L’APPORT EN GISEMENT FAIT PAR UNE ENTREPRISE DE PORTEFEUILLE DE L’ÉTAT DANS UNE
L’APPORT EN GISEMENT FAIT PAR UNE ENTREPRISE DE PORTEFEUILLE DE L’ÉTAT DANS UNE JOINT-VENTURE MINIÈRE EN DROIT CONGOLAIS Par Maitre Patrick Bondonga Lesambo Aux termes de l’article 4 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, (« AUDSCGIE »), « la société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraires ou en nature, ou de l’industrie dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme.». L’obligation de faire apport constitue un élément essentiel dans la définition de la société commerciale que donne l’article 4 de l’AUDSCGIE. Cette idée est renforcée par l’article 37 du même AUDSCGIE, en ce que chaque associé est tenu de faire un apport car celui-ci constitue la mesure de son engagement envers la société ; la réunion de ces engagements constituant le capital social mis à la disposition de la société afin de lui permettre de réaliser son objet1. Même 1 Alain Fénéon, Droit des sociétés en Afrique (Ohada), 2ème éd, LGDJ, Paris, 2017, §224, p 126. 2 si elle n’a pas exactement la même signification dans les sociétés dépourvues de personnalité juridique, la notion de capital n’y est pas absente, puisqu’il faut bien mesurer l’effort de chaque associé et les droits correspondants2. Dans la plupart des cas, pour constituer la joint-venture, il s’agira de fonder une nouvelle société. Toutefois, il est également possible qu’une société déjà existante et appartenant à l’un des promoteurs, constitue la base de la joint-venture. Dans ce cas, l’autre promoteur acquerra une partie du capital-actions de cette société. Le concept de joint-venture ne relève pas en premier lieu du droit mais de l’économie industrielle. Il se réfère au fait que deux (ou plusieurs) entreprises entendent coopérer pour réaliser un projet commun qui dépasse leurs propres capacités et moyens. Une telle coopération peut viser une durée indéterminée ou se limiter à l’avance dans la durée. Elle peut se réaliser avec ou sans capitalisation commune et s’effectuer sur le plan national ou international. Toute Joint-venture repose sur un contrat de base entre les partenaires intéressés, à savoir sur le contrat de joint-venture. Dans le contexte congolais, les entreprises du portefeuille, exerçant les activités minières, ont recouru à divers partenariats avec des sociétés de droit privé, en vue de relancer leur exploitation, à la suite desquels des grandes activités d’exploration ont été réalisées en vue de mettre en évidence des gisements économiquement exploitables enfouis dans les périmètres miniers sur lesquels ces entreprises du portefeuille détiennent des titres miniers. A cet effet, divers contrats miniers ont été conclu revêtant diverses natures, en l’occurrence les accords- cadres, les contrats de Joint-venture, les contrats de création des entreprises ou encore les conventions minières3. Ces différents types de contrats miniers prévoient la conclusion d’autres contrats d’exécution notamment la cession, l’amodiation, le contrat d’option, etc. advenus entre les entreprises publiques ou paraétatiques en cause, telles que la Générale des carrières et des mines, (« GECAMINES »), la Société de Mines d’or de Kilomoto, (« SOKIMO »), la Minière 2 Paul le Cannu et Bruno Dondero, Droit des sociétés, 8ème éd, LGDJ, Paris, 2019, §208, p 169. 3 Il s’agit particulièrement des conventions minières dûment signées et approuvées par Décret et/ou Ordonnance du président de la République sous le régime de l’Ordonnance-loi n°81-013 du 2/04/1981 portant Législation Générale sur les Mines et les Hydrocarbures dont la survivance a été consacrée en vertu de l’article 340 du Code Minier de 2002, lequel article a été modifié par le Code Minier de 2018 dans le sens de mettre fin à ce régime conventionnel, mais en laissant subsister le doute quant à la réelle volonté du législateur dans la mesure où l’article 343 du même Code minier de 2018 considère les conventions minières approuvées comme non concernées par la disposition abrogatoire y prévue. 3 de Kisenga Manganèse, d’une part, et d’autre part, soit les partenaires privés contractants, nationaux ou étrangers, soit les sociétés de joint-venture constituées comme véhicule de la réalisation de partenariats conclus. Le législateur congolais en 2002 avait édicté la Loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, dont l’article 8 alinéa 34 énonçait le principe d’égalité devant la loi minière entre les personnes morales publiques et personnes privées qui opèrent dans le secteur minier en RDC. Ce principe a été occulté lors de la modification du Code Minier intervenue en 2018, en ce que la rédaction de l’article 8 a abandonné l’énonciation de ce principe5. Et cela se traduit dans les autres dispositions dont particulièrement celle qui a retenu