Leçon n° 1 : L’identification du droit de la fonction publique I. Les sources d

Leçon n° 1 : L’identification du droit de la fonction publique I. Les sources du droit de la fonction publique Les sources du droit de la fonction publique, et plus largement du droit administratif, ne sont pas figées. Elles évoluent avec le temps. L’étude des sources du droit de la fonction publique met en lumière trois mouvements : - tout d’abord, un important développement des sources constitutionnelles ; - ensuite, une montée en puissance conséquente des sources européennes ; - enfin, un déclin indéniable de la jurisprudence au profit du droit écrit. A. La constitutionnalisation du droit de la fonction publique Il est évident que la constitutionnalisation du droit de la fonction publique n’est que relative. La Constitution n’a, en effet, pas vocation à régir l’ensemble du droit de la fonction publique. L’évocation d’une constitutionnalisation du droit de la fonction publique tend uniquement à souligner que la Constitution détermine certains aspects du droit de la fonction publique. Les bases constitutionnelles du droit de la fonction publique concernent tout particulièrement la répartition des compétences. On évoquera également certaines règles de fond applicables aux agents publics. 1. La constitutionnalisation des règles de répartition des compétences La Constitution précise les domaines respectifs de la loi ordinaire et de la loi organique. L’article 64 de la Constitution prévoit ainsi que le statut des magistrats judiciaires doit être édicté par une loi organique. La Constitution distingue surtout le domaine de la loi de celui du règlement. Aux termes de l’article 34, la loi fixe les règles « concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ». La notion de "garanties fondamentales" est tellement floue qu’il est impossible d’en proposer une définition à l’aune de laquelle on pourrait comparer les différentes garanties dont disposent les fonctionnaires. Même si cela est profondément insatisfaisant on peut seulement affirmer que n’est une garantie fondamentale que ce que le juge qualifie comme tel ! Il ressort de la jurisprudence que constituent notamment des garanties fondamentales : - la détermination des modes de recrutement, mais pas les modalités du choix du jury du concours ; 1 - le droit, reconnu à tout fonctionnaire, de percevoir une rémunération après service fait (CE, Ass., 11 juillet 1984, Union des groupements de cadres supérieurs de la fonction publique, Rec. p. 258) ; - le droit à pension reconnu aux anciens fonctionnaires... L’article 34 de la Constitution fournit un autre titre de compétence au législateur. Ce dernier est, en effet, compétent pour déterminer les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». Cette disposition a été interprétée comme constituant « un titre de compétence du législateur dans le domaine de la fonction publique territoriale ». Le législateur sollicite à l’excès cette disposition, ce qui le conduit à empiéter sur la compétence réglementaire. Le gouvernement pourrait toutefois réagir en recourant à la procédure de délégalisation prévue par l’article 37, alinéa 2, de la Constitution. Compte tenu de cette attitude du législateur, le domaine du pouvoir réglementaire autonome est, en pratique, très réduit. De la même manière, le pouvoir réglementaire d’exécution des lois est généralement assez limité. Enfin, la Constitution répartit, dans ses articles 13, al. 2, et 21, al. 1er, la compétence en matière de nomination aux emplois civils et militaires de l’État.  Développer ce point ??? 2. La constitutionnalisation des règles de fond Etant placés au service de l’Etat, et donc de l’intérêt général, les fonctionnaires sont placés dans une situation distincte de celle des salariés de droits privés. Leur statut ou leur condition juridique s’en ressent. Il convient de préserver un équilibre juste ou raisonnable entre les droits des fonctionnaires et les obligations qui pèsent sur eux. Cet équilibre varie dans le temps. Le Conseil constitutionnel a ainsi, à plusieurs reprises, hissé le niveau de protection dont disposent les fonctionnaires. Pour cela, le juge constitutionnel a sollicité différents éléments du bloc de constitutionnalité : - la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (en matière d’égalité, notamment, son article 6 posant le principe d’égale admissibilité aux places et emplois publics, ou encore en matière de liberté d’opinion et de liberté de conscience) ; 2 - le préambule de la Constitution de 1946 : directement (en matière de liberté syndicale, de participation des travailleurs ou encore de droit de grève) ou plus indirectement via les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (par exemple en dégageant le principe de l’indépendance des professeurs d’université) ; - et, bien sûr, le texte même de la Constitution (en matière de pouvoir hiérarchique ou à propos de la neutralité des services publics par exemple). B. L’européanisation du droit de la fonction publique L’européanisation du droit de la fonction publique est contrastée : l’incidence du droit communautaire sur le droit français de la fonction publique est beaucoup plus importante que celle du droit européen (c’est-à-dire du droit issu du Conseil de l’Europe et forgé essentiellement à partir de la Convention européenne des droits de l’homme). 