1 Introduction: Pendant des milliers d'années, La place économique de l’homme é

1 Introduction: Pendant des milliers d'années, La place économique de l’homme était liée à son patrimoine et à l'intérieur de celui-ci, aux biens corporels dont il est propriétaire. La propriété apparaissait à la fois comme l'instrument de subsistance du titulaire du droit et de sa famille, et comme le signe de son importance sociale1. Ensuite, on s'est aperçu que cette force économique, quoi que prépondérante, n'en était pas pour autant exclusive, car la source de la richesse, ce n'est pas seulement le capital, c'est aussi le travail. Si le nombre et la consistance des biens sont limités, les diverses sortes de travail sont innombrables; parmi eux, l'on en trouve des modestes, d'autres plus brillants, tous sont utiles. Cependant, un phénomène d'identification aux anciens capitalistes s'est produit chez certains de ces travailleurs2, ce qu'a parfaitement formulé le doyen Ripert: "chacun de ceux qui poursuivent le profit de leur travail cherche à s'assurer une propriété cessible et transmissible, à transformer le travail en propriété"3. Certains travailleurs, visent, de même, à jouir d'un monopole sur le résultat de leur travail : il en est ainsi des professions libérales, des créateurs de toutes sortes, etc. Parmi eux, figurent en bonne place les auteurs, les artistes, les inventeurs, vivant de leurs créations, et la propriété sur celles-ci est une sécurité pour eux. Ainsi le travail devient une œuvre de l'esprit, ou l'inverse. Désormais, chaque jour, l'homme assisté de son ordinateur, invente de nouvelles créations, de plus en plus souvent immatérielles, qui constituent autant de richesses à exploiter. 1 V. Planiol et Ripert, "Traité pratique de droit civil", 2e éd, t. III, 2 P.Y. Gauthier "Propriété littéraire et artistique",5e éd., PUF, Paris, 2004. 3 Ripert, "Aspects juridiques du capitalisme moderne", LGDJ, Paris, 1946. 2 La protection des créateurs, placée face au droit de tous au libre accès aux biens culturels et à l'intérêt du public, doit également trouver ses nouvelles marques. Sans que la propriété perde toutefois ses attributs et devienne une sorte de droit d'accès rémunéré, voire un service payant"4. Nous allons ainsi définir les droits de propriété intellectuelle, étudier leur nature juridique puis retracer l'historique de leur évolution. Qu'est ce qu'on entend par "propriété intellectuelle"? Il convient d'abord de préciser que les droits de propriété intellectuelle comportent deux catégories : les droits de propriété littéraire et artistique et les droits de propriété industrielle. Ainsi, le dictionnaire Littré définit la propriété littéraire et artistique de la manière suivante : "Droit que l’auteur d’un livre conserve sur son œuvre, quand il ne l’a point aliéné définitivement, et qu’il transmet à ses héritiers pour un temps limité par la loi", la propriété industrielle étant "l'ensemble des droits concernant les créations et les signes distinctifs". Le Grand Robert, quant à lui donne les définitions suivantes : " propriété littéraire et artistique : monopole temporaire d’exploitation d’une œuvre, d’une invention par son auteur. Propriété industrielle: droit exclusif d'user d'un nom commercial, d'une marque, d'un brevet, d'un dessin, d'un modèle de fabrique, et, plus généralement, d'un moyen spécial de rallier une clientèle". La propriété intellectuelle est une propriété incorporelle sur une œuvre/chose. Mais qu'est-ce que cela veut dire? "C'est le droit d'exploiter une chose crée par l'esprit, dans les conditions matérielles et morales posées par celui qui est à son origine"5. Cette chose, c'est l'œuvre, du latin opera, travail, puisqu'elle est le résultat d'une activité créatrice6; celui qui l'a mise au monde, c'est l'auteur, du latin auctor et du verbe augere: produire. 4 P.Y. Gauthier, op.cit.. 5 J. Schmidt-Szalewski, "Droit de la propriété industrielle", Litec, Paris, 2003. 6 V. le vocabulaire cornu 3 Nature juridique des droits de propriété intellectuelle. La principale difficulté quant à la nature juridique de ces droits est celle liée au terme "propriété". En effet, du point de vue de la technique juridique, la qualification de propriété se heurte à plusieurs écueils. D'une part, les droits de la propriété intellectuelle seraient des droits non absolus mais nécessairement limités, d'autre part, ils ne seraient pas perpétuels mais accordés pour une durée déterminée et, enfin, ils ne donneraient pas prise à la possession puisque la nature par essence intangible de leur objet ne permet pas d'emprise matérielle7. Mais est ce que ces différentes caractéristiques suffisent à réfuter la qualification de propriété? Rien n'est moins sûr. En effet, les pouvoirs exclusifs conférés au titulaire des droits sont d'ordre économique, celui-ci doit partager avec le public l'usage intellectuel de sa chose8. Pour autant ces tiers ne pourront pas tirer de profit pécuniaire de ces connaissances. C'est pourquoi la liberté de l'usage intellectuel ne suffit pas à disqualifier les droits en question, la famille des droits réels