notre attention dans la présente étude, en l’occurrence l’article 182 alinéa 4, en ce qu’il dispose : « lorsqu’une entreprise du portefeuille de l’État fait apport d’un gisement minier, soit à une société existante, soit en vue de la constitution d’une nouvelle société, la participation de ladite entreprise au capital de la société existante ou à constituer est fixée en fonction de la valeur réelle du gisement minier faisant l’objet de l’apport ». En effet, il s’agit d’une disposition impérative édictée au profit des entreprises du portefeuille qui n’invoque pas, en principe, le cas des entreprises privées titulaires de droit minier d’exploitation. Une protection légale impérative en faveur des entreprises du portefeuille dans les négociations des partenariats ou dans la constitution de joint-venture portant sur l’exploitation de gisement dont elles sont titulaires de droit d’accès. Cependant, la lecture de cette disposition soulève beaucoup de préoccupations tant en ce qui concerne son interprétation, qu’en ce qui concerne son efficacité. L’on s’interroge notamment sur ce qu’il faille entendre par entreprise du portefeuille en l’absence d’une définition donnée par le Code Minier. Cette obligation s’impose-t-elle à tous les titres miniers détenus par les 4 L’article 8 alinéa 3 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier disposait : « L’État peut également, à travers des personnes morales publiques ou organismes spéciaux créés à cet effet, soit seul soit en association avec des tiers, se livrer à une activité régie par le présent Code. Dans ce cas, les personnes morales publiques et les organismes spécialisés de l’État à vocation minière sont soumis aux dispositions du présent Code au même titre que les personnes privées ». 5 L’article 8 du Code Minier tel que modifié en 2018 est rédigé comme suit : « Le rôle principal de l’État est de promouvoir et de réguler le développement du secteur minier. L’État assure la mise en valeur des substances minérales dont il est propriétaire en faisant appel notamment à l’initiative privée conformément aux dispositions du présent Code. A cet effet, il entreprend, à travers des organismes spécialisés créés à cet effet, des activités d’investigation du sol ou du sous-sol dans le but d’améliorer la connaissance géologique du territoire national ou à des fins scientifiques ou d’amélioration et de promotion de l’information géologique du pays ou de la province qui ne requiert pas l’obtention d’un droit minier ou d’un droit de carrières ». 4 entreprises du portefeuille ? Comment s’interprète-t-elle la notion de gisement ? Quelles sont les implications juridiques de l’évaluation de gisement eu égard à la technicité et aux investissements auxquels elle donne lieu ? La démarche épistémologique, qu’impose la présente étude, conduit à la structurer en deux points à savoir : la nature juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-venture (I) et le régime juridique de l’évaluation de gisement apporté dans les sociétés de joint-venture par les entreprises du portefeuille (II). I. La nature juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de Joint-venture La création d’une société impose aux associés de faire apport pour constituer le capital social représentant l’effort de chaque associé et les droits correspondants. L’article 182 du Code Minier qui organise le régime applicable à un gisement apporté par une société de portefeuille dans une société de joint-venture dispose que l’évaluation du gisement est faite conformément aux dispositions de l’AUDSCGIE. L’article 40 de l’AUDSCGIE prévoit limitativement trois types d’apport que les associés peuvent faire, à savoir : (1) de l’argent, par apport en numéraire ; (2) des droits portant sur des biens en nature, mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels, par apport en nature ; (3) ainsi que des connaissances techniques ou professionnelles ou des services, par apport en industrie. A cet effet, tout autre apport est interdit. L’examen de la nature juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-ventures auxquelles elles prennent part, requiert de mettre en exergue les différentes notions qui interviennent dans cette opération (I.1), avant parcourir l’évolution de statut juridique de cette opération (I.2). I.1. Les différentes notions se rapportant à l’apport en gisement fait par une entreprise de portefeuille Deux notions essentielles gravitent dans l’orbite de l’apport en gisement faite par une entreprise du portefeuille pour retenir uploads/S4/ l-x27-apport-en-gisement-fait-par-une-entreprise-de-portefeuille-de-le-tat-dans-une-joint-venture-minie-re-en-droit-congolais.pdf
Documents similaires










-
31
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 14, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 1.0710MB