UNIVERSITÉ DE STRASBOURG ÉCOLE DOCTORALE DROIT, SCIENCE POLITIQUE ET HISTOIRE I

UNIVERSITÉ DE STRASBOURG ÉCOLE DOCTORALE DROIT, SCIENCE POLITIQUE ET HISTOIRE Institut de recherche Carré de Malberg THÈSE présentée par : Nicolas Kang-Riou soutenue le : 25 janvier 2014 pour obtenir le grade de : Docteur de l’université de Strasbourg Discipline / Spécialité : Droit public Le droit international général, outil de développement de la Cour européenne des droits de l’homme THÈSE dirigée par : Mme Florence Benoit-Rohmer Professeur, Université de Strasbourg RAPPORTEURS : M. Fabrizio Marrella Professeur, Université Ca’Foscari de Venise M. Jim Murdoch Professeur, Université de Glasgow AUTRES MEMBRES DU JURY : M. Jean Dhommeaux Professeur émérite, Université de Rennes I 2 3 Nicolas Kang-Riou Le droit international général, outil de développement de la Cour européenne des droits de l’homme Résumé : La Cour européenne des droits de l’homme a clairement intégré le droit international général au sein de la CEDH en l’utilisant à de nombreuses reprises. Ce faisant, elle n’a pas adopté de méthode unique pour résoudre les tensions entre les interprétations du droit international général et les spécificités de la CEDH. Elle a mélangé différentes approches : application des opinions dominantes issues du droit international, utilisation du droit international pour renforcer ses pouvoirs juridictionnels, priorité aux droits de l’homme et enfin transformation du droit international selon la version reprise par la Cour dans sa jurisprudence. Toutes ces approches possèdent un objectif commun. Le droit international a été utilisé pour renforcer la Cour en tant qu’institution, pour lui permettre d’accroitre sa capacité à influencer la politique juridique des États membres du Conseil de l’Europe. Mots clés : CEDH, droit international général, droits de l’homme. Summary: The European Court of Human Rights has consistently applied general international law to the ECHR. However, it did so without a clear theory as to how to solve the inherent tensions between the interpretations derived from international law and the objectives specific to the ECHR. The Court has employed various methods: interpretation according to the dominant views within international law, use of emerging international principles to increase its institutional powers, prioritisation of human rights principles within international law, and finally transformation of international law according to how it has been incorporated in the Court’s case-law. All these approaches enable a reinforcement of the Court as a judicial institution. They all increase the Court’s capacity to influence the legal policies of the Council of Europe member States. Key-words: ECHR, general international law, human rights. 4 5 Remerciements : Au Seigneur, à ma femme, à mes parents et ma famille, à Florence BENOIT-ROHMER pour tout mais en particulier pour son soutien indéfectible, à Martti KOSKENNIEMI pour ses précieux conseils, à Peggy, Solenn, Servane, Laure, Mathieu, David et Evelyne pour leur aide, incluant leur participation à la relecture, et finalement à tous ceux qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à cette thèse qui sont trop nombreux pour être nommés individuellement. 6 7 Liste des abréviations Recueil des cours : Recueil des cours de l'Académie de droit européen : RCADE Recueil des cours de l'Académie de droit international de la Haye : RCADI Revues en français AFDI : Annuaire français de droit international AFRI : Annuaire Français de Relations Internationales APD : Archives de philosophie du droit JCP : Juris-classeur périodique JDI : Journal du droit international (Clunet) RBDI: Revue belge de droit international RCADE : Recueil des cours de l’académie de droit européen RCADI : Recueil des cours de l’Académie de La Haye RDH: Revue des droits de l’homme RDP : Revue du Droit public et de la science politique RGDIP : Revue générale de droit international public RIDC : Revue internationale de droit comparé RQDI : Revue québécoise de droit international RRJ : Revue de recherche juridique et de droit prospectif RTDE : Revue trimestrielle de droit européen RTDH : Revue trimestrielle des droits de l’Homme RUDH : Revue universelle des droits de l’Homme Revues en anglais : AJIL : American Journal of International Law BYBIL : British Yearbook of International Law EHRLR : European Human Rights Law Review EJIL : European Journal of International Law GYBIL : German Yearbook of International Law HRLR : Human Right Law Review Harv. L. Rev.: Harvard Law Review HRQ : Human Rights Quarterly N.Y. Univ. j. int. law polit. : NYU Journal of International Law and Politics ICLQ : International Comparative Law Quarterly ItYIL : Italian yearbook of international Law JICL : Cardozo Journal of International and Comparative Law LJIL : Leiden Journal of International Law : NQHR : Netherlands Quarterly of Human Rights : Netherlands YbIL : Netherlands Yearbook of International Law Tex Int’I L J : Texas International Law Journal 8 Table des matières générale Introduction .................................................................................................................. 9 Première partie. La réception discrétionnaire du droit international général par la Cour ........................................................................................................................... 32 Titre 1. L’application de principe du droit international général .................................. 34 Chapitre 1. Le droit international intégré à la CEDH .............................................. 