1. L’impact considérable du droit communautaire Cette influence apparaîtra de manière diffuse tout au long de ce cours. La dernière illustration de cette influence est fournie par la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Sans rentrer dans le détail, cette influence se concrétise via deux canaux privilégiés que sont le principe de libre circulation des travailleurs et le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Le principe de non-discrimination peut ainsi jouer en faveur des hommes. La CJCE a notamment considéré que le système français offrant en matière de retraite une bonification d’ancienneté aux fonctionnaires mères de 3 ans et non aux pères violait le principe d’égalité. 2. L’incidence limitée du droit européen L’influence du droit de la Convention européenne des droits de l’homme est moindre que celle du droit communautaire. Pour ce qui est des garanties de fond offertes par la Convention, le droit français semble offrir un niveau de protection satisfaisant très largement les standards européens. Le principe de non-discrimination posé par l’article 14 de la Convention a néanmoins joué et pourrait encore jouer un rôle important en matière de pensions et d’égalité entre les hommes et les femmes. C’est toutefois en matière de garanties procédurales que la jurisprudence est la plus 3 abondante. La Cour européenne des droits de l’homme admet désormais très largement l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention au contentieux de la fonction publique. Les fonctionnaires peuvent donc se prévaloir du droit à un procès équitable dans le cadre des litiges qui les opposent à leur employeur public.  Evoquer ici Pellegrin et Eskelinen ??? CEDH, 19 avril 2007, Eskelinen / Finlande L’arrêt Pellegrin […] devait fournir un concept opératoire sur la base duquel on vérifierait, au cas par cas, si compte tenu de la nature des fonctions et des responsabilités qu’il comportait l’emploi d’un requérant impliquait une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions visant à sauvegarder les intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques. Il fallait ensuite déterminer si le requérant, dans le cadre de l’une de ces catégories de postes, occupait bien des fonctions pouvant être considérées comme relevant de l’exercice de la puissance publique, c’est-à- dire si la position de l’intéressé dans la hiérarchie de l’Etat était suffisamment importante ou élevée pour que l’on puisse dire qu’il participait à l’exercice de l’autorité étatique. 11. Cependant, le cas d’espèce fait apparaître que l’application du critère fonctionnel peut en soi déboucher sur des anomalies. A l’époque considérée, les requérants relevaient du ministère de l’Intérieur. Cinq d’entre eux étaient policiers, emploi illustrant parfaitement les activités spécifiques de l’administration publique telles que définies ci-dessus. Leur poste impliquait une participation directe à l’exercice de la puissance publique et à des fonctions visant à sauvegarder les intérêts généraux de l’Etat. Quant aux fonctions de l’assistante, elles étaient purement administratives, dépourvues de compétence décisionnelle ou d’exercice direct ou indirect de la puissance publique ; elles ne pouvaient donc être distinguées de celles de n’importe quelle autre assistante administrative travaillant dans le secteur public ou dans le secteur privé. […] l’arrêt Pellegrin mentionnait expressément la police comme exemple manifeste d’activités relevant de l’exercice de la puissance publique, et soustrayait ainsi toute une catégorie de personnes du champ d’application de l’article 6. Il découlerait d’une application stricte de l’« approche Pellegrin » que, dans la présente affaire, l’assistante administrative bénéficie des garanties de l’article 6 § 1 alors que ce n’est assurément pas le cas pour les requérants policiers, même si le litige est identique pour l’ensemble des intéressés. 22. En résumé, pour que l’Etat défendeur puisse devant la Cour invoquer le statut de fonctionnaire d’un requérant afin de le soustraire à la protection offerte par l’article 6, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, le droit interne de l’Etat concerné doit avoir expressément exclu l’accès à un tribunal s’agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. En second lieu, uploads/S4/ cours-fonction-publique-2007-blog.pdf

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  • Publié le Apv 15, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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