QUE SAIS-JE ? Introduction au Droit MURIEL FABRE-MAGNAN Professeur à l'universi

QUE SAIS-JE ? Introduction au Droit MURIEL FABRE-MAGNAN Professeur à l'université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) Deuxième édition mise à jour 11e mille Introduction Nul ne peut échapper au droit. Celui qui naît se voit déclaré « enfant de » et est ainsi doté d’une filiation, d’un nom de famille, d’un prénom et aussi sans doute d’un domicile et d’une nationalité. Les actes les plus courants (achats de la vie quotidienne, déplacements en transports en commun) se font par la conclusion de contrats, créateurs d’obligations juridiques diverses. De ce qu’il est écrit sous forme littéraire, usant pour l’essentiel de mots de la langue courante, on déduit faussement l’impression d’une accessibilité aisée du droit. Il y a certes des mots dont la compréhension n’est pas immédiate (usucapion, emphytéose, antichrèse, anatocisme, subrogation, novation, synallagmatique, chirographaire, ou encore action paulienne), mais même des mots du langage courant tels que meuble, cas de force majeure, récompense, lien de causalité, ou encore erreur, sont d’une grande technicité et s’éloignent largement du sens commun. Le droit est en réalité une discipline complexe qui requiert un long et patient apprentissage. Il est aujourd’hui de plus en plus au centre de toutes les attentions, suscitant alors des sentiments paradoxaux. Il est haï parce qu’il marque la limite par des interdits, mais on réclame une loi dès qu’un fait divers révèle un nouveau dysfonctionnement de la société. On nie son rôle anthropologique dans l’institution de l’humanité et de la raison, mais on lui prête en revanche des vertus au-delà de ses forces (par exemple la consolation des maux et des victimes de toutes sortes). On veut se débarrasser du droit et de ses rigidités, mais on cherche à introduire partout de la « régulation », de la « gouvernance » ou encore de l’« éthique », rêve impossible et fantasma tique d’un droit « doux » ou « mou » (soft law disent les Anglo-Américains), c’est-à-dire sans hétéronomie et sans contrainte. Tous les États au monde ont des règles juridiques, mais la place qu’occupe le droit dans la vie sociale diffère d’une culture à une autre. Dans les sociétés occidentales, le droit occupe depuis longtemps une place centrale dans l’institution de l’homme et de la société, place qui, à d’autres époques ou dans d’autres cultures, peut relever principalement d’autres systèmes dogmatiques comme, par exemple, la religion. Le modèle de l’obéissance à des lois sanctionnées par des tribunaux n’a pas non plus toujours été, ni de tout temps ni en tous lieux, la principale façon de faire respecter un ordre social juste. Il ne s’agit, dans ce modeste ouvrage, que de donner quelques aperçus et quelques clefs de compréhension du droit. Plus précisément, il s’agira principalement d’en présenter la structure et le cadre général. Il existe en effet des constantes du droit, comme les fils de chaîne au travers desquels chaque lieu et chaque époque tissent leur histoire avec leur trame propre. Issu d’une très longue histoire, le droit français n’a pas échappé à l’accélération généralisée caractéristique du xxe siècle, et nous essaierons aussi de donner quelques aperçus des réponses qu’il apporte aux questions difficiles qui se posent à lui. À travers ces divers points, on entreverra comment le droit peut œuvrer à la justice et à la dignité de la personne humaine. Chapitre I Le Droit et les Droits Un droit français, le Droit avec un « D » majuscule renvoie à ce que l’on appelle le Droit objectif, par opposition aux droits subjectifs que l’on écrit avec un « d » minuscule. Le Droit objectif vise le système juridique dans son ensemble, tandis qu’un droit subjectif est une prérogative individuelle accordée aux personnes par le Droit (par exemple le droit de propriété ou encore le droit au respect de la vie privée). Cette convention d’écriture disparaît cependant progressivement, et nous nous en tiendrons dans cet ouvrage à la minuscule, même si nous parlerons surtout de l’organisation générale du système, c’est-à-dire de droit objectif. Quoi qu’il en soit, la disparition de la spécificité orthographique n’a pas supprimé la distinction fondamentale entre le droit, divisé en grands domaines, et les droits, dont il existe plusieurs types. I. – Les grands domaines du droit 1. Droit privé et droit public Une importante division existe en droit français entre le droit privé et le droit public. Le droit privé réglemente les relations entre personnes privées – personnes physiques (individus) ou personnes morales (sociétés, associations) –, tandis que le droit public régit les relations dans lesquelles est impliquée une personne publique (l’État, une collectivité locale, une entreprise publique, etc.). La distinction a été consacrée par l’affirmation solennelle d’une séparation des pouvoirs (loi des 16-24 août 1790 