la contrainte matérielle destinée à éviter la violation d’une règle de conduite, une contrainte qui constitue le fondement du caractère obligatoire de cette règle23. Par contre, une autre définition de la sanction émerge si l’on se range du côté des auteurs qui considèrent la sanction comme une garantie de l’effectivité du droit, un « moyen extérieur d’en assurer la positivité »24. D’après cette conception, la sanction ne se confond pas avec le droit et celui-ci existe même sans une sanction organisée de sa violation. Comme l’a dit Prosper Weil, « [u]ne règle de droit ne cesse pas d’être une règle de droit parce qu’il n’y a pas de moyens pour contraindre à son application et parce que sa violation reste dépourvue de sanction. Le système juridique n’est pas nécessairement – et n’est en tout cas pas uniquement – un ordre de contrainte »25. Louis Cavaré précise pour sa part que C’est cette représentation de la sanction en tant que notion distincte du droit que nous allons retenir tout au long de ce travail. Il correspond mieux, à notre avis, à la réalité de la société internationale actuelle. Dans cette société en effet, nul ne saurait nier la positivité du droit international alors que l’existence d’une sanction 8 9 10 B. Les critères d’une sanction prise comme moyen d’application du droit Sanctions are not intended to be directly repressive or punitive as it is generally stated, but rather “coercive”. The reacting State or organization does not primarily wish to “punish” the State for a wrongful act already completed but to coerce it into putting an end to the continuing situation resulting from this initial action... The aim then is to exert a sufficiently strong pressure on the offending State so that continuing to suffer the measures applied against it represents a higher cost than putting an end to its wrongful behavior32. générale et organisée de la violation de ce droit ne peut être affirmée27. Le droit international existe indépendamment de la prévision ou de l’existence de la sanction de la violation de ses règles. D’une manière générale, la sanction recouvre deux éléments : « tout d’abord, une règle juridique qui impose à ses destinataires un certain comportement ; deuxièmement, la violation de la norme par un sujet de droit »28. La sanction serait alors les conséquences qui découlent de ces violations. Dans un système juridique donné, il s’agit de « l’effet prévu par le droit à la suite de la violation d’un devoir, d’une prescription »29, ou encore « la réaction spécifique de l’ordre juridique à une violation du droit... la conséquence attachée par le droit à un tel manquement »30. Ces effets ou conséquences peuvent prendre la forme de mesures consistant « soit [en] une obligation de faire ou de ne pas faire, soit [en] la déchéance d’un droit. La force n’intervient... qu’au bout du compte, sous forme d’exécution forcée »31. Le but de ces mesures est de mettre fin à la violation du droit, en exerçant sur l’auteur de cette violation une forte pression pour que celui-ci y renonce. Elles tendent de ce fait à assurer le respect des règles. Ainsi, Le caractère coercitif des mesures de réaction prescrites constitue ainsi un des traits essentiels d’une sanction33 11 12 la sanction recouvrirait l’ensemble des garanties et moyens dont dispose le système juridique pour assurer sa cohérence et son intégrité normatives (c’est-à-dire la conformité du comportement social avec ses règles), ainsi que son efficacité et, partant, sa crédibilité en tant qu’ordre juridique35. et permet de la différencier des autres formes de réaction à l’illicite. « Il ne suffit pas que la constatation d’une action illicite provoque une réaction sociale pour en conclure que la sanction consiste précisément dans cette réaction que l’ensemble de la société manifeste à l’égard du sujet ayant commis l’acte illicite »34. Pour être une sanction, la réaction doit tendre à amener l’auteur d’un fait illicite à arrêter son comportement non conforme. Ainsi, En tant que moyen de pression36, la sanction n’implique pas nécessairement et automatiquement l’utilisation de la contrainte matérielle, c’est-à-dire la force. L’objectif étant la renonciation à l’acte contraire aux prescriptions, les réactions doivent être graduelles consistant en une pression ascendante en fonction du comportement de l’auteur de l’acte contraire. La réaction pourrait alors se limiter au rappel ou à l’imposition d’une obligation de faire ou de ne uploads/S4/ graduate-institute-publications.pdf

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  • Publié le Jul 31, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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