étant en effet toute entière tournée vers les seules "utilités économiques" de la chose9. Le propriétaire bénéficie donc d'un réel monopole dans l'exploitation de sa création. Ainsi, seul il choisit de jouir lui-même de sa création, d'en concéder des licences d'exploitation, de la céder et même de l'abandonner au domaine public. Il pourra aussi, par le biais de l'action en contrefaçon, s'opposer à ce que tout tiers exploite son bien sans autorisation. Son droit est donc absolu, sans que cela ne signifie que le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle puisse faire n'importe quoi de son bien; au nom de l'intérêt général, d'innombrables restrictions ont été 7 S. Alma- Delettre, "Propriété intellectuelle et droit commun",Université Paul Cézanne, Presses universitaires d'Aix Marseille, 2007. 8 Ibid 9 J. Carbonnier, "Droit civil", Introduction, PUF, 24ème éd. 4 imposées à la propriété privée, et les droits de propriété intellectuelle n'échappent pas à la règle. Ces tempéraments sont le résultat d'une recherche d'équilibre entre la nécessité d'offrir une protection aux auteurs, aux créateurs et celle de créer les conditions d'une dissémination la plus large possible des connaissances, des avancées techniques ainsi que du rayonnement culturel qui résultent de cette activité créatrice. Les droits individuels, et parmi eux le droit de propriété, ne peuvent s'exercer que dans le respect des objectifs fondamentaux d'une nation ou d'un groupe de nations. Les tempéraments dont ils peuvent être assortis, dès lors qu'ils s'inscrivent dans cette logique ne sauraient suffire à les disqualifier10. Aussi, peut- on affirmer que le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle bénéficie d'un droit exclusif et opposable à tous à l'origine d'une relation d'appartenance unique qui suffit à justifier la qualification de propriété11. Ainsi ramenée à deux caractères définitoires –l'exclusivité et l'opposabilité erga omnes- la propriété se révèle une qualification assurément apte à traduire la nature de la relation unissant le titulaire du droit de propriété intellectuelle à sa création. Quelle a été l'évolution historique des droits de propriété intellectuelle? La propriété intellectuelle est une propriété relativement jeune. Si l'on excepte une éphémère loi de Sybaris (datant de six siècles avant J.C) ayant reconnu un droit exclusif d'exploitation à l'inventeur d'une nouvelle spécialité gastronomique12, c'est en 1474 qu'une loi vénitienne, la parte veneziana, marquera la naissance de la propriété immatérielle. 10 S. Alma-Delettre, op.cit.. 11 V. Bonnet, "La durée de la propriété", RRJ, 2002, n° 34, pour lui: "la propriété se définit comme un lien d'appartenance entre une personne et un bien. Par conséquent, que le propriétaire subisse des restrictions dans la somme de ses pouvoirs n'a pas d'importance du point de vue de la qualification de son droit" 12 M. Vivant, "juge et loi du brevet", Litec, 1977 5 Celle-ci deviendra cependant réalité avec l'avènement du libéralisme et du machinisme au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en France (entre le XVIIe et le XVIIIe siècle). Afin d'avoir une idée précise de l'évolution des droits de propriété intellectuelle, on examinera tour à tour les diverses composantes de ces droits. La propriété littéraire et artistique : Jusqu'au XVe siècle et l'apparition de l'imprimerie, la question des livres restera marginale: d'une part, il s'agit en général d'interpréter ou mettre à jour des ouvrages anciens, et d'autre part, les copies sont manuscrites et effectuées le plus souvent par des moines. Avec l'invention de Gutenberg, la diffusion de l'écrit par l'imprimerie devient massive et la concurrence que se livrent les éditeurs est âpre, tant pour la réalisation des ouvrages anciens que pour la publication des ouvrages nouveaux. C'est donc l'éditeur qui, le premier sollicita du Droit la protection de ses intérêts13, l'autorité publique octroya un privilège14. Le droit de l'auteur sur son œuvre se dessine et s'affirme au XVIIIe siècle malgré la tutelle des éditeurs15. Ainsi, défendant la thèse du renouvellement des privilèges des libraires de Paris qui était contestée par ceux de province, l'avocat Louis l'Héricourt en 1725 fit nettement progresser la cause des auteurs. Celui-ci fonde son raisonnement sur l'existence d'un droit de propriété de l'écrivain sur l'œuvre qu'il a créée; et c'est ce droit que l'auteur transmet au libraire avec tous ses attributs dont la perpétuité n'est pas le moindre16. Mais c'est la chute de l'Ancien régime qui, en même temps qu'elle était fatale pour les privilèges, consacrait la propriété littéraire et artistique et émancipait celle-ci de tout assujettissement à l'égard des éditeurs. 13 J. Raynard, "Droit d'auteur et conflits de lois", Litec, Paris, 1990. 14 Stoffi rapporte que le premier privilège uploads/S4/ introduction-1-propriete-intelectuelle-s5.pdf

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  • Publié le Jui 25, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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