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives »), puis surtout par l’institution d’un dualisme juridictionnel et la création de juridictions administratives séparées des juridictions judiciaires (notamment la création du Conseil d’État en 1799). Elle est aujourd’hui devenue très rigide, alors qu’elle apparaît à maints égards dépassée, car l’État intervient de plus en plus dans les activités privées en utilisant des structures et des mécanismes de droit privé. Elle est de même très relative et parfois inexistante dans les autres pays, notamment européens. Le droit public comprend d’abord le droit constitutionnel qui a pour objet d’étudier les constitutions, textes fondateurs des États souverains : celles- ci prévoient le type de régime politique institué, l’organisation et la compétence des pouvoirs publics et aussi souvent les droits fondamentaux des citoyens. Le droit public inclut également le droit administratif qui est le droit des institutions et de l’action publique : il régit les relations entre l’État ou toute autre personne publique et une personne privée, ou des personnes publiques entre elles. À son origine, le droit administratif fut essentiellement jurisprudentiel, issu des décisions du Conseil d’État, mais il est aujourd’hui très codifié. Relève encore du droit public le droit des finances publiques. Le droit privé comprend principalement le droit civil qui est le droit commun applicable à tous les citoyens. Celui-ci se compose du droit des personnes qui régit ce qu’on appelle « l’état des personnes » (le nom, le sexe, la nationalité, etc.) ; du droit de la famille qui comprend aussi bien les relations extrapatrimoniales (mariage, divorce, pacs, filiation) que les relations pécuniaires au sein de la famille (régimes matrimoniaux et successions) ; du droit des obligations qui comprend le droit des délits et quasi-délits (la responsabilité civile délictuelle) et le droit des contrats ; du droit des biens qui définit la composition du patrimoine ainsi que les rapports des hommes aux choses (propriété, usufruit, etc.) ; et enfin du droit des sûretés relatif aux garanties de paiement des dettes. On rattache aussi au droit privé le droit pénal. L’hésitation était pourtant permise, car le droit pénal a pour objet de sanctionner les comportements délinquants, qualifiés comme tels par la loi parce qu’ils portent atteinte à la société ; l’une des parties au procès est donc l’État. L’argument prédominant a cependant été que les juridictions pénales font partie de l’ordre judiciaire et non pas de l’ordre administratif. Le droit pénal contient des incriminations et des peines. Les incriminations sont de trois types, en fonction de leur gravité : dans l’ordre croissant, les contraventions, les délits stricto sensu et les crimes. Les juridictions pénales condamnent à des peines – emprisonnement, amende (somme d’argent versée à l’État) ou encore travaux d’intérêt général. Le droit privé comprend également le droit social : droit du travail et droit de la sécurité sociale et de l’aide sociale. Le droit du travail régit le travail en situation de subordination (par opposition aux professions libérales et indépendantes). Il s’applique à toutes les relations de travail, qu’elles soient individuelles (rapports de l’employeur avec ses salariés) ou collectives (négociation collective ou encore conflits collectifs telle la grève). D’autres matières se trouvaient à l’origine dans le droit civil, mais, du fait de leur développement, ont acquis leur autonomie : ainsi, le droit des affaires (droit des sociétés, droit des entreprises en difficulté ou droit bancaire et boursier), le droit de la propriété intellectuelle, le droit maritime ou le droit de la consommation. 2. Droit interne et droit international On distingue le droit interne du droit international, en droit public comme en droit privé. Le droit international public est le droit des relations entre les États (droit des traités, droit de la guerre, etc.) et des organisations internationales (onu, otan, etc.). Le droit international privé a pour objet de régler les conflits de lois (ou de juridictions) dans l’espace, lesquels peuvent apparaître lorsque le litige à trancher présente des éléments d’extranéité, c’est-à-dire des points d’ancrage dans des systèmes juridiques étrangers (nationalité ou domicile de l’une des parties, lieu de livraison, etc.). Le droit international privé permet de désigner l’ordre juridique compétent, c’est-à-dire la loi applicable (étrangère ou française) et aussi les tribunaux compétents. Le droit international privé comprend aussi l’étude de la nationalité et de la condition juridique des étrangers. 3. Droit substantiel et droit processuel Un système juridique a besoin de règles de uploads/S4/ introduction-au-droit-de-muriel-fabre-magan.pdf

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  • Publié le Sep 16, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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