35 Chapitre 2. Le droit international vu comme ensemble de positions dominantes .. 77 Titre 2. Un droit international adapté aux spécificités de la Convention .................. 114 Chapitre 1. Les méthodes d’interprétation du droit international, fondement des positions européennes ......................................................................................... 115 Chapitre 2 : L’ordre public, fondement d’une exception « européenne » des droits de l’homme .......................................................................................................... 145 Deuxième partie. Le droit international, outil de renforcement de la légitimité et des pouvoirs de la Cour .................................................................................................. 182 Titre 1. Un outil de renforcement du système européen de supervision .................. 184 Chapitre 1. L’épuisement des voies de recours internes, mécanisme de protection de la Cour ............................................................................................................ 186 Chapitre 2. La compétence ratione temporis ou la difficile promotion de l’état de droit ...................................................................................................................... 225 Chapitre 3. Les mesures provisoires, outil d’accroissement des pouvoirs de la Cour ..................................................................................................................... 269 Titre 2. Un outil de renforcement de la légitimité de la Cour au regard des activités externes à la CEDH ................................................................................................. 312 Chapitre 1. L’extension progressive de la compétence extra-territoriale de la Cour justifiée par le droit international .......................................................................... 314 Chapitre 2. Les immunités internationales, outil de gestion des interactions avec les autres acteurs internationaux ......................................................................... 345 Conclusion générale. ............................................................................................... 389 Bibliographie ............................................................................................................ 401 9 « Le discours n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer ». Michel FOUCAULT, L’ordre du discours1 Introduction La Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, plus communément appelée Convention européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH), signée le 4 novembre 19502, a représenté l’espoir que le droit international ne traite plus uniquement des affaires entre États mais considère l’individu comme base et principal bénéficiaire du système international3. Cette perspective autorisait à penser les droits de l’homme comme un outil de transformation du droit international. Elle s’inscrivait dans le mouvement, à l’origine du droit international, voulant des limites juridiques à la liberté d’action des États. Cette conception des droits de l’homme tient dans la formule de « souveraineté du droit » sur laquelle Pierre-Henri TEITGEN, un des « pères » de la Convention4, a proposé de s’appuyer. Pour lui, il était possible de concilier le respect de la souveraineté des États avec un contrôle du respect de leurs obligations par un tribunal international : « Je comprends, Monsieur le Président, qu’un État souverain refuse d’incliner sa souveraineté devant un autre État souverain. […] Je ne comprends pas au contraire, qu’un État de l’Europe occidentale refuse d’incliner sa souveraineté devant celle d’une Cour de Justice offrant toutes les garanties d’équité, d’impartialité et de conscience. En l’occurrence, ce n’est pas la souveraineté 1 Gallimard, 1971, p. 12. 2 Elle fut entrée en vigueur le 3 novembre 1953. 3 Voir par exemple René-Jean DUPUY, « La Commission européenne des Droits de l’Homme », AFDI, 1957, p. 458 ; Arthur H. ROBERTSON, « The European Convention for the Protection of Human Rights », BYBIL, 1950, p. 162. 4 Pierre-Henri TEITGEN, ministre et professeur de droit, fut la figure politique française clé lors de la rédaction de la Convention, en tant que Rapporteur de la Commission juridique de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Voir, Mikael Rask MADSEN, La genèse de l’Europe des droits de l’homme, Presses universitaires de Strasbourg, 2010, p. 114-117. 10 de l’État qui se dresse contre la souveraineté d’un autre État, c’est la souveraineté de l’État qui prétend se dresser contre la souveraineté du droit et je dis que cela est profondément choquant. »5 Même si ce n’était originellement que de manière facultative, les individus ont pu pour la première fois saisir directement un mécanisme juridictionnel international chargé de traiter de violations de droits de l’homme, alors que ces situations ressortent essentiellement des affaires intérieures des États6. Il n’est désormais plus besoin de faire un lien avec un État qui serait indirectement lésé, comme c’est le cas en matière de protection diplomatique ; seule compte la violation d’un droit individuel. Et il existe un organe officiel chargé de dire le droit, sanctionnant les dérives des politiques étatiques. Le traité original a en effet créé une Cour européenne des droits uploads/S4/ kang-riou-nicolas-2014-ed101.pdf

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  • Publié le Oct 07, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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